
De : Manele Labidi
Avec Camélia Jordana, Sofiane Zermani, Damien Bonnard, Rim Monfort
Année : 2025
Pays : France, Belgique
Genre : Drame
Résumé :
Amel est un personnage haut en couleur. Elle a du tempérament, de l’ambition pour ses deux filles, une haute estime d’elle-même et forme avec Amor un couple passionné et explosif. Malgré les difficultés financières elle compte bien ne pas quitter les beaux quartiers. Mais la famille est bientôt menacée de perdre son appartement tandis que Mouna, l’aînée des deux filles, se met à avoir d’étranges visions de Charles Martel après avoir appris qu’il avait arrêté les Arabes à Poitiers en 732… Amel n’a plus le choix : elle va devoir se réinventer !
Avis :
Après des études en sciences politiques et un travail dans la finance, Manele Labidi entre à la Fémis en 2016 en cours d’écriture. Deux ans plus tard, elle réalise son premier et seul court-métrage, « Une chambre à moi« , qui est une variation autour de « Une chambre à soi » de Virginia Woolf. Pour ma part, j’ai découvert le cinéma de Manele Labidi avec son premier film, l’excellent « Un divan à Tunis« , que je vous recommande fortement de voir. Si jamais vous avez envie de vous amuser devant une comédie qui convoque du Almodovar, alors ce « … divan à Tunis » est là.

Ce premier long de Manela Ladibi avait été un vrai coup de cœur, et j’attendais un autre film de la réalisatrice avec beaucoup de curiosité. Et voici que cinq ans après, la cinéaste fait son retour avec « Reine Mère« , une comédie située au début des années 90, qui avait tout l’air d’être on ne peut plus amusante. Avec ce film, Manele Labidi a puisé dans ses souvenirs d’enfance, pour écrire une histoire entre fantasme et réalité qui, comme pour « Un divan à Tunis » s’annonçait haut en couleur. Mais voilà, si le film tient des moments qui sont amusants, malheureusement, je dois dire que je suis totalement passé à côté de cette petite folie douce, qui tient pourtant des sujets intéressants et des personnages qui amusent.
« »Reine Mère » a beaucoup d’éléments qui sont intéressants. »
Région parisienne, 1991. Cela fait sept ans qu’Amel et Amor, un couple binational entre la Tunisie et l’Algérie, attendent un logement social, et aujourd’hui, il y a urgence, car le propriétaire de l’appartement dans lequel ils vivent à décider de le récupérer pour le donner à son fils. Le couple vit avec leurs deux filles, dont l’aînée est en CM2. Un jour, alors qu’elle suit un cours d’histoire sur l’histoire de France, elle apprend l’existence de Charles Martel, Roi de France qui a repoussé les Arabes en 723 pendant la bataille de Poitiers. Pour la petite fille, une chose étrange se produit à ce moment-là, puisqu’elle voit Martel sortir de la diapositive qui le représentait, et désormais, ce dernier vit avec elle…
Me voilà assez partagé sur ce deuxième film signé Manele Labidi. Si le film n’est pas mauvais, je ne peux pas dire que cette séance de cinéma fut un moment génial, alors même qu’au sein de celle-ci, « Reine Mère » a beaucoup d’éléments qui sont intéressants. D’ailleurs, en optimiste acharné, je préfère garder les bons côtés et moments en tête, et commencer par eux.
Ainsi, ce qui est le plus intéressant dans « Reine Mère« , c’est l’intégration et tout ce qui gravite autour de ce que la réalisatrice met en avant. Ici, Manele Labidi nous parle d’un couple de binationaux, entre une tunisienne et un algérien, qui vont tout faire pour s’intégrer au pays qui les a accueillis. Le film parle aussi bien de la volonté de s’en sortir que des rêves et des envies pour un avenir meilleur, que du sentiment de déracinement et l’envie aussi parfois de rentrer, ou encore le racisme, notamment avec une scène très forte autour des paroles d’une chanson.
« Du côté de sa mise en scène, le film offre plein de choses »
Avec ça, « Reine Mère » parlera aussi de la difficulté de choisir, notamment avec ce couple binational, qui pourrait bien ne pas être accepté dans un pays comme dans l’autre. Ce qui est très bien aussi, c’est que par rapport à d’autres films qui font dans le social, Manele Labidi, tout comme elle l’avait déjà fait avec son premier film, fait le choix de la comédie pour raconter ses personnages, et elle évite le misérabilisme facile, préférant mettre l’angle sous d’autres axes.
Le film nous offre des personnages qui sont amusants et hauts en couleur. Camélia Jordana est excellente en mère de famille partagée entre ses rêves, ce dont elle a envie et la difficile réalité. Sofiane Zermani, quant à lui, est loin, très loin, de l’image que véhicule le cinéma en ce moment avec les personnages musulmans, et il est assez touchant. Parmi les personnages, il faut aussi mentionner l’excellence du duo Saadie Bentaïeb et Farida Rahouadj qui pour le coup, sont franchement à mourir de rire, entre punchlines, conversations ensoleillées et disputes gentiment houleuses.
Du côté de sa mise en scène, le film offre plein de choses, et surtout, il essaie de proposer un cinéma qui s’aventure autre part. Là encore, on peut y voir un petit côté Almodovar, que ce soit dans le choix des couleurs, du rythme, ou la façon de casser la narration, passant de la réalité à la fiction. Mais voilà, si sur l’ensemble, c’est bien fait, c’est aussi avec cette idée de fantasme qui voit un Charles Martel sortir d’une diapositive et s’incruster dans la vie de la famille, qui abîme cette séance. Outre le révisionnisme qui est fait autour de Charles Martel et est balancé comme ça, sans vraiment de subtilité, à la fin du film, en termes de conclusion générale de l’intrigue, ça met un flou, car on reste hésitant sur le véritable sujet du film.
« Manele Labidi veut faire un cinéma décalé, mais ça tombe à plat »
Il y a aussi que toutes les incursions de Charles Martel sont lourdes. Manele Labidi veut faire un cinéma décalé, mais ça tombe à plat, et plus que ça, ça a tendance à se faire agaçant. Puis plus le film avance, et plus Charles Martel, incarné par un Damien Bonnard en roue libre, se fait manger à la sauce 2020, au point que si le personnage finissait par s’excuser d’être un « guerrier viril », ça n’aurait pas été étonnant. Alors que ça aurait pu être très amusant, que ça aurait pu se poser comme une farce totalement fantasmée qui aurait pu s’inviter dans l’esprit des Monthy Python, sous ses airs d’en rire, on sent que ce côté-là du film est pris bien trop au sérieux pour être le fantasme d’une petite fille qui aurait comme ami imaginaire un ancien Roi de France.

Ainsi, si le film a de très bons côtés qui ont été capable d’amuser et d’intéresser, ils n’auront pas été aussi forts que toutes ces incursions d’un Charles Martel déconstruit, qui finit par agacer et se faire de plus en plus loin au fur et à mesure que cette histoire avance. Ce deuxième film de Manele Labidi se pose donc comme une vraie déception, et ça, c’est franchement dommage. En espérant que son troisième film, qui est déjà en préparation, rattrape le plantage de celui-là.
Note : 09/20
Par Cinéted