De : Rubin Stein
Avec Milena Smit, Jaime Lorente, Carlos Gonzalez Morollon, Anastasia Russo
Année : 2023
Pays : Espagne
Genre : Horreur
Résumé :
Des jumeaux orphelins sont accueillis dans un couvent où ils reçoivent une éducation stricte. Bientôt, ils sont adoptés par un jeune couple.
Avis :
Il fut un temps où le cinéma horrifique ibérique était en plein essor et proposait vraiment des films avec du caractère. L’âge d’or se situe dans les années 70, puis il y a eu un sursaut durant les années 2000/2010 avec une nouvelle vague (Jaume Balaguero, Paco Plaza ou encore Juan Antonio Bayona). Depuis, le genre en Espagne peine à convaincre et s’enlise souvent dans des histoires sans saveur, où le cadre environnemental prime sur la peur. C’est-à-dire qu’il faut que ce soit joli, avec de beaux paysages et une belle lumière, mais on sent que niveau script et thèmes, il ne faut pas trop choquer le manant. Quand Netflix propose Tin & Tina de Rubin Stein, on aurait tendance à espérer un film d’épouvante qui vient lorgner du côté de Rosemary’s Baby ou de La Malédiction. Mais n’est pas Richard Donner qui veut.
D’entrée de jeu, le film nous propose un cadre particulier, puisque nous sommes en 1981, dans une Espagne qui peine à trouver une démocratie stable. On va y croiser la route d’un jeune couple qui émet le désir d’être parent, mais malheureusement, la femme fait une fausse couche et ne peut plus être mère. Sombrant dans une dépression de plus en plus prégnante, le mari propose d’aller adopter un bébé dans le couvent situé à côté de la maison. A la place d’un bébé, le couple adopte deux enfants, un frère et une sœur, qui sont des fous de Dieu. C’est-à-dire qu’ils n’ont jamais foutu les pieds dehors, et qu’ils croient dur comme fer à l’existence de Dieu, mais aussi aux miracles et à tout ce qui est écrit dans la Bible. Littéralement. Forcément, cela va amener à des situations dangereuses.
« C’est tout le problème du film qui n’arrive jamais à faire passer son message anticlérical. »
Très rapidement, on se rend compte qu’avec ce film, Rubin Stein veut tacler la religion chrétienne, ou tout du moins ce que l’on appelle le fanatisme. Dotés d’une naïveté qui parfois frôle l’humour grotesque, les deux gamins vont enchaîner les gaffes morbides qui trouvent leur évocation au sein de la Bible. On peut citer le coup du chien qu’ils décident d’ouvrir et de refermer, ou encore ce camarade de classe qu’ils vont lyncher jusqu’à la mort parce qu’il a blasphémé. Des situations qui auraient pu apporter du poids à l’histoire, et une ambiance mortifère, mais qui tombent souvent à plat car le réalisateur nous place constamment dans la peau des parents, qui sont complètement idiots. A quel moment accepte-t-on de se faire étouffer par ses gosses dans un jeu étrange fait pour voir Dieu ? Et comment ne pas voir dans leur naïveté un danger imminent ?
C’est tout le problème du film qui n’arrive jamais à faire passer son message anticlérical. Un message qui expose tous les dangers du fanatisme, notamment auprès d’un public jeune et crédule qui croit tout ce qu’on lui dit. Le cinéaste aurait dû appuyer un peu plus là où ça fait mal, voire aller encore plus loin dans les sévices pour bien montrer l’aspect néfaste de trop croire en une religion. A la place, on va se retrouver avec une fin qui expose tout le contraire. En effet, au lieu de nous laisser libre d’interprétation, on va nous forcer à croire en l’existence de Dieu, qui sauve uniquement les dévots, ceux qui s’efforcent de croire en lui. Étonnant de voir que le seul qui brûle une Bible se fait alors foudroyer, comme une vengeance divine. Bref, dans son script, Tin & Tina est très maladroit.
« Deux heures pour raconter cette histoire, c’est bien trop long. »
Mais au-delà de ces problèmes d’écriture, on va aussi voir que les personnages sont d’une bêtise rare et les deux acteurs jouant les parents sont très mauvais. Milena Smit tire la tronche tout le temps, même quand elle a tout pour être heureuse. Le fait qu’elle ait un handicap ne change rien à son personnage et n’apporte clairement rien à son background. Quant à Jaime Lorente (La Casa de Papel), il joue un père machiste, qui veut clairement que sa femme reste à la maison pour s’occuper des gosses, pendant que lui travaille en tant que pilote d’avion. L’acteur en fait des caisses et démontre son incapacité à être dans la gravité sans jouer comme un cochon. Heureusement, les deux gosses relèvent un peu le niveau mais, comme dit auparavant, on se place tout le temps du point de vue des parents, ce qui rend le film anecdotique.
Il faut aussi ajouter à cela un énorme problème de rythme. Deux heures pour raconter cette histoire, c’est bien trop long, et il n’est pas étonnant de ressentir de l’ennui, puisqu’à la base, il s’agit d’un court-métrage de 2013 écrit et réalisé par Rubin Stein. Ici, tout est étiré à l’infini pour on ne sait quelle raison et rien ne prend des proportions intéressantes. Finalement, la seule chose bien dans ce film reste sa mise en scène, qui est classique, mais qui offre des moments intéressants, à l’image du meurtre du chien. Mais encore, on peut trouver à redire sur l’ambiance, inexistante, qui propose un joli cadre temporel et spatial, mais qui n’en fait strictement rien. C’est joli, mais ça reste vide de sens et n’apporte aucune plus-value à l’ensemble.
Au final, Tin & Tina est un coup d’épée dans l’eau. Si on pourrait se réjouir d’un contexte historique et d’une belle mie en scène, cela ne servira en rien un récit balisé, qui suit à la trace ses aînés sans jamais remettre en question la religion. Un comble quand on se doute que le but premier de ce long-métrage était de critique le fanatisme et le patriarcat. Rubin Stein étire son film jusqu’à la lie, n’arrivant jamais à le rendre angoissant, ou ne dépeignant que rarement une atmosphère lugubre au sein d’un couvent rigide. Bref, un film insipide, qui se tire une balle dans le pied.
Note : 05/20
Par AqME