mai 3, 2024

Les Damnés ne Pleurent Pas – Jamais Sans mon Fils

De : Fyzal Boulifa

Avec Aïcha Tebbae, Abdellah El Hajjouji, Antoine Reinartz

Année : 2023

Pays : France, Belgique, Maroc

Genre : Drame, Romance

Résumé :

Fatima-Zahra traîne son fils de 17 ans, Selim, de ville en ville, fuyant les scandales qui éclatent sur sa route. Quand Selim découvre la vérité sur leur passé, Fatima-Zahra lui promet un nouveau départ. Ils arrivent alors à Tanger, où de nouvelles rencontres leur donnent l’espoir d’atteindre la légitimité qu’ils recherchent tant. Mais ces aspirations menacent la relation fusionnelle qui les lie depuis toujours.

Avis :

Né en 1985 à Leicester en Angleterre, Fyzal Boulifa est d’origine marocaine. C’est à l’âge de vingt-sept ans qu’il réalise son premier court-métrage et très vite, il récolte des prix, tant et si bien qu’il sera nommé aux Bafta. En 2015, il réalise son deuxième court, et là encore, ce dernier fonctionne très bien, allant même faire un tour du côté de la Berlinade, Cannes et Sundance. À la Berlinade, il est nommé Star de demain par le magazine Screen. Grâce à ces très bons échos, Fyzal Boulifa réalise son premier long en 2019, « Lynn + Lucy » (film encore inédit chez nous), qui dresse le portrait de deux jeunes femmes amies, et sûrement plus si affinités.

Très vite, le réalisateur se lance dans un nouveau film, et cette fois-ci, c’est un sujet plus personnel sur lequel il va s’arrêter, puisque Fyzal Boulifa va s’inspirer de membres de sa famille. « Les damnés ne pleurent pas » pose sa caméra au Maroc pour peindre une relation mère/fils face à une société encline au jugement, à la honte, et pleine d’oppression. Si le film tient un sujet intéressant, qui a tout pour être une bouleversante histoire pleine de réflexions, malheureusement, ces « … damnés ne pleurent pas » va laisser un sentiment tout autre, entre manque d’émotion, longueur et un goût d’inachevé. Dommage.

« Ça manque cruellement de corps pour nous entraîner dans le quotidien de ses personnages. »

Fatima-Zahra vit seule avec son fils Selim de dix-sept ans. Fatima-Zahra et Selim sont bien souvent sur la route, allant là où ils trouvent du travail. Arrivé à Tanger, Selim trouve très vite du travail sur des chantiers et c’est là qu’il va y faire la connaissance de Sébastien, un expatrié français qui tient un Riad en centre-ville. Pendant ce temps, Fatima-Zahra fait une rencontre qui pourrait tout changer pour elle.

À la lecture du synopsis du deuxième film de Fyzal Boulifa, j’étais certain de passer un très beau moment de cinéma tout en émotion. Il faut dire que ces « … damnés ne pleurent pas » avait franchement de quoi se faire on ne peut plus intéressant, avec ces sujets comme la différence, l’oppression de la société, ici marocaine, le regard des autres, la liberté de soi, notamment dans un pays où l’homosexualité est encore interdite, et plus largement l’émancipation de la femme, à travers cette mère célibataire pleine de fantaisie. Bref, le film avait vraiment des cartes pour se faire bouleversant, et d’ailleurs beaucoup des événements et des rencontres que le réalisateur nous raconte sont intéressantes. « Les damnés ne pleurent pas » est un film qui raconte et dénonce pas mal de choses, mais malheureusement, derrière ça, ça manque cruellement de corps pour nous entraîner dans le quotidien de ses personnages.

Il y a quelque chose qui fait qu’ici, on reste dans l’attente permanente que le film décolle, cette sensation est d’autant plus frustrante, car en attendant, le film déroule ses sujets, ses rencontres, les hésitations de ses personnages et surtout les peintures de ces deux personnages, car Fyzal Boulifa divise son film en deux trajectoires, celle d’une mère au très lourd passé, qui rêve d’autre chose et s’accroche comme elle le peut. D’ailleurs, du côté de cette femme, il y a quelque chose de très Almodovarien qui se dégage d’elle, avec ses grandes robes rouges et son côté fantasque. Le personnage est joliment incarné par Aïcha Tebbae.

« On reste dans l’attente permanente que le film décolle enfin. »

Puis il y a ce fils, ténébreux, solitaire et peu bavard, qui est perdu avec lui-même, attiré par un jeune homme, mais en même temps, bloqué dans un pays qui refuse ce genre de relation. De là naît une colère, et cette dernière est mal dosée, rendant le personnage assez désagréable, voire presque caricatural. Et pour le coup, je ne sais pas vraiment si c’est le fait que le personnage est agaçant, mais Abdellah El Hajjouji qui incarne ce personnage est si étouffé, qu’il ne dégage rien. En un sens, ce manque d’émotion qui fait défaut au film vient en très grande partie à cause de ce personnage et de son acteur. Heureusement, pour avoir un peu de tendresse et de bien-être, on pourra compter sur la spontanéité et le naturel d’un Antoine Reinartz toujours excellent.

Du côté de la mise en scène de Fyzal Boulifa, « Les damnés ne pleurent pas » nous laisse le cul entre deux chaises, car dans un sens, le film est bon, avec un côté très réaliste dans son ambiance. Il y a quelque chose on ne peut plus réel qui se dégage des images, des scènes et même de ces personnages, au point qu’on pourrait croire à un faux documentaire, mais derrière ça, le manque d’émotion dont fait preuve cette histoire, et ces scènes bien souvent étirées, font que le film traîne en longueur. Alors même que l’intrigue ne cesse d’avancer, c’est l’effet inverse qui se fait ressentir, car comme je le disais plus haut, on reste dans l’attente permanente que le film décolle enfin.

Je ressors donc très partagé de cette première incursion dans le cinéma de Fyzal Boulifa, car ici, le réalisateur a des choses à dire, peint des personnages qui sont intéressants, même s’ils peuvent être aussi désagréables, et derrière ça, son film respire la sincérité. Mais voilà, face à cela, « Les damnés ne pleurent pas » se rate dans son émotion, et l’on reste devant un film qui traîne en longueur, et d’un coup, il se coupe, nous laissant cruellement sur notre faim. Dommage, vraiment dommage.

Note : 08/20

Par Cinéted

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