mai 1, 2024

Huit et Demi

Titre Original : Federico Fellini’s 8 ½

De : Federico Fellini

Avec Marcello Mastroianni, Anouk Aimée, Sandra Milo, Claudia Cardinale

Année : 1963

Pays : Italie, France

Genre : Drame

Résumé :

Un cinéaste dépressif fuit le monde du cinéma et se réfugie dans un univers peuplé de fantasmes.

Avis :

On ne présente plus Federico Fellini, cinéaste italien culte de chez culte, qui a raflé trois Oscar pour le meilleur film étranger et dont les thèmes sur la décrépitude, le vieillissement ou encore l’attirance pour une société décadente ont fait plusieurs fois scandale. Issu de la petite bourgeoisie, il va se destiner à une carrière de journaliste avant de rencontrer une actrice qu’il épouse, puis d’écrire des scénarios et de faire des rencontres déterminantes qui l’amèneront derrière la caméra. Durant les années 60, sa réputation n’est plus à faire, et chacun de ses films sont attendus avec impatience. Après avoir montrer des personnages usés par la vie et en recherche perpétuelle d’amour, il va livrer un long-métrage semi-autobiographique avec 8 ½. Un film fantasmagorique, étrange, où il explore les déboires et l’imaginaire débridé d’un cinéaste en manque d’inspiration. Et le film d’être un petit chef-d’œuvre onirique.

Le film débute de façon assez étrange et inattendue. Nous sommes en plein embouteillage, mais le silence règne. Chacun vaque à ses occupations dans sa voiture, lorsqu’un homme sort de la sienne car elle prend feu, et se retrouve à survoler les autres comme un ange. Dès le départ, on voit que Fellini va nous livrer un film qui ne sera pas forcément facile d’accès dans son scénario, et qui va aborder des moments éthérés où l’on va rentrer dans la psyché du personnage central. Guido est un cinéaste qui a beaucoup de succès, mais qui est atteint du syndrome de la page blanche. Il suit une cure, et avec des assistants, il essaye de peaufiner un nouveau scénario dans lequel il explore ses tourments et son passé. Fellini ne va pas nous mâcher le travail de compréhension, avec une histoire complexe, où la réalité se brusque souvent aux fantasmes.

« 8 ½ est une plongée mélancolique dans les souvenirs d’un cinéaste qui fait une dépression et n’accepte pas le temps qui passe. »

Il faut dire que parfois, la frontière est très fine entre les deux « mondes ». Sans vraiment exprimer de rupture, on se retrouve souvent dans les souvenirs ou les désirs du réalisateur, puis d’un coup, on se raccroche à la réalité. Grâce à la mise en scène ingénieuse de Fellini, on va découvrir deux mondes pas si différents, si ce n’est que l’un assouvit les fantasmes du personnage central, qui souffre d’un passé heureux et n’accepte pas forcément de vieillir, ou de voir les autres partir avant lui. La scène avec ses parents est d’une beauté folle, en plus d’être très touchante, exprimant cette difficulté de dire au revoir à sa famille, alors même que c’est dans l’ordre des choses. Ainsi donc, 8 ½ est une plongée mélancolique dans les souvenirs d’un cinéaste qui fait une dépression et n’accepte pas le temps qui passe.

Un sujet déjà traité par Fellini, mais qui semble le hanter et le hantera après le tournage du film, puisque le réalisateur fera une dépression juste après le tournage. Cette obsession autour de la vieillesse, on la retrouve aussi dans le rapport de Guido avec les femmes. L’homme est entouré de femmes toutes plus belles les unes que les autres, et alors qu’il est marié, il ne peut se passer d’une sorte de harem autour de lui. Un harem fait d’actrices françaises, de fantasmes inavoués ou encore de femmes plantureuses à la recherche d’une aventure avec un homme connu, pour avoir un rôle dans un film. La longue séquence où il se retrouve avec toutes les femmes de sa vie est très belle, comme elle peut sembler pathétique, présentant un macho qui va finalement payer sa misogynie. Là aussi, on est en plein dans le cinéma de Fellini.

« Avec 8 ½, Fellini déclare une lettre d’amour au cinéma, l’érigeant au pinacle de tous les arts. »

Mais ce n’est pas tout. En dehors des souvenirs douloureux de Guido, en dehors de ses fantasmes féminins, il y a aussi un rapport à l’art et au cinéma qui est très fort. Avec 8 ½, Fellini déclare une lettre d’amour au cinéma, l’érigeant au pinacle de tous les arts, où la peinture, la photographie et le mouvement font partie d’un tout. Ici, le réalisateur va devoir faire face à ses propres démons, mais aussi aux critiques, au producteur véreux, à une démesure qu’il ne contrôle pas et à des attentes qui vont le rendre malade. Derrière les affres d’un homme qui refuse de vieillir, on retrouve aussi l’euphorie de faire une œuvre, d’être constamment jugé et de subir une pression monstre de la part de plusieurs personnes, allant du chef décorateur, au casting, en passant par un conseiller en scénario qui ne mâche pas ses mots.

Cette lettre d’amour au cinéma, dans ce qu’il y a de mieux et de pire, est retranscrite dans la mise en scène. C’est bien simple, 8 ½ est tout simplement sublime à regarder. Du début à la toute fin, c’est d’une beauté incroyable. Il y a de la démesure, de la grandiloquence, mais aussi une envie de faire plus intime, notamment lorsqu’il faut aborder la relation entre Guido et sa femme, ou encore entre Guido et l’actrice qu’il espère ardemment pour son film. Federico Fellini fait preuve d’une grande générosité, mais aussi d’une grande ingéniosité. Chaque plan est travaillé, pensé, avec des décors magnifiques qui permettent de sublimer l’ensemble. Même la scène finale, avec cette ronde où tous les personnages se tiennent la main dans un décor de cirque, résonne comme un carrousel magnifique de tout ce qui peuple l’histoire. Bref, c’est beau.

Au final, 8 ½ est un film expérimental mais qui a beaucoup de choses à dire et reste dans les thématiques phares de son réalisateur. A la fois sensible, onirique, dramatique, drôle et parfois pathétique, on retrouve là tout ce qui fait la quintessence même du septième art. Federico Fellini délivre tous ses démons et offre une œuvre intime, mais qui baigne dans une démesure comme seul le cinéma peut en offrir. Certes, ce n’est pas toujours facile d’accès, mais ça reste une véritable proposition et un parti-pris qui fonctionne à plein régime.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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