De : Mathieu Vadepied
Avec Omar Sy, Alassane Diong, Jonas Bloquet, Bamar Kane
Année : 2023
Pays : France, Sénégal
Genre : Drame, Guerre, Historique
Résumé :
1917. Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf.
Avis :
Après avoir effectué une belle carrière en tant que directeur de la photographie, notamment pour Jacques Audiard, Nakache et Tolédano ou encore Xavier Durringer, en 2015, après un court dans les années 2000, Mathieu Vadepied s’est essayé à la réalisation avec un certain succès. Son premier et seul film jusqu’à ce « Tirailleurs« , « La vie en grand« , fut un petit moment de cinéma tout à fait sympathique, partagé entre drame et comédie, pour parler des banlieues avec une certaine justesse en prime.
Depuis ce film, Mathieu Vadepied aura participé à la première saison de « En thérapie« , mais derrière ça, il aura pris son temps pour son deuxième film, car le cinéaste va voir bien plus grand et ambitieux avec ces « Tirailleurs« .
Ainsi, pour son deuxième film, Mathieu Vadepied va placer sa caméra en 1917, en pleine Première Guerre mondiale, pour évoquer les soldats sénégalais et plus largement l’Afrique subsaharienne qui se trouvait enrôlés de force et envoyés sur le front pour défendre la France. Sujet très intéressant et très rarement évoqué au cinéma, « Tirailleurs » se pose alors comme une petite, toute petite, réussite, dans le sens où s’il est prenant et intéressant, il reste aussi très classique, très académique, voire presque sans surprise et c’est dommage, car cela lui enlève de la saveur, ou plutôt, ça lui enlève de l’impact.
« »Tirailleurs » propose deux visions de la guerre, et surtout deux façons (parmi tant d’autres) de s’en échapper… »
1917, Bakary est un paysan sénégalais qui va s’engager dans l’armée française pour rejoindre son fils de dix-sept ans qui vient d’être enrôlé de force par l’armée. Envoyé dans le nord de la France sur le front, père et fils vont découvrir l’enfer de la guerre et alors que Thierno va peu à peu s’affranchir, prendre du galon, et se lancer dans les combats, son père va tout mettre en œuvre pour le sortir des champs de bataille et le ramener au pays sain et sauf.
Avec « Tirailleurs« , Mathieu Vadepied s’intéresse donc aux destins des tirailleurs, ces troupes sénégalaises. Lorsque l’on cherche, on trouve très peu de films qui s’arrêtent sur ce sujet-là et c’est bien dommage, car en plus d’être intéressant de par son histoire, il peut soulever tout un tas de questions quant à la façon dont la France « gérait » ses colonies.
Écrit en partie par Mathieu Vadepied, de manière très classique, le film se constitue en deux parties. Une première partie au Sénégal, pour nous peindre le portrait de ces hommes et des femmes, et une fois enrôlé, « Tirailleurs » nous entraînera logiquement vers le front, les batailles, l’enfer de la guerre, et les solutions pour s’en échapper. Pour enrichir son histoire, le cinéaste nous propose de suivre la destinée d’un père et son fils.
Au premier abord, il est vrai que l’idée d’un père prêt à tout pour sauver son fils des tranchées peut donner une très belle histoire et d’ailleurs, entre quelques clichés et quelques facilités, cette histoire demeure belle. Puis elle est intéressante, car avec ces deux personnages, « Tirailleurs » propose deux visions de la guerre, et surtout deux façons (parmi tant d’autres) de s’en échapper, avec d’un côté ce père qui essaie de trouver un moyen de s’enfuir et de l’autre ce fils qui peu à peu s’affirme, devient un homme (comme on dit) et conclut que la seule façon de s’en sortir et rentrer à la maison, c’est de se battre, de faire la guerre et surtout de la gagner. Au travers de ces deux visions, le scénario nous réserve pas mal d’aventures et de confrontations, en plus de nous livrer quelques bonnes scènes de champs de bataille.
« Mathieu Vadepied, même s’il réalise un bon film et qu’il tient une bonne histoire, n’arrive pas à insuffler des émotions et de la surprise… »
Mais voilà, comme je le disais, si, cette histoire est belle, l’idée de raconter ce père et ce fils est aussi sa faiblesse, car très vite, on comprend, et pire encore, on connaît les grandes lignes de ce script et comme d’un bien entendu, tout, absolument tout, va se dérouler comme on l’avait imaginé. Mathieu Vadepied, même s’il réalise un bon film et qu’il tient une bonne histoire, n’arrive pas à insuffler des émotions et de la surprise, ou même de l’angoisse. Certes, le film fonctionne bien, mais comme on sait très bien où il va aller, finalement, on le suit avec un petit intérêt. Il n’y aura vraiment que lorsque le réalisateur s’attarde à parler au sens large de ces tirailleurs, leur vie, leurs visions de la guerre, ou encore leurs magouilles, que là, le film est vraiment percutant.
Le classicisme évoqué plus haut, on le retrouve aussi dans la mise en scène de Mathieu Vadepied, qui livre là un film bien beau, bien propre. Certes, c’est bien fait. Certes, la reconstitution est excellente et on sent que le cinéaste a envie de nous offrir un grand et beau film, qui assure dans sa mise en scène et son ambition. Or, derrière tout ça, « Tirailleurs » n’ose jamais vraiment s’aventurer et prendre des risques. Un peu à l’image de son intrigue, dans son montage, tout s’enchaîne comme cela doit se passer et finalement, on pourrait presque dire que le film manque de personnalité. Alors qu’il a un sujet en or, de bons moyens, et de bons comédiens, « Tirailleurs » ne nous offre qu’un bon divertissement, qui sait se faire intéressant, mais qui n’arrivera pas à marquer les esprits.
« La vraie « star » du film, celui qui vole la vedette à tout le monde, c’est Alassane Diong«
Loin du gentleman cambrioleur ou des comédies, « Tirailleurs » propose à Omar Sy un bon rôle que le comédien tient avec assurance et émotion. À noter qu’en plus, il tient le rôle en langue Peul. Mais la vraie « star » du film, celui qui vole la vedette à tout le monde, c’est Alassane Diong, qui incarne le fils d’Omar. Le jeune comédien qui jongle entre deux langues, est bourré de talent, et il trouve aussi le personnage le plus intéressant à suivre, car Thierno est un personnage qui évolue tout au long de l’intrigue, passant de l’enfant apeuré à l’homme qui comprend vite qu’il va falloir se battre pour survivre. En fait, il y a quelque chose de l’ordre du parcours initiatique et du passage à l’âge adulte qui se fait avec ce personnage, et même si c’est facile et logique, pour ce genre d’histoire, ça reste quand même très intéressant.
Ce deuxième film pour Mathieu Vadepied se pose comme une petite réussite. Mathieu Vadepied a un sujet en or. Un sujet qui démontre bien l’ambition de son réalisateur et derrière ça, techniquement et scénaristiquement parlant, « Tirailleurs » est un bon film, mais un film qui malheureusement demeure bien trop classique, manquant de souffle, d’émotions et d’audace pour pleinement marquer et s’imposer. Après, ne serait-ce que pour son sujet, qui est quasi jamais abordé au cinéma, « Tirailleurs » mérite qu’on s’y arrête.
Note : 13/20
Par Cinéted