avril 29, 2024

Le Cabinet de Curiosités de Guillermo Del Toro

D’Après une Idée de : Guillermo Del Toro

Avec Rupert Grint, Andrew Lincoln, Ben Barnes, Peter Weller

Pays : Etats-Unis

Nombre d’Episodes : 8

Genre : Horreur

Résumé :

Une anthologie sur la thématique de l’horreur créée par Guillermo Del Toro, dont chaque épisode sera signé par un réalisateur différent.

Avis :

Guillermo Del Toro est un réalisateur d’origine mexicaine qui s’est rapidement fait connaître grâce à ses films d’horreur et ses monstres touchants. Car oui, derrière le bel écrin de sa mise en scène, il y a toujours des créatures, et ces dernières cachent des secrets, étant bien souvent victimes des humains. Avec des films comme Le Labyrinthe de Pan, L’Echine du Diable ou encore La Forme de l’Eau, il est difficile de dire du mal du cinéaste, tant son imaginaire est sans fin, et son cinéma bouillonnant de vie. Et forcément, avec une telle imagination, le réalisateur a décidé de faire une série, qui est une anthologie de récits horrifiques, avec un cinéaste différent à chaque segment. Seulement voilà, lorsque l’on aborde des anthologies, il y a toujours à boire et à manger, et l’aspect inégal peut abîmer une saison. Est-ce le cas ici ?

Le premier épisode est signé Guillermo Navarro, qui est le directeur de la photographie de Del Toro, mais qui a aussi bossé avec Quentin Tarantino. Un bon CV donc, mais avec Le Lot 36, le passage à la réalisation peut être délicat. On va donc suivre ici un homme qui achète un entrepôt à l’abandon, pour acquérir tous les objets à l’intérieur. Manque de bol, il tombe sur des objets ésotériques ayant appartenu à un ancien nazi. Y voyant une manne financière importante, il fait expertiser le tout et se retrouve à fouiner là où il n’aurait pas dû. On retrouve alors les idées de Del Toro avec ces nazis fans d’ésotérisme et leur volonté de faire venir des démons de l’enfer. Comment ne pas penser à Hellboy ? mais l’épisode fait plus court, offrant un type atypique qui va finalement payer pour sa mesquinerie et son aspect inhumain.

Ce côté mesquin et qui veut à tout prix gagner de l’argent, il est aussi présent dans Rats de Cimetière, réalisé par Vincenzo Natali. Exit le monde contemporain, on plonge en plein XIXème siècle pour rencontrer un fossoyeur qui ouvre les cercueils afin de récupérer les objets en or des défunts. L’homme va payer pour sa perfidie en tombant dans un repaire de rats, puis dans un temple impie enterré et oublié de tous. Plus dans l’humour que l’opus précédent, il reste pourtant dans une thématique similaire qui regroupe la perfidie de l’homme et son attrait pour l’or, l’argent, quitte à prendre des risques insensés. Dans un format plus court (on dépasse la demi-heure), cet épisode est le plus léger de la saison, mais il n’en demeure pas moins vide de sens. Et il est très bien réalisé, avec des effets spéciaux impressionnants, à l’image de ce gros rat géant.

Le troisième épisode va partir vers tout autre chose, et une autre forme d’horreur. On aura toujours droit à un monstre dégoûtant, mais ce segment plonge dans la science-fiction. Nous sommes entre les années 70 et 80, et des personnes disparaissent mystérieusement, jusqu’à ce qu’un homme jette une bombe dans une mine. Un expert en autopsie est donc dépêché sur place, et il écoute l’histoire de la bouche du shérif. On va vite comprendre que le médecin légiste va devoir faire face à un extraterrestre pas commode, qui utilise les corps comme véhicule. Il s’agit-là de l’épisode le plus gore de l’anthologie. C’est bien simple, c’est sale, et David Prior (The Empty Man) ne va rien cacher, montrant même en plan zénithal un corps qui se découpe de lui-même sur une table d’autopsie. Le point fort de ce segment, c’est sa narration, plus que son fond, un peu vide.

Le quatrième épisode est le plus déjanté de tous, mais c’est aussi celui qui va peut-être le moins dans une horreur frontale. Ana Lily Amirpour va raconter l’histoire d’une femme considérée comme laide, qui va être obnubilée par la beauté de ses collègues de travail, et qui va se badigeonner de crème, alors que cette dernière lui file de l’urticaire. Le résultat est étrange, hybride, entre la comédie et une épouvante qui prend du temps pour s’installer. Cela est dû à la mise en scène très particulière de la réalisatrice, qui se fait plaisir avec des plans bizarres, mais qui rendent bien compte de l’état psychologique de cette nana fan de taxidermie. La créature finale est tout simplement dingue, et il y a un vrai fond, avec notamment ce culte de la beauté qui mène à la folie douce, voire même au meurtre, tout en se mettant en danger.

En abordant Le Modèle, l’anthologie va prendre un nouveau virage qui durera deux épisodes. En effet, nous avons droit ici à une adaptation de Lovecraft, et tout l’épisode, réalisé par Keith Thomas (The Vigil), respire l’amour pour cet auteur. Baignant dans le milieu de la peinture au début du 20ème siècle, on aura droit à un homme étrange qui peint des monstruosités, donnant le vertige et des hallucinations à concurrent. Respectant la mythologie de l’écrivain de Providence, l’épisode est dense, beau et instaure un malaise durant plus d’une heure, qui ne nous lâchera pas. La force réside aussi dans les performances de Ben Barnes et surtout Crispin Glover, qui joue à la perfection le malade mental accro à l’horreur et à ce qui se cache dans les ténèbres. Le seul défaut que l’on peut y trouver réside dans un fond un peu trop léger.

Cauchemars de Passage sera la deuxième adaptation de Lovecraft, et celle-ci est mise en scène par Catherine Hardwicke, la réalisatrice du premier Twilight. Mais même si c’est l’un des segments les plus faibles de l’anthologie, on reste sur quelque chose de fort sympathique. On va voir un jeune garçon qui est dévasté par la mort de sa sœur jumelle, et qui bien des années plus tard va trouver la solution pour la ramener du côté des vivants. Abordant alors le refus du deuil et la difficulté de grandir lorsque quelqu’un nous manque, l’épisode se fait intéressant mais manque de verve. L’aspect de la sorcière, très old school, est plutôt bien fichu, mais il manque une pointe de vraie horreur dans cette histoire. De plus, Rupert Grint n’est pas vraiment convaincant dans ce rôle, et la finalité, abrupte, manque de finesse.

Avec le septième épisode, on en arrive au point faible de l’anthologie. L’Exposition est mise en scène par Panos Cosmatos, et il faut dire que l’on part déjà avec un a priori. La faute à son précédent film, Mandy, qui mise tout sur l’esthétique, mais rien sur le fond. Ajoutons à cela une durée inutilement longue, et on pouvait avoir peur pour cette histoire. Et effectivement, c’est très long. La mise en scène, léchée et très inspirée des années 80, tente d’effacer une histoire pénible et bien trop lente, pour instaure une ambiance pas si forte que ça. Même si on peut y voir une fronde contre la bourgeoisie et son attrait pour des arts qu’elle ne maîtrise pas, on reste face à une histoire qui peine à démarrer, et qui va surtout se terminer en queue de poisson. Très beau esthétiquement donc, mais qui manque d’un message fort.

Enfin, Murmuration, signé Jennifer Kent (Mister Babadook et The Nightingale), conclut cette série d’une manière assez intéressante. Ecrit par Del Toro lui-même, on retrouve un peu tous les codes de ses histoires, avec son histoire de fantôme pas si méchant et de deuil pour avancer dans la vie. Le couple d’ornithologues est plutôt touchant, et on sent qu’un mystère s’installe petit à petit, de manière insidieuse. La mise en scène est belle, offrant un bel écrin à cette histoire assez douce. Point de monstre ici, mais une certaine délicatesse et des thèmes en filigrane qui ne forcent jamais. Le côté male gaze se retrouve au départ, avec une femme invisibilisée, puis considérée comme folle avec ses visions. Pour autant, le mari n’est pas un mauvais bougre, bien au contraire, il essaye constamment d’aider sa femme et de la comprendre. Une belle histoire donc, un peu en dehors du reste.

Au final, cette première saison du Cabinet de Curiosités est plutôt une réussite, même si on retrouve les mêmes scories que sur d’autres séries du même type, à savoir un certain dimorphisme entre épisodes. Si certains sont de belles réussites, comme Le Modèle ou L’Autopsie, d’autres sont un peu en deçà et n’arrive pas à créer une ambiance réellement anxiogène. Mais quoiqu’il en soit, on reste sur l’une des meilleures anthologies horrifiques qui existe, plus stable que les Masters of Horror, et avec des réalisateurs très prometteurs. Bref, une anthologie recommandable, et recommandée.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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