avril 19, 2024

Les Jumeaux de Piolenc – Sandrine Destombes

Autrice : Sandrine Destombes

Editeur : Pocket

Genre : Policier, Thriller

Résumé :

Août 1989. Solène et Raphaël, des jumeaux de onze ans originaires du village de Piolenc, dans le Vaucluse, disparaissent lors de la fête de l’ail. Trois mois plus tard, seul l’un d’eux est retrouvé. Mort.
Juin 2018. De nouveaux enfants sont portés disparus à Piolenc. L’histoire recommence, comme en macabre écho aux événements survenus presque trente ans plus tôt, et la psychose s’installe. Le seul espoir de les retrouver vivants, c’est de comprendre enfin ce qui est arrivé à Solène et Raphaël. Au risque de réveiller de terribles souvenirs.

Avis :

Sandrine Destombes est une autrice qui est née à Paris, et qui a toujours vécu là-bas. Productrice d’évènements, elle écrit sur son temps libre, et a une grosse prédilection pour le polar. Son premier coup d’éclat intervient avec son cinquième roman, Les Jumeaux de Piolenc, car il va remporter le prix VSD du meilleur polar, sous la présidence de Michel Bussi. Et forcément, c’est un roman qui attire quand on habite à vingt kilomètres du lieu écrit dans le titre et que l’on aime le genre thriller. Pour autant, on a toujours tendance à se méfier des romans qui gagnent des prix, ou ceux qui ont des bandeaux où un auteur connu encense ledit bouquin. La comm’ est souvent bien rodée, et on peut se faire avoir. Qu’en est-il de ce roman qui se déroule dans le Vaucluse et qui parle d’enlèvement d’enfants ?

La première chose qui frappe, c’est clairement la structure même du livre. Les chapitres sont très courts, ce qui impose un rythme de lecture rapide. Sur ce coup, lorsque Michel Bussi dit qu’il s’agit d’un bon page-turner, il a tout à fait raison. L’autrice arrive à insuffler à son histoire une rythmique scandée diabolique, où chaque chapitre appelle le suivant, pour ne presque jamais s’arrêter. Par la suite, ce qui est assez étonnant, c’est la structure narrative, qui suit une logique implacable. Une fillette est enlevée à la sortie de l’école, ravivant alors un souvenir vieux de trente ans, et on va constamment osciller entre deux temporalités, cristallisées par la présence du nouvel inspecteur, mais aussi de celui qui l’a formé, aujourd’hui à la retraite, et dont l’affaire des jumeaux a pourri sa carrière. C’est assez malin, car on sent une volonté de mélanger présent et futur.

C’est d’ailleurs grâce à cela que le roman gagne ses lettres de noblesse. On est de suite accroché à cette affaire sordide, autour d’un père détruit par la disparition de ses enfants, mais aussi avec un ex-policier qui va trouver ici un moyen de guérir une blessure passée. Les personnages sont assez intéressants dans leur psychologie, même si on reste sur des archétypes connus. Le flic colérique, l’ex-policier rédempteur, le père de famille qui cache un lourd secret, la pédopsychiatre qui fait du zèle, etc… Sandrine Destombes n’essaye pas de faire du Vargas en prônant des personnalités hautes en couleurs, et préfère rester terre à terre, avec des faits plausibles et des caractères simples, mais efficaces. Cependant, c’est aussi un peu ça qui affaiblit le récit, ne trouvant jamais de personnage fort pour vraiment nous bousculer.

Car même si l’histoire est lourde et propose une conclusion originale, on ne sera jamais percuté par l’histoire et sa résolution. Un comble lorsque l’on sait que l’histoire s’en prend à des enfants, et dresse même des portraits peu flatteurs qui peuvent faire froid dans le dos. L’autrice évite toute description ignoble ou gore (et ce n’est d’ailleurs pas le propos, même si), mais n’arrive pas à susciter une quelconque émotion en nous. On est en retrait de ce qui se passe et de cette relation étrange entre deux jumeaux. Et cela provient non seulement de la conclusion de l’histoire, mais aussi et surtout des personnages qui sont souvent antipathiques et un peu brusques. On a la sensation que si l’histoire se déroule dans un village du Vaucluse, il faut forcément des pécores rustres, des chasseurs alcooliques ou encore des histoires d’instituteurs pas forcément clairs.

Des clichés sur la ruralité qui font plus de mal que de bien. Alors certes, le scénario fait écho aux années 90 et à une autre façon de voir les choses, mais clairement, on a l’impression de vivre dans une vieille France, avec la mamie qui fait ses gratins de choux, ou encore le vieil homme bourru qui a un attrait fort pour la bouteille. Cela entache un peu les atours du roman, qui aurait pu être plus finaud sur son contexte. De plus, il réside quelques erreurs un peu étonnantes dans le roman, comme sur le recrutement des enseignants, qui ne fonctionne pas du tout comme indiqué, et quand on est dans le milieu, ça nous sort de la lecture. Non, les professeurs ne sont pas embauchés par les directeurs des établissements…

Mais, malgré ces défauts, on reste accroché à l’histoire, de par sa structure, son rythme, mais aussi son terrible secret et cette envie de bousculer les codes en abordant des thèmes forts et malsains. Ici, la gémellité dans ce qu’elle peut avoir de plus machiavélique, avec des enfants terribles et des troubles psychotiques plausibles. L’autrice n’hésite pas à écrire des choses assez ignobles concernant les enfants, et on se retrouve comme piégé dans cette affaire, avec un sentiment malaisant, comme si on lisait quelque chose d’un peu interdit. Rares sont les histoires avec des enfants terribles et mauvais, et en ce sens, Sandrine Destombes trouve le ton juste pour nous bousculer un peu.

Au final, Les Jumeaux de Piolenc est un bon polar, un thriller intéressant à plus d’un titre qui explore les démons du passé qui peuvent ressurgir à n’importe quel moment. Si le livre est très classique dans sa forme et dans ses personnages, il n’empêche qu’il nous accroche par son terrible secret et par cet aspect vénéneux apporté par une structure scandée. Il est dommage que la vision de la ruralité soit si clichée, empêchant alors l’histoire de vraiment décoller et de prendre plus d’ampleur.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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