mars 29, 2024

Les Sorcières de Pendle – Stacey Halls – Pendez-Les !

Auteure : Stacey Halls

Editeur : Pocket

Genre : Historique

Résumé :

Lancashire, Pendle, 1612. À 17 ans, Fleetwood Shuttleworth est enceinte pour la quatrième fois. Mais après trois fausses couches, la maîtresse du domaine de Gawthorpe Hall n’a toujours pas donné d’héritier à son mari. Lorsqu’elle croise le chemin d’Alice Gray, une jeune sage-femme qui connaît parfaitement les plantes médicinales, Fleetwood voit en elle son dernier espoir. Mais quand s’ouvre un immense procès pour sorcellerie à Pendle, tous les regards se tournent vers Alice, accusée comme tant d’autres femmes érudites, solitaires ou gênantes. Alors que le ventre de Fleetwood continue de s’arrondir, la jeune fille n’a plus qu’une obsession pour sauver sa vie et celle de son bébé : innocenter Alice. Le temps presse et trois vies sont en jeu. Être une femme est le plus grand risque qui soit.

Avis :

Un récit que nombre de lecteurs plébiscitent, et qui a même mené l’auteure sur le devant de la scène, à présent considérée comme l’une des plus célèbres écrivaines dans le genre historique de son temps. Les sorcières de Pendle vaut-il cet accueil démesuré ? On vous décortique tout ici !

Un début lourd et une atmosphère bien sombre

Le roman débute doucement, mais sur un ton qui apparaît dur et froid. La jeune châtelaine Fleetwood Shuttleworth nous parle directement, en entrant dans le vif du sujet sans prendre de pincettes. Bien qu’encore jeune, elle semble avoir traversé de nombreux âges de la vie : son cynisme, son antipathie, et son désespoir suintent abondamment des premières lignes.

Sa préoccupation première, donner naissance à un héritier, la consume jusqu’à assombrir son cœur et ses pensées. Les premières pages percutent le lecteur de plein fouet, alors qu’il doit déjà s’habituer à ce psychisme d’une autre époque, allié à l’environnement hiérarchisé et strict de l’Angleterre du XVIIe siècle. Une entrée en matière audacieuse et qui marque, surtout à cause de la souffrance de la narratrice, au corps marqué par des fausses couches terribles et au doute persistant : donnera-t-elle naissance à un héritier ? Et, plus angoissant encore, survivra-t-elle à l’accouchement ?

Les émotions se coincent dans notre gorge. L’atmosphère mondaine sans chaleur, et les discours de la haute société où les formes remplacent le fond, amènent avec eux une noirceur impénétrable, approfondie par des procès mortels et des tortures diaboliques. Les sorcières de Pendle nous plongent dans un passé obscur, très bien retranscrit par les mots, les tons, les phrases et les descriptions. On se croirait vraiment à la fin du Moyen-Âge, aux côtés d’une famille qui ne songe qu’à sa descendance, son nom, sa prospérité et non aux plaisirs de la vie.

Préparez-vous mentalement avant de vous plonger dans cette histoire, armez-vous d’une carapace solide !

Un message étonnant et subtil

Malgré son titre qui promet des aventures ésotériques, voire très mystérieuses, Les sorcières de Pendle n’offre rien de tout cela, ou très peu. Stacey Halls nous partage ici un roman historique de qualité, documenté avec détails et raconté avec talent, mais qui manque de dynamisme et de résolutions d’intrigues satisfaisantes. Tout ne se trouve pas fermé, des énigmes restent volontairement en suspens, peut-être pour amener le lecteur à se forger ses propres idées sur les sorcières : existent-elles, existent-elles pas ? Ne sont-elles qu’affabulations sur des femmes savantes ?

Finalement, après avoir fermé le roman, la question continue d’effleurer nos lèvres ; plutôt étrange pour un livre terre à terre et qui se veut réaliste, et même en partie véridique. Une balance qui dérange et qui, en même temps, en appelle aux rêves et à notre âme d’enfant. Nous ne saurons sans doute jamais la vérité : quoi de mieux qu’un zeste de magie pour continuer de croire ? Pour que le mythe des sorcières reste à jamais dans les mémoires ?

Une héroïne à double tranchant

Le caractère de l’héroïne, marqué par une époque lointaine et des préjugés d’un autre temps, fait balancer les cœurs :  ses jugements, ses réflexions et ses pardons dérangeront ou plairont, pas de demi-mesure.

Sa détermination à vouloir sauver son amie Alice nous la montre forte, prêtre à tout, et portée vers la justice. Au contraire, ses clémences (pour des actes que nous ne dévoilerons pas ici), ses piques, sa mélancolie et sa soumission à un mari que l’on apprend à détester nous la font paraître comme faible et sans intelligence.

Ce comportement, à relier avec une époque où les femmes ne possédaient pas de droits et une vie bien différente de celle d’aujourd’hui, peine et enrage à la fois. Fleetwood Shuttleworth, l’héroïne courageuse que nous suivions, finit par se contenter d’un système avilissant, un enclos qui l’a fait souffrir, mais contre lequel elle n’est pas près de se battre. Le confort et la sécurité, ainsi qu’une vie bien rangée, à l’abri des dangers, et à l’image d’une bourgeoisie sans tâche, lui convient.

Pourtant, l’idée de sorcières amène à s’imaginer des personnalités féminines qui s’engagent contre le courant, qui s’émancipent pour se cultiver et changer la donne. Fleetwood Shuttleworth ne se bat que pour sauver son amie, et rien d’autre. C’est dommage. Améliorer les conditions de vie féminines ne l’intéresse guère, au même titre qu’aider les pauvres gens à exister décemment. Grâce à son titre et son argent, elle mange à sa faim et peut vaquer à ses occupations, au contraire des autres femmes qu’elle rencontre, obligées de travailler ou de dormir dans les courants d’air. Ces inégalités, mises en valeur, perturbent, surtout alors qu’elle ne tente rien pour inverser le destin.

Tout ce que le terme « sorcières » implique se trouve absent du roman, qui préfère se concentrer sur les faits et les actions d’une héroïne riche. Un parti pris qui ne fera pas l’unanimité.

Une enquête rondement menée et des échanges hauts en couleur

Les passages pendant lesquels Fleetwood Shuttleworth cherche à sauver son amie s’avèrent intéressants, le lecteur est happé par les découvertes, les dialogues avec les personnages et les révélations sur le passé d’Alice. Tout s’enchaîne bien, sans longueurs. Les lieux atypiques défilent devant nos yeux, comme les personnalités du bas peuple, ou celles de l’aristocratie.

Les jeux et les manipulations s’habillent de costumes élégants sans que cela ne brise la volonté de la châtelaine, et le lecteur se plaît à percevoir les déconvenues dans les rapports hypocrites des protagonistes. Une attitude mondaine qui ravie ici, surtout lorsque les plus puissants tombent de leur piédestal. Le roman n’hésite pas à montrer les extrémités auxquelles peut mener la quête du pouvoir en politique. D’ailleurs, rares sont les hommes appréciables dans ce récit, ils paraissent tous seulement avides d’argent et de considération royale, ou bien bourrés à l’excès, voire violents et cruels quand il s’agit des plus démunis d’entre eux.

Les chapitres qui réunissent Alice et Fleetwood plaisent également, même s’ils peuvent gêner. Alice, la pauvre, et Fleetwood, la riche, ne possèdent pas du tout les mêmes valeurs. La condescendance de l’héroïne envers la guérisseuse dérange par endroits.

De l’Histoire comme si on n’y était

Les actes de médecine, le vocabulaire, les manières de vivre, les vêtements, la royauté, la bourgeoisie, la condition de la femme, le mariage… Tout a été travaillé pour nous plonger dans le passé. Cela est réussi ! La reconstitution historique constitue certainement le meilleur point du roman, ce qui a dû plaire aux passionnés du genre.

Pour finir

Les sorcières de Pendle ne fera pas l’unanimité, à cause de ses personnages arriérés d’un autre temps, d’une cause féminine qui manque de sel et d’un ton froid apparenté à la bourgeoisie de l’époque. Pourtant, la lecture fluide nous prend aux tripes dès l’instant où Alice et Fleetwood se lient d’amitié. S’ensuit une course-poursuite animée puis une enquête prenante, bien que la fin nous ramène à une réalité avilissante et une conclusion abrupte. Un roman en plusieurs teintes, pour un public large et curieux, prêt à s’immerger dans un passé obscur.

Une lecture qui ne fait pas vraiment du bien, même si l’histoire se finit en partie de manière satisfaisante.

Note : 10/20

Par Lildrille

Lildrille

Passionnée d’imaginaire et d’évasion depuis longtemps, écrire et lire sont mes activités favorites. Dans un monde souvent sombre, m'évader et fournir du rêve sont mes objectifs. Suivez-moi en tant qu'auteure ici : https://www.2passions1dream.com/. Et en tant que chroniqueuse aussi là : https://simplement.pro/u/Lildrille.

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