avril 25, 2024

1:54

De : Yan England

Avec Antoine-Olivier Pilon, Sophie Nélisse, Lou-Pascal Tremblay, David Boutin

Année : 2017

Pays : Canada

Genre : Drame

Résumé :

À 16 ans, Tim est un jeune homme timide, brillant, et doté d’un talent sportif naturel. Mais la pression qu’il subit le poussera jusque dans ses derniers retranchements, là où les limites humaines atteignent le point de non-retour.

Avis :

Le cinéma québécois regorge de jolis talents. Bien sûr, quand on pense à ce cinéma-là, viennent en tête directement Xavier Dolan ou Jean-Marc Vallée, mais derrière eux, on pourrait aussi citer des gens comme Denys Arcand (« Les invasions barbares« ), Louise Archambault (« Il pleuvait des oiseaux« ), François Bouvier (« La bolduc« ), Ken Scott (« Starbuck« ), Philippe Falardeau (« Guibord s’en va en guerre« ), Rémi St-Michel (« Avant qu’on explose« ) ou encore Emile Gaudreault (« Menteur« ). Le cinéma canadien est donc plein de belles surprises et de très belles découvertes et aujourd’hui, on s’arrête sur un jeune cinéaste, Yan England, qui sortait alors son premier film.

À trente-six ans, après avoir montré son talent en tant que comédien dans de nombreux films et séries, Yan England débarquait dans le paysage canadien en tant que réalisateur, pour un premier film prenant et puissant. Abordant des thèmes graves comme le harcèlement scolaire ou l’homophobie, avec « 1:54« , Yan England fait une très belle entrée en tant que réalisateur.

Tim, seize ans, est un adolescent comme les autres. Beau garçon, intelligent et sportif, Tim, à la différence des autres, est la tête de turc de son lycée et ça fait des années que cela dure. Des années qu’il est harcelé, sans qu’il ne sache pourquoi. Tim a un ami, Francis. D’ailleurs, Tim adorerait que Francis soit bien plus qu’un ami. Ensemble, Tim et Francis font tout, et surtout, ils supportent les autres, car Francis est lui aussi harcelé. Puis un jour, pour Francis, c’est le harcèlement de trop, et le jeune homme de seize ans met fin à ses jours. Pour Tim, c’est l’effondrement, alors pour se sortir la tête de l’eau et « venger » son ami, Tim se lance dans la compétition sportive, dans l’espoir de prendre la place de celui qui est la cause de tous ses maux.

Cela faisait un petit bout de temps que je voulais m’arrêter sur ce premier film qui est porté par l’acteur incroyable qui fut révélé par la sublime « Mommy » de Xavier Dolan, Antoine-Olivier Pilon. Assez mal distribué à sa sortie, le film m’était passé sous le nez et c’est bien dommage, car sur mon petit écran de télé, les émotions étaient déjà fortes, alors sur grand écran, je n’ose imaginer ce que cela aurait pu donner.

Pour son premier film, Yan England a choisi un sujet difficile et dont le cinéma parle assez peu finalement, le harcèlement scolaire, un sujet qui est complétement d’actualité. Écrit par Yan England, « 1:54 » est un film qui fait l’effet d’une cocotte-minute, dans le sens où il ne va faire qu’installer crescendo sa tension, pour pousser son personnage jusqu’à un point de non-retour. Émouvant, difficile et brillamment amené, « 1:54 » est une longue et triste descente en enfer. Une descente injuste, incompréhensible et gratuite, qui malheureusement est monnaie courante dans les établissements scolaires. Yan England livre-là un très beau scénario, qui s’aventure sur plusieurs sentiers en même temps. Traitant de plusieurs sujets à la fois, Yan England réussit avec brio à tout relier, et il emmène son spectateur vers un film aussi puissant que difficile, nous laissant K.O. technique. À travers cette longue descente, Yan England s’intéressera aussi bien aux amours d’adolescents, aux premiers émois, qu’à l’homosexualité, le coming out forcé, le deuil, la pression des réseaux sociaux ou encore la difficulté immense de parler du harcèlement et du mal-être.

Incisif, fort, bouleversant (une scène dans un hôpital entre un père et son fils est d’une intensité rare), pertinent et surprenant même, car si l’on regarde la bande-annonce, cette dernière ne montre absolument rien de ce qu’est le film de Yan England, et c’est très bien ainsi, « 1:54« , à force de conviction et d’évidences, s’impose comme un excellent moment de cinéma. Un moment puissant, qui pose des réflexions, qui nous suit après la séance, et qui même au-delà de cela, se pose comme déroutant, car Yan England offre un film qui peut être à la limite du thriller, faisant monter sa pression de scène en scène, et l’on reste tendu et attentif, ne sachant pas jusqu’où « 1:54 » va bien pouvoir aller.

Ce suspens (si l’on peut appeler celui-là ainsi) est aussi amené par la mise en scène de Yan England. Une mise en scène qui ne fait que resserrer sa pression au fur et à mesure. Si le film est dur, le réalisateur arrive toutefois à distiller des moments plus légers, qui sont de véritables bouffées d’oxygène, aussi bien pour son personnage que pour nous, spectateurs, même si l’on sait pertinemment que tout va s’assombrir par la suite. Pertinent, Yan England assure et s’adapte aussi à tous les genres que son histoire demande, ainsi, le cinéaste sait se faire aussi fort et doué dans les scènes de harcèlement, que dans les scènes sportives, ou dans de simples moments de vie. Le film tient même de jolis moments de grâce parsemés d’une très belle émotion. À noter la BO électrique et électrisante de Raphael Reed, qui souligne ou intensifie à merveille le film.

Si le film de Yan England est aussi percutant et touchant, c’est aussi grâce à son casting et plus particulièrement son acteur principal. Si « 1:54 » offre de bons rôles à des acteurs comme Robert Naylor (joli coup de cœur pour cet acteur qui tient un petit rôle marquant), David Boutin, Sophie Nélisse ou encore Lou-Pascal Tremblay, il est vrai que « 1:54« , c’est avant tout Antoine-Oliver Pilon qui après « Mommy » offre une nouvelle facette de son talent, il crève encore une fois l’écran, imposant un personnage bouleversant et sublime.

Ce premier film pour Yan England est une totale réussite. Beau, souffrant, difficile, imprévisible, « 1:54« , derrière ses airs de film de compétition sportive et dépassement de soi, nous offre un drame bien plus important et nécessaire que cela. On en ressort bousculé et bouleversé par cette analyse qui résonne comme tristement juste.

Note : 16/20

Par Cinéted

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