De : Anne Fontaine
Avec Jean Dujardin, Grégory Gadebois, Doria Tillier, Pascale Arbillot
Année : 2021
Pays : France
Genre : Comédie
Résumé :
Nicolas, un ancien Président de la République, supporte mal l’arrêt de sa vie politique. Les circonstances lui permettent d’espérer un retour sur le devant de la scène. Mais il lui faut un allié. Nicolas va donc partir en Corrèze, pour convaincre François, un autre ancien Président (qui, lui, coule une retraite heureuse à la campagne) de faire équipe avec lui. François se pique au jeu, tandis que Nicolas découvre que le bonheur n’est peut-être pas là où il croyait… Et leurs compagnes respectives, elles, vont bientôt se mettre de la partie.
Avis :
Anne Fontaine est une réalisatrice luxembourgeoise qui est un véritable bourreau de travail. Elle a commencé sa carrière il y a trente ans de cela, et depuis son premier film, elle n’a cessé de réaliser encore et encore. Avec dix-huit films à son actif, la metteuse en scène s’est aventurée sur beaucoup de sujets et de genres, et bien souvent, elle réussit ce qu’elle entreprend, en témoigne des films comme « Nathalie« , « Marvin ou la belle éducation« , « Gemma Bovery« , « Entre ses mains« , « Les innocentes« , « Perfect Mothers » ou encore son avant-dernier, « Police » (pour ne citer qu’eux).
Moins d’un an après son « Police« , Anne Fontaine est déjà de retour dans les salles obscures avec un film qu’elle a écrit et tourné en express. Ce film, c’est « Présidents« , et c’est son film le plus osé. Anne Fontaine en a eu l’idée pendant le premier confinement, et ce confinement lui a servi pour écrire le scénario de cette fantaisie politique. Enchaînant très vite avec le tournage, avec les noms de Jean Dujardin dans la peau de Nicolas Sarkozy et Grégory Gadebois en François Hollande, très vite, le projet d’Anne Fontaine a fait couler de l’encre et d’ailleurs, il n’est pas près de finir d’en faire couler.
Film osé et fantaisie politique, « Présidents » est un film tout bonnement hilarant de bout en bout, tant l’écriture n’arrête pas une minute. Porté par des comédiens au top, le ton offert avec beaucoup de caustique, de verves, et même une réflexion sur l’amour du pouvoir. Bref, une très belle réussite.
Nicolas Sarkozy a subi une énorme défaite en 2012 et depuis, il s’ennuie dans son appartement du 16e arrondissement de Paris. Alors que Macron est en chute libre dans les sondages et que Marine Le Pen est aux portes du pouvoir, Nicolas qui se sait sauvé de la France, a une idée, et s’il arrivait à convaincre François Hollande de sortir de sa Corrèze pour faire alliance avec lui, et ainsi sauver le pays de l’extrémisme… Une idée géniale et un plan sans faille, mais encore faut-il que ce dernier fonctionne ?
Pour son dix-huitième film, Anne Fontaine a eu l’envie de nous divertir avec un délire, un vrai délire. Un délire où deux anciens Présidents de bord opposé feraient front commun pour sauver le France de Marine Le Pen. Le scénario d’Anne Fontaine est aussi original qu’osé, et surtout risqué et c’est avec un immense plaisir qu’on trouve là l’une des meilleures comédies de ces dernières années. Un film hilarant qui n’arrête pas une minute, même s’il faudra aussi bien avouer que le film peut sonner comme élitiste dans le sens où si la politique ne vous intéresse pas, si vous n’avez rien suivi des affaires politiques depuis l’élection de Sarkozy, beaucoup de blagues et autres petits pics lancés ici et là vont vous passer sous le nez. Pour les autres, ce film est un véritable festival, la droite, la gauche, le centre, Sarkozy, Hollande, Macron, Le Pen, les écolos, tout le monde en prend pour son grade et au-delà de ça, la réalisatrice s’amuse avec les affaires d’états (le côté bling-bling de Sarko, l’affaire Bygmalion, le côté homme à femme de Hollande, et l’idée de Président normal).
Grâce à une écriture ciselée qui mélange parfaitement humour caustique, humour noir et humour corrosif, caricature, ou encore humour bienveillant, Anne Fontaine nous amuse beaucoup, lançant un œil critique, mais loin de tout jugement ou morale sur le monde de la politique. Et au-delà de ça, la réalisatrice parle du rapport qu’ont les Français à la politique, mais aussi l’amour de la politique que peuvent avoir ces hommes de pouvoir. Des hommes qui peuvent apparaître comme des drogués, qui s’emmerdent tout simplement à la retraite, c’est pour cela qu’ils y reviennent toujours.
Si le scénario demeure très simple, voire même anecdotique dans ses grandes lignes, ce qui fonctionne, et surtout qui fait fonctionner le film, ce sont tous les portraits et les conversations entre les deux Présidents. Des portraits et des conversations peuplées de répliques merveilleuses et surtout derrière ça, Anne Fontaine s’amuse vraiment avec le concept de caricature, poussant le trait, sans jamais trop en faire, et surtout en s’appropriant et réinventant quelque peu ces chefs d’états, qui deviennent alors des personnages de cinéma. Ces personnages vont aussi drôlement évoluer au cours de ces entretiens, et là encore, ça fait mouche, puisque ces évolutions s’amusent avec les positions des présidents entre la droite et la gauche. Bref, ce scénario est un petit bijou, frais, léger et en même temps plein de réflexions, et surtout de drôleries, qui nous ont franchement amusé.
« Présidents« , c’est bien entendu ces deux acteurs qui ont osé enfiler les costumes de ces chefs d’états et ils sont géniaux. Certes, ils ne ressemblent absolument pas physiquement à ceux qu’ils incarnent, mais ce n’était pas le but d’Anne Fontaine avec ce film. Ici, la réalisatrice avait envie d’une fable fantaisiste, et elle a parfaitement choisi ses acteurs. Si Jean Dujardin compose à un Sarkozy très drôle, le comédien en fait des caisses et mélange très bien imitation et appropriation pour créer son Sarkozy. Mais autant dire que c’est Grégory Gadebois qui vole la vedette à tout le monde, composant un Hollande aussi calme que nerveux. Un Hollande hilarant dans sa retenue et encore plus drôle dans ses crises de nerfs. Bref, Gadebois est impressionnant de bout en bout. À noter aussi, dans des rôles moindres, mais pourtant très drôles, Doria Tillier en ersatz de Carla Bruni (elle tient même une scène où le fou-rire est garanti) et Pascale Arbillot en compagne de François à la punchline facile. À noter aussi le clin d’œil terriblement drôle de Denis Podalydès en psy de Sarkozy.
On ajoute à cela une mise en scène pleine de fraîcheur, pleine de drôleries et de petites trouvailles qui apportent un joli univers à cette comédie politique et campagnarde. Le film tient plein de jolies scènes qui peuvent rester en tête, « Je l’aime à mourir », un concert, une répétition avec un maire, une partie de tennis, un « – J’ai rencontré la France », une imitatrice de Marine Le Pen, ou encore une violente engueulade entre les présidents…
Bref, on va s’arrêter là, sinon on finirait par balancer tout le film, tant Anne Fontaine enchaîne les drôleries et les bonnes idées. Avec son pitch osé, avec son idée et son concept aussi génial qu’il est casse-gueule, Anne Fontaine livre là une fable politique aussi fantaisiste que caustique. Une fable bourrée de dialogues, de punchlines et de petits pics balancés ici et là, qui peuvent prétendre à devenir culte. Hilarant de bout en bout (de manière personnelle, ça faisait longtemps que je n’avais pas autant ri devant un film), intelligent dans ce qu’il dit de la politique et du pouvoir, savoureusement interprété, le nouveau Anne Fontaine se pose comme l’un de ses meilleurs films et au-delà de ça, comme sa meilleure comédie.
Note : 16/20
Par Cinéted