De : Bruce LaBruce
Avec Pier-Gabriel Lajoie, Walter Borden, Katie Boland, Marie-Hélène Thibault
Année : 2014
Pays : Canada
Genre : Comédie, Romance
Résumé :
Lake, 18 ans, un garçon plutôt ordinaire, vit avec une mère névrosée et sort avec une fille de son âge, un peu excentrique. Mais il se découvre un penchant de plus en plus fort pour… les vieux messieurs. Embauché dans une maison de retraite pour l’été, il tombe sous le charme de M. Peabody, un séduisant patient de 82 ans.
Avis :
Bruce LaBruce est un cinéaste canadien qui sort des sentiers battus. Réalisateur culte dans la communauté homosexuelle, cela fait presque trente ans que Bruce LaBruce propose des films subversifs, qui ont marqué ou choqué. Réalisateur touche à tout, souhaitant déranger, Bruce LaBruce a très souvent apporté de la pornographie dans son cinéma et ça, que ce soit pour des romances ou des films de zombies. D’ailleurs, ses deux précédents films sont des films de zombies.
Pour son onzième long-métrage, Bruce LaBruce a décidé de se calmer quelque peu, revenant avec un film plus conventionnel dans un sens, et bien moins de l’autre, car « Gerontophilia » va aborder un sujet assez inattendu et livrer une jolie romance, pleine de tendresse et de pudeur. Très sage, et en même temps assez audacieux, offrant un film surprenant qui ne cesse de muter, Bruce LaBruce, avec « Gerontophilia« , livre sûrement son film le plus accessible et le plus touchant. Bref, une jolie petite réussite.
Lake, dix-huit ans, est un jeune homme comme un autre. Lake a une copine, et il vient de décrocher un travail dans un hôpital où il doit s’occuper de personnes âgées. C’est là, dans cet endroit, que Lake va découvrir qu’il est attiré par les personnes âgées. C’est là qu’il va découvrir que ces peaux ridées, ces visages marqués par le temps, ces visages qui racontent des histoires, le touchent, voire même le bouleversent et quand il fait la connaissance de Mr Peabody, un homme de quatre-vingt-deux ans, pour Lake, c’est le coup de foudre.
Loin de ses délires pornographiques et de ses œuvres underground, en 2014, le culte Bruce LaBruce se calmait quelque peu et revenait dans les salles avec une jolie romance, dont le tabou (oui, on reste quand même chez Bruce LaBruce, il faut donc quelque chose qui secoue un peu) était son sujet.
La gérontophilie, c’est donc l’attirance sexuelle pour les personnes âgées, autant dire que le sujet qu’a choisi le metteur en scène canadien est des plus casses gueules et c’est avec étonnement, surprise, pudeur et surtout délicatesse que Bruce LaBruce nous entraîne dans un bien joli film. Un film qui ose aller jusqu’au bout de son sujet, en évitant tous les clichés et les pièges dans lesquels il aurait été facile de tomber, surtout si c’est LaBruce qui se trouve derrière la caméra. On aurait très bien pu imaginer avec le réalisateur qu’il s’aventurerait trop dans la chambre à coucher de ces deux personnages et qu’il miserait sur la provocation, et heureusement il n’en est rien, le cinéaste préférant l’émotion et l’humain.
« Gerontophilia« , c’est donc le portrait d’un jeune adulte qui va se découvrir. Puis à travers ce portrait, c’est aussi une jolie histoire d’amour que nous raconte le réalisateur. Tenu par un scénario délicat, « Gerontophilia » nous offre de beaux moments de cinéma. Attirance, drague, amour, questionnement, défiance, bienveillance, regard de l’autre sont au programme de ce film, qui ne va cesser de se transformer, passant du portrait à la romance, des couloirs d’un hôpital au petit road trip dans le sud du Canada. De plus, le film nous offre de jolis personnages, ainsi, il n’y aura pas que Lake et Mr Peabody, tous deux magnifiquement incarnés par ses acteurs (Pier-Gabriel Lajoie et Walter Borden). On pourra compter sur des regards extérieurs, celui d’une petite amie qui découvre et comprend, celui d’une mère qui rejette et cette déclinaison de regards, on va le retrouver sur plus d’un petit personnage, qui influeront sur l’intrigue, entre complicité et jugement. Comme je le disais, Bruce LaBruce étonne et offre un ton inattendu.
Osant le romantisme, Bruce LaBruce étonne aussi de par sa mise en scène très lumineuse. Si le film est tout en pudeur et en délicatesse, le réalisateur ose filmer une histoire d’amour en évitant tout ce qui fait la provoc de son cinéma. « Gerontophilia » est dans un sens son film le plus accessible et le mieux filmé. Oui, même si c’est mon premier LaBruce, je connais des extraits d’autres films et force est de constater que ce que j’en ai vu est assez « crade » comme cinéma, alors que celui-ci est très bien filmé, avec de très beaux plans, des traveling délicats, et une photo somptueuse. Après, il faudra aussi dire qu’à force de vouloir absolument éviter de choquer, cette romance manque d’un petit quelque chose pour nous transcender vraiment. On suit cette histoire avec sentiments, émotions, mais il est vrai aussi qu’on aurait aimé être bien plus touché.
Il y a donc beaucoup de douceur qui s’échappe de ce film. Bruce LaBruce livre là un film aussi simple qu’il est audacieux. Un film romantique en même temps qu’il a du fond, notamment quand il s’aventure sur les jugements et plus largement parce qu’il traite d’un sujet tabou, qui n’a presque aucune visibilité. En une heure et vingt minutes, Bruce LaBruce change de style, et il nous envoûte avec ces personnages plein de tendresse, d’humanité et d’émotions. Bref, une jolie réussite que ce « Gerontophilia« .
Note : 14/20
Par Cinéted