Auteur : Mike Brooks
Editeur : Fleuve Editions
Genre : Science-Fiction
Résumé :
Ichabod Drift est le capitaine du Keiko et dirige une équipe de chasseurs de primes à travers la galaxie. Parmi eux, une tueuse implacable, une pilote téméraire, ou bien encore un sombre guerrier. Tous possèdent un passé mystérieux qui les a amenés à bord du Keiko. Première règle : on ne pose pas de question. Et voilà qu’Ichabod lui-même est rattrapé par son passé. Son ancien employeur, une ordure particulièrement puissante dans le monde du crime terrien, l’a kidnappé.
Il a besoin de lui et de son équipage pour un transport délicat. Le capitaine n’a d’autre choix que d’accepter. Mais ce qui devait être une simple livraison ne dissimule rien moins qu’un acte terroriste…
Avis :
Particulièrement populaire, le space opera est la frange de la science-fiction qui s’éloigne sensiblement du devenir de l’humanité à court ou moyen terme pour se projeter vers des sphères intersidérales. Parfois à des années-lumière de considérations trop « terre-à-terre ». Aussi, le genre est particulièrement bien fourni. À l’instar de la fantasy, il est plutôt rare de trouver des one-shots. D’ailleurs, les mécaniques de la narration et la manière de dépeindre les univers présentent de nombreuses similarités. Les auteurs spécialisés privilégient donc de longues fresques épiques, comme la saga The Expanse ou, dans une tonalité plus légère, Le Guide du voyageur galactique.
Premier volet d’une trilogie dont les deux tomes suivants (Dark Sky et Dark Deeds) demeurent encore inédits dans nos contrées, Dark Run affiche clairement ses ambitions. À savoir, ne pas révolutionner le genre, mais tirer parti au mieux des ficelles du space opera. Comme le laisse sous-entendre l’enrobage marketing du livre, on songe à des œuvres emblématiques et des personnages tels que Les Gardiens de la galaxie ou Han Solo. Chose rare pour le souligner, cette comparaison n’est guère usurpée et est plutôt représentative de l’angle d’approche. Entre deux scènes d’affrontements et de fusillades, les joutes verbales s’entrecoupent de jeux d’esprit à l’humour clairement affiché.
Certes, il ne s’agit pas de lorgner du côté de Douglas Adams et de sa verve sans pareil, mais l’on sent son influence pour dédramatiser le contexte. Cela passe par l’absence (presque) permanente du respect de la hiérarchie au sein de ce vaisseau pirate ou les comportements des protagonistes face à des situations désespérées, à tout le moins inextricables dans les apparences. Dark Run se distingue par un capitaine en mal d’inspiration et de charisme qui privilégie la facilité à la bravoure. Un rien lâche et néanmoins attachant, il est représentatif du manque de cohésion qui règne dans son équipe.
Cette pseudo-anarchie n’offre pas moins des talents complémentaires en matière de pilotage, d’aptitudes au combat et même de piraterie informatique. On peut toutefois déplorer une caractérisation assez sommaire qui véhicule des stéréotypes grossiers. Malgré la volonté de flouer le background pour rejoindre cet équipage « clandestin », il aurait été bienvenu de s’écarter sensiblement d’images caricaturales. À commencer par la sœur pilote et le frère mécanicien incapables de s’entendre, l’implacable guerrier au grand cœur d’origine maorie ou la filiforme et séduisante pirate informatique. Sympathique, mais terriblement suranné et dénué d’originalité sur ce point.
En revanche, l’ensemble est rondement mené. La plume de l’auteur reste fluide et la progression se fait sans heurts. Mike Brooks se montre aussi à l’aise dans la description de combats retors que dans les explications techniques propres aux technologies employées. Cela vaut autant pour les voyages intersidéraux que pour l’arsenal ou l’équipement à bord du vaisseau. On n’en attendait pas moins d’un écrivain titulaire d’un doctorat en physique quantique… Des confins de la galaxie à une escale sur la Terre (rebaptisée « Vieille-Terre » pour l’occasion), en passant par l’atterrissage sur un astéroïde, le périple du Keiko demeure divertissant à plus d’un égard.
Au final, Dark Run est un space opera qui ne modifie pas foncièrement l’idée que l’on se fait du genre, mais maîtrise ses fondamentaux. Sans fioriture ni prétention, l’écriture se révèle agréable pour présenter une histoire, certes sans surprises, mais distrayante et énergique du début à la fin. On regrette seulement une caractérisation basique qui atténue quelque peu la qualité de l’ensemble. Il en ressort une incursion spatiale entraînante, non dénuée d’humour et de légèreté, même lorsqu’il s’agit de mettre en avant des ressorts supposément dramatiques. Malgré un manque d’originalité indéniable, une odyssée simple et efficace qui se laisse suivre sans déplaisir.
Note : 14/20
Par Dante