avril 24, 2024

Madame Bovary

De : Claude Chabrol

Avec Isabelle Huppert, Jean-François Balmer, Christophe Malavoy, Lucas Belvaux

Année : 1991

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Emma, fille de paysan, épouse un officier de santé. Idéaliste et romanesque, elle perd rapidement ses illusions de bonheur face à la grossièreté des petits bourgeois normands. Elle devient la maîtresse d’un gentilhomme du voisinage qui l’abandonne, puis d’un clerc de notaire.

Avis :

Claude Chabrol est un immense réalisateur qui a laissé derrière lui une filmographie assez incroyable. Parmi les muses du réalisateur, certes, il y a Stéphane Audran, ou Bernadette Lafont, avec qui il a tourné trente-deux films pour la première et neuf films pour l’autre. Mais pourtant, quand on pense à Chabrol, à son cinéma et à ses muses, il y en a une qui s’impose directement. Elle a fait moins de films avec lui que les deux autres et pourtant, c’est Isabelle Huppert à laquelle on pense. Bon, il faut dire aussi que le duo a fait fort, « Violette Nozière« , « La cérémonie« , « Merci pour le chocolat« , « L’ivresse du pouvoir« , « Une femme d’affaire« , ou encore « Rien ne va plus« , entre Chabrol et Huppert, c’est une véritable histoire d’amour et d’autant plus quand on pense à « Madame Bovary« .

1857, « Madame Bovary. Mœurs de province » est publié. Gustave Flaubert ne le sait pas, mais il vient d’écrire l’une de ses plus grandes œuvres. Une œuvre qui va passionner et fasciner premièrement les lecteurs, puis une fois que le cinéma existera, il fascinera les cinéastes et les actrices. Très vite, « Madame Bovary » va être adapté. Le premier qui s’y colle sera Albert John Ray en 1932. Par la suite, Jean Renoir, Vincente Minnelli, Hans Schott-Schöbinger, Manoel de Oliveira, ou encore Anne Fontaine qui s’inspire librement du roman de Flaubert pour son « Gemma Bovary« . Parmi toutes ces adaptations, aujourd’hui, je m’arrête sur celle de Claude Chabrol et le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur français nous livre là une fresque aussi belle qu’elle est soignée et surtout cette fresque est portée par une Isabelle Huppert incroyable.

Emma Bovary est une ravissante jeune femme qui aspire à un monde de rêves, de culture et de luxe depuis qu’elle est toute petite. Mais après avoir épousée un vulgaire médecin de campagne, elle s’ennuie de pied ferme dans sa grande maison. Pour tromper l’ennui, elle se laisse aller à des infidélités tout d’abord avec Léon Dupuis, un ami de son mari, puis avec Rodolphe Boulanger, un aristocrate. Cette façon de tromper son ennui, ce désir de luxe et d’une autre vie, finira alors par causer sa perte.

Alors que son histoire est connue de tous ou presque, c’est la première fois que je m’aventure dans un film racontant « Madame Bovary » et si j’en connaissais les grandes lignes, je me suis surtout laissé transporter comme un spectateur vierge de cette intrigue et je dois dire que ce qu’a écrit Flaubert est sublime.

Je ne pourrais dire si Claude Chabrol a bien adapté le roman de Flaubert, car je ne l’ai pas lu, je m’arrêterai alors sur le film en lui-même et je dois bien avouer que Claude Chabrol livre-là un beau film. Tenu par un scénario superbe, son « Madame Bovary« , c’est avant tout un film qui laisse place à son personnage. Claude Chabrol a envie qu’on découvre « Madame Bovary« , et pour cela, il l’explore, il nous la présente, belle, ambiguë, imparfaite, piégée et libre en même temps. Il y a quelque chose de fascinant chez cette femme, qui a tout pour être heureuse et jamais cela ne se produit. Le portrait que livre là Claude Chabrol est donc dense, nuancé, saupoudré d’orgueil et plus que l’histoire, j’ai envie de dire, plus que le destin de Madame Bovary en lui-même, c’est ce portrait qui ne cesse d’évoluer qui fascine et tient tout le film. Un portrait tenu par une Isabelle Huppert dont Claude Chabrol (hormis deux scènes) tire le meilleur. Huppert est incroyable, bluffante et ses dernières scènes désespérées sont vraiment touchantes.

Du côté de la mise en scène, Claude Chabrol nous a sorti le grand jeu et son film est esthétiquement très beau. Les plans, la lumière, certaines séquences, certaines envolées, on sent vraiment que Claude Chabrol a tout fait pour que son film soit visuellement très beau. On ajoutera à cela une atmosphère très particulière. Une atmosphère qui s’aventure entre la classe bourgeoise et une certaine crasse, qui peut mettre mal à l’aise et qui à plus d’un moment installe même une certaine pression. Il y a beaucoup de cruauté, de douleur et de futilité qui se dégagent des images et des scènes que Claude Chabrol nous livre.

Mais derrière toutes ses qualités, « Madame Bovary » n’est pas un film parfait non plus et la première chose qui nous vient en tête, c’est le rythme inégal que peut avoir le film. Si l’histoire de « Madame Bovary » est magnifiquement tragique, si Claude Chabrol nous tient en intérêt et même plus, il faut avouer que son film a tendance à se faire un peu long. Claude Chabrol a décidé de dédier à Madame Bovary une fresque de deux heures vingt et alors que tout ou presque est intéressant, l’ensemble donne l’impression de se traîner un peu, comme si Claude Chabrol étirait ses scènes. De plus, on pourra lui reprocher une voix off maladroite et perturbante, qui d’un coup d’un seul, sort de nulle part.

Autre maladresse, on regrettera aussi que Chabrol, à force de se concentrer sur son personnage principal, en oublie de développer les autres. Si les personnages sont tenus par de bons acteurs, notamment Jean-François Balmer qui incarne le mari d’Emma Bovary, ils apparaissent souvent comme fonctionnels. Il y a bien le mari de Madame Bovary qui a le plus de relief, mais les autres demeurent finalement assez plats et peu passionnés, et c’est peu aussi de là que vient ce sentiment de longueur.

Il n’empêche que malgré les longueurs et les maladresses, ce « Madame Bovary » de Claude Chabrol est un bon et beau film, qui nous offre un portrait de femme fabuleux et passionnant. Un portrait qui nous tient tout le long du film et qui de surcroit, est tenu par une belle et grande Huppert. Si « Madame Bovary » ne sera pas le meilleur film de son réalisateur, ni même l’un de ses meilleurs, je ne regrette en aucun cas de m’y être arrêté. À voir donc, tout en sachant où l’on met les yeux, Chabrol oblige.

Note : 14/20

Par Cinéted

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