avril 24, 2024

Wardruna – Skald

Avis :

Avec la trilogie Runaljod, Wardruna accomplissait un projet musical d’envergure, aux ambitions et promesses respectées du début à la fin. Sur fond de morceaux épiques et de sonorités ancestrales, le groupe norvégien parvenait à retranscrire la mythologie scandinave et le mode de vie des Vikings. Comme sa dénomination l’indique, Skald prend pour point de mire une figure emblématique de la culture scandinave : le scalde. Celui-ci peut être assimilé à un ménestrel, à un baladin ou même à un rhapsode. Des désignations différentes pour des époques différentes, mais que l’on peut considérer comme des conteurs itinérants ; aussi bien colporteurs des nouvelles du royaume que chanteurs ambulants.

Et c’est dans ce contexte qu’évolue Skald : des moyens rudimentaires pour composer et interpréter des morceaux qui évoquent des balades contées. Vardlokk, le premier titre, s’assimile à un appel destiné à fédérer l’attention de l’auditeur auteur d’Einar Selvik. La suite détonne par rapport aux précédentes créations du groupe. Là où la trilogie Runaljod affichait une richesse exceptionnelle dans la recherche de sonorités originales, voire uniques, Skald tranche radicalement avec nos a priori. Dire que l’accompagnement musical est épuré relève de l’euphémisme, à tel point que l’on pourrait penser que ce quatrième effort s’apparente à un projet solo de son leader.

Car, s’il y a bien un élément qui prédomine au fil des dix chansons, c’est bien la voix d’Einar. La tonalité générale est très mélancolique, comme la reprise « scaldique » de Voluspá ou Gravbakkjen. Explorant un répertoire varié pour mieux souligner la multiplicité des rôles du scalde, il se montre à l’aise en forçant le timbre ou appuyant la douceur de ses chants. Compte tenu de la difficulté de l’exercice, il en ressort des performances vocales uniques et remarquables. Certes, l’on retrouve des instruments traditionnels tels que le bukkehorn, le talharpa et surtout la lyre de kravik. Cependant, leur présence ne fait pas l’objet de compositions communes.

D’un chant scandé à une partition plus timorée, la rythmique reste assez similaire avec des intonations lancinantes. Si celles-ci ne sont guère sophistiquées, elles soulignent également le contraste avec la grandiloquence de Runaljod. Il s’agit aussi d’une autre manière pour mettre en avant le ton hypnotique qui émane de chaque morceau. On pourrait parler d’un dénuement à l’extrême. Pourtant, c’est le souci d’authenticité qui prévaut à travers cette indéfectible volonté à retranscrire de façon réaliste les chansons d’antan. En l’occurrence, le dépouillement musical rapproche l’auditeur d’une atmosphère propre à la venue du scalde dans une ville ou un village, synonyme alors d’évènement local.

Cette rencontre fortuite pour accompagner le conteur itinérant au gré de ses voyages (et de ses errances poétiques ?) offre un traitement tout différent de son écoute. Il est vrai que les techniques de Wardruna tendent à une interprétation très introspective à l’écoute de ses chansons ; jouant autant sur la sensibilité que sur les émotions. Skald tisse un lien de proximité très particulier avec l’auditeur, comme si l’on était le spectateur privilégié d’une prestation (presque) improvisée. Skald souligne le fait qu’il n’est nul besoin d’un enrobage musical surabondant pour apprécier une mélodie dans sa forme la plus primaire, la plus dépouillée.

Au final, Skald est un album très personnel qui s’éloigne du côté épique de la trilogie Runaljod et se montre moins accessible. Dans une ambiance plus intimiste où le lyrisme escompté emprunte des chemins surprenants, cette incursion se démarque par un épurement musical drastique. Étrangement, cela n’enlève rien à l’inspiration du groupe norvégien. Au lieu de se cantonner à des compositions trop similaires avec ses précédentes créations, Wardruna se risque à explorer d’autres influences sonores. L’approche est déconcertante si l’on s’attend à une continuité par rapport à Ragnarök ou Yggdrasil. Il n’en demeure pas moins une œuvre singulière, à la fois touchante et empreinte de mélancolie.

  • Vardlokk
  • Skald
  • Ein Sat Hon Uti
  • Voluspa (Skaldic Version)
  • Fehu (Skaldic Version)
  • Vindavia
  • Ormagardskvedi
  • Gravbakkjen
  • Sonatorrek
  • Helvegen (Skaldic Version)

Note : 16/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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