avril 20, 2024
BD

Luuna

Auteurs : Didier Crisse et Nicolas Keramidas

Editeur : Soleil

Genre : Aventure, Fantastique

Résumé :

Dans les légendes indiennes, la tribu mythique des Paumanoks était le lien entre le monde des dieux, celui de la nature et le monde des hommes. Luuna, la fille du grand Sachem des Paumanoks, est heureuse: cette nuit, elle va enfin rencontrer son totem. L’initiation peut commencer. Mais le destin prend parfois des routes tortueuses !

Avis :

On nous rabâche sans cesse que le monde de la bande-dessinée va mal et que les ventes sont de moins en moins importantes. Pour autant, certaines séries survivent mieux que d’autres et certains auteurs arrivent à s’en sortir sans pour autant cravacher des heures, seul dans un bureau, le confinement pour eux étant juste une vie normale. Mais ce que l’on sait moins, c’est que les éditeurs se gavent de façon honteuse sur le travail des artistes, leur offrant une part minime sur les ventes. Les dessinateurs touchent en fonction des ventes, en fonction du nombre d’unités vendues, et le pourcentage est tout simplement ridicule, ou tout du moins pas à la hauteur des heures de travail que demande une BD. Et si l’on prend, au hasard, les éditions Soleil, on voit vite que l’aspect mercantile compte plus que la qualité intrinsèque d’une intrigue. Combien de séries ont été avortées faute de vente suffisante ? Combien de dessinateurs ont dû être contraints à clôturer leur série plus tôt que prévu, précipitant alors le fan dans une conclusion hâtive et satisfaisante pour personne ? Et surtout, combien de séries ont continué jusqu’à la lie, trouvant encore et toujours des pirouettes scénaristiques pour faire fructifier des ventes intéressantes ? Et sur ce dernier point, Luuna est une série très caractéristique des éditions Soleil.

Le point de départ de cette série est très intéressant, puisqu’il prend naissance au sein d’une tribu indienne et Luuna, fille du grand sachem, doit s’aventurer dans la forêt pour trouver son animal totem. Malheureusement pour elle, elle va être affublée de deux loups, un blanc et un noir, un bon et un mauvais, et elle sera maudite par Unkui, une sorte d’entité maléfique qui rend Luuna mauvaise les soirs de pleine lune. Dès lors, la jeune fille doit partir vers le Sud pour trouver de grands magiciens qui vont l’aider à choisir une entité et lever la malédiction. Et sur un récit qui aurait pu se conclure en deux tomes, le scénariste Didier Crisse, armé de son dessinateur Nicolas Keramidas, va étirer son intrigue sur cinq tomes pour le premier cycle, puis proposer par la suite encore quatre nouveaux tomes, alors que le deuxième cycle peut prendre fin dès le septième album. Le principal problème sur cette série, c’est qu’il ne s’agit que d’un récit d’accumulation, où Luuna va faire des rencontres avec des personnages secondaires qui vont l’accompagner ensuite durant le récit. C’est assez basique et l’on retrouve cela notamment en littérature de jeunesse. Mais finalement, qu’importe la simplicité du récit si le fond est là. Et c’est bien là-dessus que pêche Luuna.

Sous couvert de parler de bien contre le mal et de faire les bons choix pour pouvoir vivre, Luuna s’enlise dans un faux débat écolo qui ne trouve finalement aucun intérêt, hormis de suivre des personnages qui marchent, qui rencontrent d’autres personnages avec des mœurs diverses et variées et parfois de jouer à un jeu qui ressemble au basket. Luuna est creux. On trouve quelques tentatives évoquant un quelconque génocide, et la bêtise des humains envers l’inconnu, mais c’est balayé au bout de deux planches. On aura quelques pistes sur les esprits de la nature, mais là-aussi, ça n’amène à rien et le seul réel intérêt réside clairement dans les mythes et légendes amérindiennes qui apportent un peu de fraîcheur dans un récit qui manque d’inspiration dans sa narration et son déroulé. D’ailleurs, on verra qu’après un premier cycle laborieux, Luuna trouve presque de l’intérêt dans sa suite, avec les vikings et les chasseurs de démons, évoquant dès lors le Gévaudan, mais se noie dans un septième tome apathique, qui avec une histoire de voyage dans le temps se permet de remettre les pendules à zéro et de trouver une solution trop facile, une pirouette scénaristique qui arrive comme un cheveu sur la soupe.

Et que dire des personnages… Luuna est une héroïne qui rappelle bien évidemment Pocahontas dans son design, mais elle n’est pas vraiment attachante. Lorsqu’elle est mauvaise, elle en devient ridiculement méchante, et lorsqu’elle est gentille, elle est d’une niaiserie qui donne envie de la baffer sur toutes les planches. Pour le reste, ce ne sera que des personnages secondaires fonctionnels qui n’auront peu ou pas de background. On pense à son ami obèse qui se sacrifie pour elle, ou encore à Oh-Mah-Ah, cet homme-bête balourd et dernier de son espèce, accompagné par un vieil petit homme mystérieux. Tout ce petit monde n’aura aucune aura, aucune véritable histoire et on ne pourra pas ressentir de l’empathie pour eux. Reste alors les esprits des forêts, les pipintus, qui sont très désagréables et qui peuvent se voir comme les sidekicks rigolos de Luuna, se plaignant sans arrêt et faisant des traits d’humour au fil des planches. On retrouve une sensation de suivre un Disney avec les petits personnages qui font de l’esprit, à l’instar de Mushu dans Mulan ou des fées dans La Belle au Bois Dormant, et ils prennent beaucoup trop de place par rapport à leur utilité. Ces corrélations avec Disney ne sont pas anodines, puisque Nicolas Keramidas, qui fait un travail formidable ici, c’est d’ailleurs le gros point fort de cette série, a bossé chez Mickey et cela se ressent sur chaque dessin.

Au final, Luuna est une série qui possède toutes les caractéristiques de l’éditeur Soleil. Partant d’une bonne intention, s’enlisant rapidement dans un récit d’accumulation factice, les ventes étant bonnes, il a fallu continuer la saga jusqu’à ce qu’elle n’ait plus rien à dire et à raconter. On se retrouve donc face à un joli écrin qui s’inspire de tous les dessins-animés que l’on connait pour tenter de couvrir un voile narratif désolant. Bref, comme on le dit souvent, c’est une BD Soleil…

Note : 10/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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