De : Curtis Bernhardt
Avec Humphrey Bogart, Lee J. Cobb, Martha Toren, Everett Sloane
Année: 1951
Pays: Etats-Unis
Genre: Drame, Guerre
Résumé :
1925. En Syrie sous protectorat français, Damas est la proie de troubles fomentés par l’émir Hassan, qui refuse la présence étrangère. Les Français essaient de maintenir l’ordre et un de leurs responsables, le colonel Féroud, qui voudrait signer une trêve avec Hassan, envoie un émissaire auprès du chef rebelle. Dans un restaurant-cabaret où se retrouve la colonie étrangère, Harry Smith, aventurier américain installé en Syrie, fait la connaissance de la belle et mystérieuse Violette, venue avec Féroud, dont elle est la maîtresse. La soirée est perturbée par un attentat. Féroud convoque des commerçants suspectés de trafic avec les rebelles. Parmi eux, Smith, qui leur vend des armes, et Balukjian, prêt à tout pour éviter les ennuis.
Avis :
Humphrey Bogart fait partie de ces légendes du cinéma que l’on ne présente plus comme Gary Cooper, Cary Grant ou encore Steve McQueen. La différence qu’a eu Humphrey Bogart sur ses collègues, c’est qu’il a toujours joué les anti-héros sympathiques qui s’en sortent plus ou moins à la fin. Doté d’un physique moins avenant, plus ténébreux, plus mutique, l’acteur a su trouver des rôles à sa mesure et ses succès sont incontestables comme Le Faucon Maltais, Casablanca ou encore Sabrina. Décédé prématurément à l’âge de 57 ans d’un cancer de l’œsophage, l’acteur aura laissé une empreinte indélébile sur le cinéma. Néanmoins, certains des films dans lesquels il a joué demeurent moins connus que le reste, comme en atteste Sirocco de Curtis Bernhardt sorti en 1951. Mélange de film de guerre, de drame et de romance en 1925 en Syrie sous l’occupation française, Humphrey Bogart va jouer les fauteurs de troubles dans un contexte particulier, un moment historique assez peu connu, même pour les français.
Sirocco est un film assez intéressant dans son intrigue qui prend place au sein d’une situation géopolitique tendue en 1925. Nous sommes à Damas, sous l’occupation française, mais les syriens ne l’entendent pas de cette oreille. Des attentats sont commis et l’armée française ne sait pas comment réagir. Le colonel Feroud tente de raisonner son chef en lui demandant de ne pas répondre par la violence et de tenter de négocier avec les syriens. Pendant ce temps, on va aussi rencontre Harry Smith, un marchand qui promet toutes ses victuailles à l’armée française et en cachette, il livre des armes à la révolte syrienne. D’entrée de jeu, on nous présente les deux personnages masculins principaux dans un rapport de force étrange et très marqué. Ainsi, Feroud sera vu comme un homme raisonnable et bon, qui tente l’apaisement plutôt que la violence. On y verra aussi un mari aimant auprès de sa femme dans un restaurant. A contrario, Harry Smith est un opportuniste de première qui profite de la guerre pour se faire du bénéfice et on va rapidement le détester. Pourtant, avec cette caractérisation très manichéenne, Curtis Bernhardt va nous retourner sans que l’on ne comprenne comment.
Au fur et à mesure que le film défile, on va voir que les rapports évoluent et que la tension du pays fait souffrir quelque peu le couple de Feroud. Celui-ci devient arrogant, voire violent envers sa femme, qui se fait gentiment draguer par Harry Smith, ce dernier voulant l’amadouer avec des bijoux clinquants. Si Martha Toren est délicieuse au départ, elle va peu à peu céder aux avances de Harry, voulant quitter son mari et ce pays de fous. C’est à partir de là que les choses s’inversent, présentant un Feroud virulent et en perte de contrôle et un Harry Smith touchant et généreux, qui décide d’embarquer dans sa fuite la jeune femme. Le film est assez malin sur ce triangle amoureux et délivre des évolutions logiques dans les réactions de chacun. En filigrane, la situation qui dégénère en arrière-plan correspond au tempérament évolutif de Feroud, qui va peu à peu sombrer dans un stress permanent. Avant de retomber sur ses pieds, assumant ses erreurs et comprenant que les méfaits faits à son couple ne sont pas réparables. Les acteurs sont tous très bons dans ce film, Lee J. Cobb jouant avec finesse une belle dramaturgie alors que Humphrey Bogart, sûr de lui au départ, va s’effondrer sur la fin, pris à son propre jeu, alors que l’on commençait à y voir un soupçon d’humanité. Quant à Martha Toren, cette beauté froide, elle est tout simplement parfaite.
Cependant, il manque quelque chose à ce film pour le rendre vraiment bon et inoubliable. Curtis Bernhardt est un bon artisan et il sait filmer les scènes intimistes. Ainsi, les dialogues entre deux personnages, les relations de couple qui peuvent aller vers de la violence, tout ça est très bien fichu. Mais il manque au film une certaine ampleur, un certain sens de l’espace. Ici, la guerre est filmée de loin et se pose juste comme un contexte stressant plutôt que comme élément important du film. Il en va de même pour certaines courses-poursuites qui manquent de rythme et de tension. Cette tension, qui aurait pu être palpable et créer un sentiment d’urgence, mais qui finalement n’est que trop fluctuante dans ce métrage pour vraiment convaincre. Et puis l’autre souci provient de la mise en scène qui manque de money shots. C’est bien simple, rien ne marque vraiment la rétine et il y a un côté trop théâtral dans ce métrage, de trop figé avec des plans fixes qui tournent un peu pour élargir le champ, mais tout cela manque de grandiloquence alors que le film aurait pu partir vers quelque chose de plus vertigineux.
Au final, Sirocco est un film très intéressant dans le contexte qu’il dépeint et dans les relations entre les personnages au sein d’un sentiment d’insécurité permanent. Les acteurs sont tous bons et globalement, le film de Curtis Bernhardt est fort plaisant. Malheureusement, il lui manque des plans plus épiques pour rendre l’ensemble essentiel et maintenir constante une tension qui n’est pas assez palpable. Pour faire bref, Sirocco est un bon film mais ce n’est pas le meilleur de Humphrey Bogart.
Note : 14/20
Par AqME