mars 28, 2024

The Council

Résumé :

The Council est un jeu d’aventure narratif épisodique se déroulant en 1793. Vous y incarnez Louis de Richet, récemment devenu membre d’une société secrète dirigée par Lord Mortimer. Ce dernier vous invite dans son domaine sur une île au large de l’Angleterre, ainsi que d’autres personnalités prestigieuses. Chacune de vos décisions est irréversible et a des conséquences. Vous pouvez également, au gré de l’histoire, développer des compétences. The Council se compose de cinq épisodes, dont le premier se nomme The Mad Ones.

Avis :

Bien qu’il persiste quelques exceptions, l’évolution du jeu d’aventures a majoritairement délaissé le classique point’n click pour se conformer à un format épisodique. Les mécaniques de jeu facilitent la transition entre PC et consoles, mais l’approche reste foncièrement différente, ne serait-ce qu’à travers l’immersion du joueur et l’ambiance générale. Les deux systèmes ont leurs qualités et leurs faiblesses. Mais l’incursion historique que propose The Council n’est pas une rétrospective de l’évolution vidéoludique. Il s’agit de découvrir les coulisses des intrigues politiques qui se jouent derrière le voile de grands évènements tels que la Révolution française ou la naissance des États-Unis.

Dans les intentions, on se retrouve avec un traitement similaire aux scénarios d’Assassin’s Creed où le conflit templiers/assassins était à l’œuvre pour provoquer des guerres ou bâtir des nations. Une manière de triturer les fils de l’histoire par l’entremise d’une élite toute puissante… Dans la forme, la comparaison s’arrête là, car le récit de The Council se présente sous la forme d’un huis clos dont les tenants restent suffisamment nébuleux pour multiplier les pistes narratives. En l’occurrence, l’intrigue prend place à la fin du XVIIIe siècle. Un choix guère anodin puisque le contexte de l’époque a donné lieu à de nombreux soulèvements, dont ceux évoqués précédemment.

Si cet aspect possède une importance particulière, on le doit également à la présence de figures à la fois familières et célèbres. On songe à Napoléon Bonaparte, George Washington ou encore Johann Christoph Von Wöllner. Les tenants présentent donc un excellent potentiel pour interpeller le joueur. D’ailleurs, l’ambiance générale se teinte de mystères surnaturels avec l’irruption d’une tout aussi sibylline société secrète. Le fait de rechercher des reliques et des ouvrages occultes tend à confirmer une connotation ésotérique. Par ailleurs, la quête d’Al Azif laissait augurer une aventure proche de l’univers lovecraftien puisqu’il s’agit du Necronomicon.

Cependant, la référence s’en tient là et la tournure paranormale se veut beaucoup moins inquiétante qu’escomptée. L’objectif principal va être de déjouer les énigmes et les secrets du manoir de Lord Mortimer pour retrouver la mère de Louis de Richet, du moins dans un premier temps. En cela, la découverte de la demeure révèle d’étonnantes surprises. La direction artistique et le level design rivalisent d’ingéniosités pour rendre cohérente l’exploration avec la présence quasi permanente d’œuvres d’art issues de toutes les époques. Entre Le Massacre des Innocents et Saturne dévorant un de ses fils, les tableaux accrochés sont particulièrement saisissants pour illustrer ce constat.

La démesure du cadre est donc réellement frappante pour arpenter les couloirs de cette demeure pas comme les autres. Les mécaniques de déplacement, elles, sont un peu plus archaïques. L’ensemble reste fluide et les problèmes de collision sont rares, mais les mouvements sont tout aussi sommaires que les animations. On se contente d’avancer ou de courir mollement en interagissant à minima avec le décor. Cela à seule fin d’obtenir des items, récupérer des ouvrages (qui permettent d’acquérir des points de compétences supplémentaires) et résoudre des énigmes. Ces dernières présentent une difficulté variable qui peut parfois décontenancer.

Il n’y a rien de bien retors que ne sauraient éclaircir quelques lectures de textes ou une bonne observation du cadre. Toutefois, le jeu oblige à de fréquents allers-retours qui ralentissent le rythme et la progression par quelques errances. Un excellent sens de l’orientation est donc requis, et ce, en dépit de passages linéaires qui bloquent certains accès sciemment. La plupart du temps, ce n’est en rien handicapant, sauf quand les bugs décident d’interdire l’accès aux zones suivantes pour poursuivre l’aventure… Cela reste exceptionnel. Il n’empêche que ces problèmes techniques démontrent une certaine précipitation dans le développement.

Et c’est cette impression qui émane des deux derniers épisodes. Tandis que les premières incursions présentaient un scénario fouillé et intéressant à bien des égards, l’intrigue s’emballe au point de multiplier les révélations sans réellement trouver une véritable crédibilité. À l’instar de Louis de Richet, le protagoniste, on semble alors dépasser par des évènements à l’envergure géopolitique. Encore une fois, le propos initial et les thématiques abordées sont foncièrement captivants. On songe à la manipulation des gouvernements pour mieux asservir les dirigeants en place, ainsi qu’à la malléabilité des masses. Le tout plongé dans une période de transition entre les monarchies et les démocraties.

Les discours tenus sont fouillés et particulièrement pertinents. Cependant, l’aspect surnaturel est mal intégré et plutôt surfait. De même, les relations s’étiolent et se heurtent à quelques contradictions par rapport au cheminement souhaité. De ce point de vue, les choix du joueur ont une véritable influence sur l’histoire. Contrairement à d’autres titres similaires qui proposent une segmentation basique, The Council présente une orientation en fonction de ses aptitudes initiales, mais aussi en considérant les multiples échanges et confrontations avec les personnages secondaires. Chaque décision présente des conséquences irrémédiables. Il n’y a pas donc pas de Game Over, mais une évolution plus ou moins tortueuse.

Le potentiel de rejouabilité est réel. Chose assez rare pour le souligner dans ce genre de titres. Cependant, l’accumulation de compétences ne donne pas droit à les conserver pour une partie ultérieure. Dommage, car cela freine les possibilités offertes d’emblée. C’est le cas des opportunités. À noter que le principe du système immunité/vulnérabilité se montre original et judicieux pour orienter les dialogues comme on le désire, à moins que leur tournure ne nous échappe complètement. Il y a un réel intérêt à redécouvrir l’histoire sous un angle différent ou tout simplement pour améliorer le résultat.

En revanche, on ne peut que déplorer un épilogue d’une rare médiocrité. Ce n’est pas un mal de proposer différentes fins parallèles ; de la plus négative à la « véritable conclusion ». Cependant, bâcler certaines d’entre elles sous prétexte que des choix discutables ont été faits l’est. Le récit pénalise les joueurs qui auraient le malheur de privilégier une opinion qui s’écarte du cadre établi par les scénaristes. Certains dénouements font office de mauvaise blague qui, cette fois-ci, ressemble à un Game Over masqué, comme pour dire : « Mauvais choix. Recommencez tout depuis le début. » Une ultime impression qui laisse un goût amer, car on sent un prétexte fallacieux pour dissimuler ce manque de finitions au terme de l’aventure.

Au final, The Council révèle un résultat mitigé. L’idée d’évolution du personnage, l’impact véritable des dialogues et l’atmosphère générale offrent un jeu d’aventures singulier. Jusqu’à un certain stade, la qualité de l’intrigue est également à mettre en avant. Malheureusement, on se heurte à une technique datée qui démontre surtout ses limites dans les deux derniers épisodes. En ce sens, les expressions faciales sont particulièrement figées. Les protagonistes éprouvent les plus grandes difficultés à varier leur répertoire émotionnel. L’on regrette surtout des lignes narratives à bout de souffle, des révélations peu probantes et une conclusion complètement ratée. Autant de défauts qui traduisent un traitement précipité et négligé pour respecter le calendrier de sortie des épisodes. Dommage.

Note : 12/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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