avril 19, 2024

L’Ile du Diable – Nicolas Beuglet

Auteur : Nicolas Beuglet

Editeur : XO Editions

Genre : Thriller

Résumé :

Le corps recouvert d’une étrange poudre blanche…
Des extrémités gangrenées…
Un visage figé dans un rictus de douleur…
En observant le cadavre de son père, Sarah Geringën est saisie d’épouvante. Et quand le médecin légiste lui tend la clé retrouvée au fond de son estomac, l’effroi la paralyse.
Et si son père n’était pas l’homme qu’il prétendait être ?
Des forêts obscures de Norvège aux plaines glaciales de Sibérie, l’ex-inspectrice des forces spéciales s’apprête à affronter un secret de famille terrifiant.
Que découvrira-t-elle dans ce vieux manoir perdu dans les bois ?
Osera-t-elle se rendre jusqu’à l’île du Diable ?

Avis :

En l’espace de trois romans, Nicolas Beuglet est parvenu à devenir une figure incontournable de la scène littéraire francophone. Après un essai convaincant dans le thriller ésotérique (Le Premier crâne), il a placé ses intrigues en Norvège. Il en émanait une identité forte où l’ambiance des polars scandinaves rejoignait la subtilité des thrillers francophones, le tout auréolé d’un suspense digne des plus grands écrivains anglo-saxons. Preuve en est avec Le Cri qui demeure un modèle du genre. Un peu plus d’un an après la sortie de Complot, l’auteur propose un nouvel ouvrage qui n’est autre que la troisième histoire avec Sarah Geringën.

L’épilogue du précédent opus mettait l’enquêtrice dans une position pour le moins « délicate ». Afin de retrouver ses repères, les notes de résumé permettent de faire un rapide retour sur les évènements passés. Le début de l’intrigue demeure néanmoins relativement basique par rapport à ce que nous avait habitué l’écrivain. Certes, il faut toujours laisser une marge de manœuvre pour laisser place à un développement correct. Sauf que ce dernier ne survient à aucun moment. On a beau ressentir la dimension toute personnelle de l’affaire pour la policière, les tenants s’avèrent pour le moins sommaires.

Et cela vaut également pour l’ambiance générale dont on ne retrouve guère la singularité de la plume et, par extension, du cadre. Les descriptions restent surfaites et rapidement expédiées, tout comme la caractérisation et l’évolution des protagonistes. Hormis la relation père/fille de Sarah, on ne distingue que des individus sans relief. Les investigations qui découlent du meurtre sont bien menées, mais leur enchaînement se fait de manière fortuite, voire hâtive. Cela se ressent aussi dans l’écriture, et ce, en dépit d’une lecture agréable et d’une structure équilibrée. En ce sens, les chapitres sont assez courts et propices à une progression dynamique, peut-être un peu trop.

À ce stade, soit les deux tiers de l’ouvrage, on tient là un roman anodin, dépourvu de l’originalité de ses prédécesseurs. L’ensemble reste sans grande conséquence, mais peu néanmoins interpeller les amateurs. En soi, cette considération peut paraître assez décevante de la part d’un auteur tel que Nicolas Beuglet. Malheureusement, la dernière partie part en roue libre. Le fait d’évoquer certaines thématiques et de proposer une modeste réflexion sur le mal-être général de nos sociétés demeure intéressant et en corrélation avec des découvertes scientifiques encore embryonnaires. On apprécie également le cadre final qui se base sur un fait divers peu médiatisé.

Sur ce point, le côté glauque du contexte aurait gagné à se développer autrement que par le biais de témoignages. Mais ce n’est pas ce choix qui est préjudiciable, ni même le résultat qui en découle. La multitude des révélations se heurte aux nombreuses ellipses constatées auparavant. On songe notamment à l’enlèvement d’une femme en début d’intrigue. Puis on oublie celle-ci avant qu’elle ne fasse irruption dans les dernières pages. Il n’y a aucun élément, ni transition, qui permet de proposer une histoire secondaire parallèle. La temporalité est aussi sujette à discussion par rapport au déroulement des faits survenus dans le passé, soit 1933.

En considérant le contexte actuel, les relations filiales sont tirées par les cheveux, eu égard à la différence d’âge et la confrontation des générations. D’ailleurs, cela donne lieu à des incohérences flagrantes sur les explications de l’antagoniste. Pour rappel, le père de Sarah était âgé d’une dizaine d’années au moment des faits (toujours en 1933). Or, l’antagoniste évoque en fin de parcours que son propre père est décédé « […] au même âge que le vôtre, mais il a préféré mourir de faim. » Ce qui sous-tendrait qu’il aurait eu un fils à seulement 10 ans, sans compter qu’il devrait être un vieillard et non un jeune homme ?! De même, il invoque que le père de Sarah est l’assassin de sa grand-mère. Ce qui est entièrement faux dans l’explication des faits.

Malheureusement, les approximations et les invraisemblances se poursuivent. Un peu plus loin, l’histoire de vengeance est avancée pour restaurer l’honneur du père de l’antagoniste qui a eu un seul fils ; décédé sur l’île par rapport au dernier point évoqué. Or, il s’agit du grand-père, maintes fois répété jusque-là. Autrement, l’antagoniste vengerait sa propre mort ! Ce qui n’a absolument aucun sens. Certains éléments peuvent paraître confus si l’on ne suit pas le fil de l’histoire, notamment en ce qui concerne les motivations afférentes ou la généalogie des personnages. À la lecture, ils sont cependant indéniables, à tel point que l’ensemble perd toute crédibilité.

Au final, L’Île du diable surprend dans le mauvais sens du terme. Malgré une entame modeste, on aurait pu s’attendre à un thriller correct qui déboucherait vers une évolution nuancée, voire étonnante, à certains égards. Avec une atmosphère à peine esquissée, un contexte surfait et des protagonistes qui peinent à marquer les mémoires, il en découle une enquête standard dont le potentiel ne sera jamais pleinement exploité. Certains éléments propres à fournir une tension supplémentaire font office de remplissage, tandis que le dénouement est perclus d’incohérences et d’approximations. En somme, un ouvrage publié dans la précipitation, comme le suggèrent le rythme frénétique du récit et les nombreuses ellipses qui le parsèment. Une note à la mesure de la déception que suscite ce roman.

Note : 07/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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