Résumé :
David, un photographe de presse, partage sa vie avec Kristel, une artiste peintre surdouée. Ils vivent une folle passion que rien ne semble pouvoir troubler. Et pourtant… Alors que Kristel donne des cours de dessin aux enfants malades de l’hôpital, elle est sauvagement assassinée par un déséquilibré qui semble animé par une force maléfique. Quelques jours plus tôt, un autre fait divers avait horrifié la presse, celui d’un fossoyeur ayant abattu sa femme et ses deux enfants avec un fusil à pompe avant de se donner la mort. Ce drame est-il lié à la boucherie de l’hôpital ? Commence alors, pour David et son impétueuse collègue, Aurore, une enquête haletante où vont s’enchaîner meurtres et suicides pour le moins étranges. En bons journalistes d’investigation, tous deux se lancent, avec l’aide du commandant de police Vauvert, sur les traces de Nathaniel, un enfant démoniaque, déjà soupçonné d’être à l’origine du double homicide de ses parents. Mais qui est ce Nathaniel, d’où vient-il et surtout que cherche-t-il ? David, qui n’a plus rien à perdre, est prêt à tout pour venger son amour quitte à se perdre dans les méandres de la folie…
Avis :
Les cimetières ont toujours été le refuge de peurs enfouies, d’angoisses inavouées sur la mort. D’aucuns considèrent ces lieux comme lugubres, malsains ou à éviter le plus longtemps possible (sauf le 1er novembre), comme si cela pouvait écarter l’inéluctable, à tout le moins l’oblitérer de son esprit. Néanmoins, ceux qui creusent plus en profondeur découvrent un endroit apaisant et beau, accompagné d’un soupçon de mystère. Loin d’un penchant macabre, il permet également de donner vie à de fabuleuses histoires d’épouvante (mais pas seulement) comme savent si bien les narrer les plus grands conteurs de la scène littéraire.
En dehors des piliers du genre, il est difficile de trouver des romans fantastiques (et/ou horrifiques) dignes de ce nom. Tout comme le thriller, l’exercice requiert une parfaite maîtrise de l’écriture, du rythme et, bien sûr, de l’intrigue. Alors quand un romancier se met en tête de conjuguer ces deux genres, il peut très bien se vautrer, comme il peut hisser son œuvre au rang d’incontournable. Certains pourraient croire que cette dernière remarque soit parfaitement exagérée, mais à la fin de la lecture du présent ouvrage, on reste béat d’admiration par tant de talent. Si L’enfant des cimetières n’est pas un coup d’essai pour Sire Cédric, il demeure en tout cas celui qui l’a révélé sur la scène littéraire avec en prime le prix Masterton 2010 du roman francophone, rien que ça !
Tout d’abord, le prologue est un trésor d’immersion. Rarement, il m’aura été donné de parcourir une entame à la fois sombre, poétique, singulière et angoissante comme celle-ci. Le style d’écriture est recherché, aboutit et s’agence de telle manière à composer une aura de mystère autour de l’intrigue. À ce titre, la force des mots ne faiblira à aucun moment. Tant dans les passages narratifs, les dialogues ou les séquences d’action, on reste transporté dans cette ambiance sans commune mesure. On a droit à une véritable démonstration de savoir-faire. L’auteur happe littéralement le lecteur dans son univers pour l’en sortir que 500 et quelques pages plus tard.
On pourrait s’inquiéter du mélange des genres. Là encore, l’équilibre est au rendez-vous. Sire Cédric maîtrise son roman de bout en bout en jonglant à la fois entre ses différentes influences culturelles (Stephen King, David Lynch, Clive Barker…) et l’originalité de son œuvre. Entre l’enquête policière, les investigations journalistiques et l’exploration du monde d’en dessous, la progression du récit se révèle fluide, bien construite et prenante. Ainsi, les peurs primales côtoient des cercles plus restreints comme l’ésotérisme, les légendes urbaines et la magie tout en composant avec une réalité plus pragmatique. L’alchimie opère tellement bien que l’on se demande s’il existe une explication rationnelle ou non dans les événements exposés. Il en découle une véritable osmose qui confère à l’histoire un cachet unique.
Autre aspect du roman indispensable pour créer une cohérence et une bonne intrigue : les personnages. On se retrouve avec un panel d’individus rapidement attachants, aux réactions toujours appropriées et suffisamment dissemblables les uns des autres pour qu’ils se confrontent et s’entraident de manière crédible. Outre une psychologie recherchée, les physiques ne sont pas en reste avec la physionomie très particulière de Nathaniel (à proprement parler l’enfant des cimetières). Léger bémol : compte tenu du sujet, la caractérisation se révèle assez manichéenne dans son architecture.
Au final, L’enfant des cimetières allie avec brio le fantastique et le thriller. Doté d’une atmosphère gothique des plus délectables, d’un sens du rythme sans faille et d’une histoire immersive au possible, ce roman fait montre d’une maîtrise rare en matière de narration et d’ambiance. Si les influences de Sire Cédric (tant littéraires que cinématographiques) sont évidentes, il n’en demeure pas moins que son univers montre une forte originalité, à la fois sibylline et angoissante. C’est un véritable plaisir de tourner les pages. En somme, une incroyable odyssée dans le surnaturel et la folie.
Note : Le livre audio étant d’une qualité exceptionnelle (tout comme le matériau de base), je ne peux que trop vous conseiller l’écoute. Les bruitages, les musiques d’ambiance, l’implication des lecteurs mis à contribution et surtout la voix monocorde de Nathaniel sont des bijoux d’atmosphère pour retrouver les lignes du roman.
Note : 18/20
Par Dante