Auteure : Paula McLain
Editeur : Presses de la Cité
Genre : Biographie Romancée
Résumé :
Celle qui osa quitter Ernest Hemingway…Fin 1936. La jeune romancière Martha Gellhorn a vingt-sept ans mais déjà une solide réputation de globe-trotteuse. De neuf ans son aîné, Ernest Hemingway est en passe de devenir le monstre sacré de la littérature américaine. Elle est célibataire mais connaît les hommes, il en est à son deuxième mariage. Entre eux, la complicité est d’abord intellectuelle. Mais la guerre a le pouvoir d’attiser les passions… Du New York bohème à l’Espagne ravagée par le franquisme, les amis deviennent amants. Et les voilà repartis sur les routes, entre l’Amérique, l’Europe et Cuba. Seulement, au gré de leurs allées et venues dans un monde à feu et à sang et d’une rivalité littéraire qui ne cesse de croître, les deux époux ne tarderont pas à goûter aux fruits amers de la vie conjugale…
Avis :
La troisième Hemingway est un roman palpitant, qui nous entraîne dans un passé tumultueux et plein de péripéties. Les pages s’enchaînent à un rythme effréné et les images que l’on retient sont dures, violentes, et pourront perturber certains lecteurs. En effet, Martha Gellhorn fut une journaliste de guerre reconnue et très active, jusqu’à ses derniers jours. Ce roman, nous racontant sa vie passionnante, est prenant et rend compte d’une période instable, ponctuée de nombreuses personnalités hautes en couleur que l’on souhaiterait parfois oublier : Hitler, Franco, Mussolini, Staline…
Martha Gellhorn, faisant fi de l’image de la femme de cette époque, n’a pas hésité à embarquer son stylo et sa force, pour dépeindre les plus grands conflits de l’Histoire et les vivre à bras le corps, en plein cœur de l’action, bravant la mort et les dangers. Martha Gellhorn est un portrait de femme forte comme on les aime et comme on les connaît peu. Auteure, comme son célèbre mari Ernest Hemingway, la jeune femme ne démérite pas non plus de ce côté-là et, malheureusement, tous ces livres n’ont pas été exportés en Europe, vite ombragés par ceux d’un époux impressionnant et, comme elle, journaliste de guerre à ses heures perdues.
Le roman nous entraîne dans une aventure plutôt inattendue, loin des histoires d’amour auxquelles on peut être habitués. Les trois quarts de l’intrigue tournent autour des travaux de journaliste de Martha et de ses voyages : la guerre civile espagnole à Madrid, l’annexion de Hong-Kong par les Japonais, le front de la Seconde Guerre Mondiale… Les scènes sont terribles, pleines du sang des victimes et des rescapés que la jeune femme interviewe pour la postérité, pour leur rendre hommage, pour les comprendre ou pour les aider.
Humaniste dans l’âme, Martha a aussi besoin de cette adrénaline, de rôder avec la mort et de ressentir tous les affres du danger, et c’est cet ensemble, en plus de son histoire d’amour et de ses talents d’écrivain, qui en font une femme riche et complexe, que l’on a plaisir à suivre dans sa vie quotidienne.
Indépendante, Martha diffère des femmes de cette époque, attachées à des règles strictes ou soumises à des maris envahissants. Son travail représente tout pour elle, et elle n’hésite pas à partir des mois loin de son mari pour mener à bien ses missions de journaliste de guerre, quitte à ne plus jamais revenir. Sa relation avec Hemingway est ainsi atypique et passionnante à suivre. Temps de guerre obligent, de nombreuses tensions existent en plus de leurs sentiments explosifs et du divorce d’Hemingway avec sa seconde femme, qui peine à se faire.
Comment supporter que la femme qu’on aime veuille sans cesse risquer sa vie sur des champs de bataille et s’éloigner de nous ? D’un autre côté, comment supporter au quotidien la vie mondaine d’un mari célèbre, qui préfère les soirées alcoolisées et pleines d’hypocrisie, à des moments simples en amoureux ou en famille ? Deux caractères forts qui s’affrontent et qui s’unissent, sous un fond de drames politiques et de combats épiques.
L’écriture rythmée est parfaite pour un tel roman, qui ne contient aucune longueur et qui nous tient en haleine jusqu’à la fin. L’Histoire associée à l’histoire plus modeste d’un couple haut en couleur, est bien retranscrite et fait réfléchir. Martha et Ernest nous font part de leurs visions des conflits, de leurs envies, de leurs douleurs, et on s’attache profondément à eux. Bien que la narration passe entièrement via Martha, quelques passages en italiques nous font part des pensées d’Ernest, un homme qu’il est difficile de cerner et de comprendre, tant son psychisme est troublé.
Il n’y a pas de gentils ou de méchants dans cette histoire, simplement un homme et une femme qui n’ont pas réussi à s’accorder et qui n’ont pas réussi à se comprendre, bien que nombre de leurs envies convergent. Ce sont de beaux messages de vie, d’amour et de paix que véhicule ce roman. On se rend finalement compte de la chance que l’on a de vivre dans un monde à peu près stable, dans lequel on peut se projeter et non pas, sans cesse, avoir peur du lendemain ou pour sa vie. Les climats européens décrits sont vrais et plein de vie.
Les métiers d’écrivain et de journaliste sont mis en avant dans ce roman. Le problème de la page blanche, celui de l’inspiration, ceux des publications, éditions et publicités, les critiques très bonnes ou, au contraire, odieuses, les commentaires sur les ressemblances dans l’écriture dans le couple (Martha a été vivement critiquée pour sa relation avec Hemingway), l’ombre d’un auteur plus célèbre que l’autre, l’un en tant que romancier, l’autre, en tant que journaliste (Martha ayant fait davantage qu’Ernest en tant que journaliste avant que ce dernier ne la décrédibilise par jalousie), … Tout y passe.
La troisième Hemingway est un portrait prenant d’une femme qui mérite d’être reconnue non comme la femme d’un célèbre écrivain, mais comme une artiste à part entière.
Note : 19/20
Par Lildrille