mars 28, 2024

L’Amour Parmi les Monstres

Titre Original : Chained for Life

De : Harry L. Fraser

Avec Violet Hilton, Daisy Hilton, Mario Laval, Allen Jenkins

Année : 1952

Pays : Etats-Unis

Genre : Drame

Résumé :

L’une a assassiné son mari, l’autre est innocente. Mais la justice a bien du mal à trancher car elles sont sœurs siamoises!

Avis :

Sous l’angle du film d’horreur ou du drame social, il est difficile d’évoquer un sujet tel que les freaks sans sombrer dans le sensationnalisme. Peu de métrages ont développé une parfaite osmose pour dépeindre leur quotidien avec une approche sensible et respectueuse. Bien entendu, la référence ultime en la matière reste Freaks de Tod Browning. Chef d’œuvre incontesté, l’intrigue parvenait à démontrer que les individus considérés comme « normaux » étaient bien plus monstrueux que les freaks eux-mêmes. Parmi eux se trouvaient les sœurs Hilton qui occupent la tête d’affiche de Chained for Life, second et dernier film où elles apparaissent.

Le postulat du métrage s’avère très intéressant, car, sous couvert d’une affaire judiciaire sans précédent, se pose la question de la condamnation d’une criminelle au détriment d’une innocente. Toute la difficulté étant de prendre en considération leur particularité physique puisqu’elles sont sœurs siamoises. Plus récemment, l’idée avait germé dans un épisode des Contes de la crypte. À la différence prête que l’on pouvait parler de double maléfique et non d’un crime par altruisme. Quant aux préoccupations morales que suscite cet acte, elles peuvent renvoyer vers Le droit de tuer ? de Joel Schumacher.

On dispose donc d’un concept pour le moins original et avant-gardiste à même de soulever nombre d’interrogations sur la notion de justice, de culpabilité et du droit à la différence. Seulement, le traitement alloué à l’intrigue est mal maîtrisé. Cela vaut aussi bien pour la réalisation que pour la narration. Harry L. Fraser est surtout connu pour ses productions de seconde zone, vraisemblablement peu marquantes. Là où d’autres cinéastes auraient fait des étincelles avec un tel matériau de base, l’homme ne sait guère comment aborder son film. Et cela se voit par une progression cahotante, jouant sur les flashbacks pour remonter aux prémices de l’affaire.

Certes, le procédé possède des qualités quand il permet de mieux assimiler les faits et de développer les personnages. Or, il est ici révélateur d’une évolution redondante affublée de gros problèmes de rythme. C’est bien simple, la grande majorité des scènes avancées n’apportent presque rien à la compréhension du procès sous le point de vue des principaux intéressés ; coupable et victime(s). On a droit à des séances de music-hall, rappelant par là même le monde du spectacle et du cirque. S’il n’est pas question de jouer la carte du voyeurisme à l’égard de la différence des sœurs Hilton, les situations dépeignent néanmoins leur difficulté d’intégration.

On songe à leur vie sentimentale tumultueuse et l’impossibilité de se marier face aux refus successifs des administrations compétentes. En se penchant sur la vie des sœurs Hilton, ces éléments renvoient à une connotation biographique. L’aspect fictionnel, lui, s’appuie sur l’instrumentalisation de leurs sentiments à des fins promotionnelles pour leur spectacle. Toutefois, on regrette un traitement trop superficiel, notamment en ce qui concerne l’ellipse où le mariage débouche immédiatement sur la rupture sans la moindre explication. De même, les jeux de manipulation sont tout aussi basiques que le comportement versatile du fautif.

Bien que l’idée de base reste d’un intérêt notable, Chained for Life pâtit de l’inconstance de son metteur en scène. Celui-ci est incapable de trouver une tonalité dramatique ou inhérente au film noir, comme le suggère le procès. Ce dernier prend davantage les atours d’intermèdes plutôt que ceux d’un fil directeur à part entière. Il en ressort une succession de saynètes assez répétitives dont la portée perd de vue la finalité des événements. À savoir, un assassinat de sang-froid. Si ce n’est la prestation des sœurs Hilton et certaines évocations propres à leur vie, l’ensemble reste bâclé, car sensationnaliste et non introspectif quant aux notions de crime et de justice. Parfait constat de l’indécision générale, le dénouement botte en touche et laisse le verdict à l’appréciation du spectateur. Un choix facile qui manque de perspicacité et d’engagement.

Note : 10/20

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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