avril 24, 2024

White Tiger

De : Tod Browning

Avec Priscilla Dean, Matt Moore, Raymond Griffith, Wallace Beery

Année: 1923

Pays: Etats-Unis

Genre: Drame

Résumé:

Trois escrocs commettent le crime presque parfait. Mais alors qu’ils doivent restés cachés ensemble, chacun commence à se méfier de l’autre…

Avis :

La filmographie de Tod Browning montre une certaine attirance pour les associations de criminels. Ce fut notamment le cas avec Les Révoltés et The Wicked Darling. Ces métrages, comme bien d’autres, dépeignent l’univers nocturne des milieux urbains. Bref, l’intérêt du cinéaste pour les masses marginales ne cesse de se développer à travers le drame, la romance et, par la suite, l’horreur. Aussi, White Tiger (ou Les Fauves) s’inscrit comme un trait d’union entre les premières œuvres de Tod Browning et ses plus illustres réalisations. Eu égard à ses problèmes d’alcoolisme, il s’agit de l’une des dernières collaborations avec Universal avant son passage à la MGM.

D’emblée, on nous entraîne dans une présentation tirée au cordeau tant au niveau de l’atmosphère que des protagonistes. On entrevoit le monde interlope des bas-fonds londoniens par l’irruption de personnages peu recommandables. La tension est palpable et permet de mieux assimiler la suite de l’intrigue dans la seconde partie. À la manière d’une pièce théâtrale, la structure narrative se scinde en trois actes distincts. Chacun d’entre eux marque une évolution dans les relations et la situation générale. Cette première incursion reste la plus dynamique (et la plus courte) et offre une ambiance proche de l’époque victorienne. Malgré le changement de siècle et de règne, la misère emprunte les mêmes atours au fil des époques.

Cette introduction aura permis de mieux saisir les affinités qui unissent les différents intervenants. De prime abord, on décèle une relation quasi incestueuse entre le frère et la sœur qui ignorent leur lien de parenté. Mais les chamailleries, la complicité dans le crime et la présence d’un prétendant concourent à écarter bien vite un dénouement tragique pour un amour impossible. L’ensemble pourrait presque paraître déconcertant, tant leurs échanges sont légers, même dans les instants les plus tendus. Sans doute une manière de dédramatiser une situation désespérée. Cependant, cette tonalité enjouée ne correspond guère à ce que suggère l’histoire.

On songe à ce climat de suspicion qui vient gangréner les personnages lors de leur planque. Tentatives de meurtre, dénonciations, vols… Tout est envisagé à travers des conversations isolées, souvent encadrées par Hawkes, à la fois cerveau des escroqueries et fomenteurs de comportements méfiants. À ce titre, la mise en scène s’appuie constamment sur le voile des apparats et des apparences. Cela passe par cet automate joueur d’échecs, les costumes de soirée à l’occasion de la réception ou encore le poison évoqué avant le repas. De fait, il persiste un clivage bienvenu entre les perspectives des protagonistes et ce que voit le spectateur, comme les jeux de faux-semblants ou la dégradation progressive de leurs relations respectives.

Au lieu de brasser le portrait d’escrocs en quête de repentir, Tod Browning privilégie les codes du huis clos pour s’attarder sur une forme de suspense assez peu usitée à l’époque. Les suggestions sont telles qu’elles ouvrent le champ des possibles à des retournements de situation fortuits. On regrette néanmoins que la révélation finale concernant les enfants Donovan paraisse un peu trop précipitée et moins subtile que ne le laissait entendre le reste de l’intrigue. De même, certaines ellipses temporelles atténuent la fluidité et, par conséquent, la cohérence entre des séquences charnières, comme la fuite après le vol ou la présence des forces de l’ordre lors du dénouement.

Passant du polar au drame sans difficulté, White Tiger préfère s’attarder sur le développement de ses personnages plutôt que se complaire dans un genre particulier. Par ailleurs, les années 1920 affirment cette volonté de catégoriser les productions cinématographiques. Toujours est-il que le scénario profite de la mise en scène d’un grand réalisateur afin de mettre en exergue l’aspect malicieux (pernicieux pour certains intervenants) et les jeux de duperie propres aux activités d’escroquerie. En dépit de certaines maladresses dans la progression narrative, il en résulte une histoire bien amenée qui, non sans ironie, malmène la perception de ses personnages à force de sentiments contradictoires et, par là même, celle du public également.

Note : 14/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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