D’Après une Idée de : Abi Morgan
Avec Stellan Skarsgard, Nicola Walker, Adeel Akhtar, Lesley Manville
Pays: Angleterre
Nombre d’Episodes: 6
Genre: Policier
Résumé:
L’officier de police John River est hanté par la mort de Stevie, sa coéquipière. Obsédé par les victimes des crimes qu’il n’a pas réussi à élucider, il souffre de troubles émotionnels qui le fragilisent professionnellement tout en exacerbant sa sensibilité et son instinct.
Avis :
Au même titre que certaines productions scandinaves, les séries policières britanniques se parent d’une ambiance singulière, pour ne pas dire unique. Constat appuyé par quelques pépites, comme Broadchurch, Happy Valley, Unforgotten ou encore The Fall. En l’occurrence, River s’inscrit dans la droite lignée de ses homologues. À savoir, proposer un moment bien ficelé, qui apporte une touche d’originalité, et non des moindres, à son intrigue. Le concept même du récit tient à l’inspecteur River, policier compétent et néanmoins hanté par des « présences », comme il aime à les définir. Avons-nous droit à une intrication du polar et du fantastique ?
Bien que le doute soit entretenu, ce n’est pas forcément le cas. L’entame prend à contre-pied les attentes du spectateur en délaissant un parfum de surnaturel dans son sillage. Dès lors, on peut s’interroger sur l’objet des visions. La première hypothèse (et la plus flagrante) demeure la capacité de voir des fantômes. Dans le cas présent, le terme est toutefois usurpé tant l’histoire joue d’ambiguïtés sur notre perception de la réalité. Par extension, cela vaut également pour River. Seconde théorie plausible, l’on songe à de la schizophrénie ou une maladie mentale à même d’assentir les sautes d’humeur d’un homme en apparence débonnaire, ses phases de dépression et d’euphorie en certaines circonstances.
Malgré le travail accompli et remarquable des autres membres du casting, Stellan Skarsgård les surclasse par une prestation tourmentée d’un rare réalisme. C’est bien simple, il octroie à son personnage toute la singularité qui lui est due, sans jamais sombrer dans la surenchère ou l’apitoiement. La différence (ou l’indifférence, parfois) dont il fait preuve forge un être sensible qui, sans être autiste, évolue dans un monde désenchanté qui n’appartient qu’à lui. Preuve en est avec son appartement, sa collection de disques et la vacuité affective de sa vie privée. Là encore, on ne songe pas à une froideur hautaine, mais plutôt à une extrême empathie qui fait de lui un inspecteur compétent, peu porté sur le regard qu’on lui prête. Son principal handicap est d’éprouver les plus grandes difficultés du monde à exprimer ses émotions.
Et c’est donc sur ses épaules massives que repose la responsabilité de découvrir qui a assassiné sa collègue et amie. S’il y a bien une ou deux enquêtes parallèles au gré des épisodes, le fil rouge reste la préoccupation prioritaire. À travers les faubourgs désenchantés et les glaciaux buildings de la capitale britannique, la progression est beaucoup plus timorée qu’à l’accoutumée et, par conséquent, plus réaliste dans l’exposition des procédures et des investigations. L’exploration des pistes, comme la manière dont sont menés les interrogatoires, présente une continuité naturelle et cohérente au regard des éléments dont les protagonistes et le spectateur ont connaissance. On découvre également l’envers du décor du sort des immigrants, sans pour autant faire l’impasse sur les dissensions sociales et familiales qui entourent l’enquête.
Si les méthodes d’investigations sont, à n’en point douter, la principale occurrence pour progresser et résoudre le crime, les visions de River permettent de mieux appréhender le cheminement de ses pensées. La justification de son comportement et de son travail tient à des réflexions exprimées par l’intermédiaire de ses « présences ». Une écriture exigeante qui nécessite une attention de tous les instants pour éviter les incohérences ou les digressions narratives. Force est de reconnaître que le scénario est maîtrisé du début à la fin, en apposant les jalons d’un dilemme final à même de mettre à mal les questions de moralité ou de justice.
Nihiliste dans son atmosphère et radicale dans son approche du polar, River est une série marquante et remarquable sur de nombreux points. L’originalité toute trouvée de son personnage principal vient soutenir une intrigue intelligente, mesurée et réaliste. Ce n’est pas tant dans les retournements de situation ou les révélations qu’elle s’impose, mais dans sa propension à recentrer les faits dans un contexte profondément humain, perclus de désillusions et de tourments. Entre le drame et le policier, il en ressort six épisodes âpres dont la tension ne se relâche à aucun instant. Une indéniable réussite habitée par des personnages marquants.
Note : 17/20
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Par Dante