décembre 13, 2024

Le Signe

Auteurs : Philippe Thirault et Manuel Garcia

Editeur : Glénat

Genre : Thriller, Horreur

Résumé :

Alex Morsen a failli être un écrivain à succès. Son premier livre, Perte d’Auréole, a été un best-seller. Mais aujourd’hui Alex est un homme aigri et sans inspiration. Sa bonne étoile semble l’avoir quitté. À fleur de peau, il ne supporte plus sa voisine du dessus, qui joue du piano toute la sainte journée. Elle devient l’excuse de son incapacité à se concentrer et à créer. Un jour, excédé, Alex lui jette un sort qu’il a trouvé dans un livre traitant de sciences occultes. Il ne peut se douter des répercussions que ce geste va avoir sur la pianiste, et surtout sur lui et sur sa famille…

Avis :

Si l’horreur est difficilement dissociable du cinéma, on a tort de cantonner le genre à ce seul support culturel. La littérature et le neuvième art fournissent des efforts notables en la matière. Qui plus est, ils tendent à démocratiser des histoires trop souvent conspuées avec dédain. Dans une vision pleinement assumée, Flesh & Bones propose de revisiter sans le moindre compromis chacune de ses facettes. Là où un œil non averti n’y voit que des récits semblables, l’amateur y distingue une palette de nuances, de sous-genres et de subtilités, comme peu de domaines sont capables d’en offrir. Avec Le signe, la collection des éditions Glénat semble s’attaquer à la possession démoniaque et autres antéchrists mal lunés. Enfin, presque…

Comme ce fut le cas auparavant pour Bikini Atoll, la couverture est trompeuse, tandis que le titre est suffisamment évasif pour une interprétation erronée. La croix inversée étant un symbole particulièrement explicite. Malgré quelques timides allusions, il n’est guère question d’exploiter le filon précédemment cité. Dès lors, on pourrait s’insurger par ce procédé fallacieux qui fait miroiter aux lecteurs des promesses en partie respectées. Car si l’on dénote la vague présence de l’Église catholique en fin de parcours et de pratiques occultes à peine évoquées au fil de l’intrigue, Le signe a tout du thriller paranoïaque.

Pour poser les bases de la narration, on expose le quotidien d’un écrivain à succès en mal d’inspiration. Le rythme est volontairement lent pour dépeindre son évolution et ses occupations après une dizaine d’années de disette littéraire. Le caractère aigri de cet homme revêche nous apparaît comme foncièrement antipathique. Mais ce sont surtout ses réactions qui interpellent. Son obsession du silence (ou plutôt des bruits qui viennent le troubler) débouche sur une situation intenable. Bien éloigné d’une surenchère impromptue, le fil narratif développe un contexte psychologique relativement surprenant compte tenu de l’intrigue initiale.

Tout repose sur la perception biaisée, à tout le moins subjective, du protagoniste et de l’interprétation du lecteur. Le tapage est-il une simple excuse ou se révèle-t-il avéré pour justifier le syndrome de la page blanche ? Les circonstances ont beau évoluer, la folie ne s’en fait que plus grandissante. Ce traitement qui joue constamment sur le fil du rasoir entre réalité ou phénomènes paranormaux n’est pas sans rappeler certaines œuvres hitchcockiennes. Pour rester dans le domaine de l’horreur et du fantastique, la progression se rapproche sensiblement de l’ambiance psychotique d’un film de George P. Cosmatos, D’origine inconnue, où le protagoniste est obsédé par la présence d’un rat dans ses murs.

L’horreur en elle-même s’impose comme une conséquence naturelle due à l’absence de sommeil et au sentiment de persécution qui en émane. Ces passages (hallucinés ou réels ?) sont particulièrement violents et gores. Séance d’auto-cannibalisme, dislocation des corps, apparitions spectrales peu ragoûtantes… Les auteurs n’en oublient pas les puristes et, malgré un trait de dessin volontairement rudimentaire, l’effet demeure percutant. Concernant les pratiques occultistes, on regrette la simplicité et la rareté des éléments. On songe notamment à la portée des malédictions et à l’aspect religieux beaucoup trop timide pour s’imposer et convaincre.

Si l’on pouvait craindre une déconvenue de rigueur dans un premier temps, Le signe se révèle une bonne surprise. Bien plus subtile qu’à l’avenant, l’intrigue s’appuie sur deux niveaux de lecture. Le premier degré présente un ton horrifique relativement basique, mais efficace. Le second est d’interpréter les événements comme la résultante hallucinée du personnage principal, habile ironie pour un écrivain dont l’imaginaire lui fait défaut ! Cette constance à flouer les frontières de la réalité et de la folie reste l’atout majeur du comics. Il est simplement dommage que certains éléments surnaturels (l’occultisme, la possession…) n’aient pu être mis davantage en avant pour faire du Signe un thriller paranoïaque incontournable.

Note : 15/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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