De : Ben Young
Avec Ashleigh Cummings, Emma Booth, Stephen Curry, Susie Porter
Année : 2017
Pays : Australie
Genre : Thriller
Résumé :
Australie, été 1987. Un soir, alors que la jeune Vicki Maloney se rend à une soirée, elle est abordée dans la rue par Evelyn et John White, deux trentenaires qui l’invitent chez eux. Sur place, elle comprend qu’elle est tombée dans un piège. Séquestrée, sa seule chance de survie sera d’exploiter les failles du couple…
Avis :
On a beau être cinéphile, il y a des films comme ça qui vous passe littéralement sous le nez. Sorti en France en toute discrétion dans un parc de 33 salles, Love Hunters fait figure de pelloche débarquée de nulle part et atterrie là par hasard. Et pourtant (à ma grande honte), le film de Ben Young avait reçu le Grand Prix du BIFFF 2016. On y était, on a aucune excuse.
Bref, l’erreur est réparée, le film est sorti, on a pu le voir, et c’est un digne représentant du cinéma de genre australien qui sait souvent se montrer aussi moite et étouffant que son climat, aussi vénéneux que sa flore. Pourtant, de prime abord, Love Hunters ne paie pas de mine, et semble creuser si l’on en croit son pitch le sillon déjà connu du « film de séquestration ». Du culte Massacre à la tronçonneuse au maudit Captivity de Roland Joffé passé à la moulinette du Torture Porn, de l’auteurisant La Piel que habito au déjà australien The Loved Ones et sa violence pop, des québécois 7 Jours du Talion et 5150 rue des Ormes aux français Captifs et Fontière(s), le cinéma moderne a vu défiler de nombreux représentants du genre, et l’on craint à chaque générique de se retrouver avec le même schéma, les mêmes péripéties, la même volonté de choquer gratuitement dans les chaumières.
Lorsque Love Hunters démarre pourtant, impossible de se poser toutes ces questions, puisque l’ambiance délétère où le temps semble s’étirer, qui imbibera le métrage jusqu’à la dernière image, nous happe dès les premières secondes. Une musique atmosphérique étrange, qui nous donne l’impression de contempler une forêt de nuit plongée dans la brume quand il s’agit d’une banlieue australienne écrasée par le soleil, un travelling ralenti à l’extrême sur un groupe de lycéenne en pleine partie de Netball (dérivé du basketball dont l’Australie est championne en titre), et les bases sont posées. L’ambiance sera lourde et éthérée à la fois, l’œuvre violente autant que lancinante.
Plus que le récit en lui-même qui sera sur beaucoup de points similaire à d’autres films du type, c’est l’attention portée à ce qui constitue visuellement Love Hunters qui portera ses fruits. Le contexte, plutôt étudié, les personnages dessinés avec beaucoup de finesse, et l’ambiance implacable, armée d’une tension qui se distend tellement qu’elle pourrait presque perdre le spectateur habitué au principe de péripéties incessantes.
Tout démarre avec Vicki (Ashleigh Cummings qu’on avait un peu perdu de vue en Europe depuis le sympathique Demain, quand la guerre a commencé), jeune lycéenne aux parents fraichement divorcés sur la décision de sa mère, qui en veut à sa génitrice de les avoir abandonné et fait le mur un soir où elle est chez elle pour rejoindre une fête. Elle va rencontrer sur le chemin un couple de trentenaires bien sous tout rapport, John et Evelyn (Stephen Curry, qu’on avait vu dans Solitaire, et l’intense Emma Booth qui a frayé dans le Blood Creek de Schumacher et Gods of Egypt récemment), qui vont la convaincre de les suivre chez eux. Et c’est bien sûr ici que les choses vont déraper, les deux amoureux étant de parfait psychopathes à la routine de tortures lycéennes bien huilée, qui vont séquestrer Vicki pour en faire leur nouvelle victime.
Seul bémol : ça ne va pas forcément dans le couple, et la relation amour/haine, dominant/dominé, pourrait être la seule porte de sortie de la pauvre gamine.
Thriller âpre, tout en sous-entendu et en violence suggérée, Love Hunters s’inspire de toute évidence, malgré les déclarations de son réalisateur, sur l’histoire vraie de David et Catherine Birnie, deux serial-killers australiens qui séquestrèrent, violèrent et tuèrent quatre jeunes filles dans les années 80 avant que la cinquième ne parvienne à s’échapper. Les similitudes sont nombreuses, et lorsqu’on se penche sur ce cas véritable et les horreurs qui en ont découlé, on comprend mieux la propension du réalisateur à privilégier la suggestion au choc, le tempo lancinant et l’ambiance sensitive aux péripéties visuelles, les rapports humains à la violence frontale.
Car si l’on devait pointer un véritable écueil (en dehors de son sujet pas forcément original), ce serait celui d’un certain déséquilibre dans le rythme du film, car la volonté de ne pas céder au suspens facile crée une tension tout en langueur qui aurait eu besoin d’un contrepoint plus radical. Cette ligne d’oscilloscope vibrante aurait mérité quelques pics, quelques scènes chocs plus tôt dans le film pour conserver toute sa tension dans ce rythme obsédant, comme des jalons.
La seule scène véritablement choc de Love Hunters (bien que toujours suggérée) arrive dans le dernier tiers du film, et il est vrai qu’à partir de ce moment, on ne desserre plus les fesses jusqu’au générique. La scène agit comme un électrochoc qui permet de garder la tension constante, et le métrage aurait peut-être gagné à contenir d’autres scènes de cet acabit. Pas pour satisfaire les bas instincts du spectateur avide de violence et de cruauté, mais pour agir comme un levain qui ferait monter une pâte qui, sans ça, menace parfois de se dégonfler.
Malgré cela, Love Hunters reste une excellente surprise en provenance des antipodes, qui sur un sujet longuement ressassé parvient à créer pas mal de surprise dans ses relations entre les personnages, et compose une atmosphère réellement glauque, même si son rythme particulier et sa volonté de minimalisme pourrait en laisser certains sur le carreau.
Note : 15/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=1qysGlOCqE0[/youtube]
par Corvis.