Auteur : Stéphane Przybylski
Editeur : Le Belial’
Genre : Uchronie
Résumé :
Juin 1939. Heinrich Himmler diligente une mission archéologique en Irak dans le but officieux de s’allier les populations locales afin de saper l’influence britannique et préparer l’avènement d’un nouvel ordre mondial. Au sein de cette expédition qu’il dirige en sous-main, l’officier SS Friedrich Saxhäuser. Héros de la Grande Guerre, agent naviguant dans les eaux troubles des divers services de renseignement du Reich, ce soldat hors normes a lié son destin à celui d’Adolf Hitler depuis le putsch manqué de Munich en 1923. Or, dans la vallée d’un affluent du Tigre, Saxhäuser met bientôt au jour l’impensable, une découverte si vertigineuse qu’elle pourrait bien changer la donne dans le conflit qui s’annonce. Mais encore faut-il pouvoir acheminer pareille trouvaille jusqu’en Allemagne. Et d’ailleurs, Saxhäuser le veut-il vraiment ?
Avis :
La naissance du nazisme et la montée en puissance d’Hitler à la tête de l’Allemagne font partie d’une page historique qui ne cesse d’inspirer les écrivains. S’il existe d’innombrables ouvrages sur le sujet, les romanciers ne sont pas en reste en exploitant tous les genres. Drame, guerre, policier et, parfois, science-fiction. Pour ce dernier point, le choix de l’uchronie est majoritairement privilégié. Ces influences multiples se retrouvent dans Le château des millions d’années. Premier tome de la tétralogie des origines, le présent livre se veut un habile mélange d’aventures, d’ésotérisme, d’histoire, d’espionnage et de science-fiction.
Contrairement à ce que l’on peut croire, il ne s’agit en rien d’une uchronie qui anticipe le visage du monde après une victoire de l’axe sur les alliés. D’ailleurs, l’intrigue se déroule peu de temps avant le début de la Seconde Guerre mondiale. L’élément purement (science-)fictionnel réside dans la découverte d’artefacts provenant d’une civilisation extraterrestre. Au cœur de l’expédition entreprise au Moyen-Orient, ceux-ci s’avancent comme source d’émerveillement et de conflits. Pour autant, cet aspect reste volontairement évasif au cours de l’histoire. Le lecteur obtient le minimum d’informations pour susciter sa curiosité et étayer quelques hypothèses sur la finalité des événements.
En évoquant l’intérêt des nazis pour les civilisations anciennes, l’archéologie et l’ésotérisme, l’auteur explore une facette de l’histoire trop souvent méconnue ou tournée en dérision. Ici, il n’est pas question d’exposer l’idéologie et les croyances extrémistes du parti nazi avec une approche dédaigneuse, mais de les replacer dans leur contexte avec un développement rigoureux et réfléchi. Le fait de suivre le parcours d’Allemands et non de Britanniques ou de Français tend également à mieux saisir les enjeux en offrant un point de vue différent et original sur cette période. Par extension, on se rend compte que Stéphane Przybylski aborde de manière globale et circonspecte l’histoire du monde à travers des mythes et légendes.
Centrer l’intrigue en Irak permet de développer avec plus de facilité l’ambiance aventureuse du roman. Il est vrai que l’on retrouve cette sensation que l’on a éprouvée avec Les aventuriers de l’arche perdue, toute diabolisation des personnages principaux écartée. Étant donné que le récit se déroule sur cinq livres, la somme des protagonistes s’avère pour le moins conséquente. Aussi, l’exposition et la caractérisation de chacun d’entre eux se révèlent délicates. L’intrigue a parfois tendance à faire du surplace pour mieux s’attarder sur leurs motivations ou leur passé. Une manière de parvenir à comprendre leur choix et l’importance qu’ils accordent au parti, comme l’adhésion par opportunisme ou les croyances en certaines valeurs dogmatiques.
Pour ce faire, les flash-back sont récurrents, pour ne pas dire permanents. Souvenirs, reconstitutions de célèbres pages historiques, rencontres… S’ils s’avèrent nécessaires, leur fréquence tend à casser le rythme général pour des raisons pratiques évidentes. La chronologie des faits oblige régulièrement à recentrer les événements et leur ordre d’arrivée. On peut très bien passer de 1939 à 1933, puis en 1923 avant de revenir en 1939, mais pour expliquer des éléments occultés dans la progression principale. Une constante qui minimise l’impact et la force du récit. À ce titre, les dates et les lieux précisés avant les retours en arrière sont indispensables à la bonne compréhension de l’ensemble.
Au final, Le château des millions d’années est un premier tome prometteur. De par la densité des informations historiques, Stéphane Przybylski offre à une œuvre de science-fiction un contexte réaliste. Le fait d’alterner les genres et les points de vue aide sûrement à crédibiliser le tout. Toujours est-il que l’intrigue se veut entraînante, bien que les flash-backs auraient gagné à être moins nombreux pour sa fluidité. Guère linéaire, ce récit pose les bases d’un univers singulier, entre la fiction et la réalité. Au regard des événements et des interrogations laissées en suspens, il est à espérer une suite du même acabit.
Note : 15/20
Par Dante