Avis :
Pochette épurée montrant un paysage brumeux et laissant présager à un disque de black métal à tendance folk, ce serait bien mal connaître Solstafir que de le juger par un art cover sublime et tout en sobriété. Fondé en 1995 en Islande, Solstafir aura fait du chemin avant de parvenir jusqu’à nos oreilles. Il faut dire que les groupes issus de cette sublime île septentrionale sont rares et d’autant plus ceux qui officient dans un métal très recherché, à la fois épuré et complexe, doux et rude. A l’image de cette population viking qui se sait accueillante mais aussi dure quand il le faut, Solstafir fait désormais partie des groupes majeurs de métal dont la musique reste tout bonnement inclassifiable. Post-Métal ? Métal avant-gardiste ? Ambiant Dark ? Les sous-genres se multiplient et il faut dire que le groupe ne s’assujettit jamais à quelque chose de prédéfini. Bien souvent tête d’affiche de divers concerts et autres festivals, le groupe s’est bâti une solide réputation alors même que sa musique est loin d’être violente. Comment cela fait-il ? Tout simplement parce que le groupe n’hésite pas à mélanger les genres, à se faire violent quand il faut envoyer, mais surtout à toucher ses fans dans des structures complexes et harmonieuses, laissant libre cours à un voyage onirique et féerique.
Berdreyminn est le sixième album studio du groupe, trois ans après Otta, et il signe le retour sur scène du quatuor. Mais l’album est-il à la hauteur de nos attentes ? Oui, mille fois oui, puisque Solstafir, en seulement huit pistes, propose un voyage reposant et dense au sein de mélodies somptueuses, grandiloquentes et trouvant un équilibre parfait entre puissance et délicatesse. Le skeud débute avec Silfur-Refur et le moins que l’on puisse dire, c’est que le morceau annonce la couleur. Si l’on pourrait croire au départ à un début de western avec une guitare prégnante, un fond sonore très américain et une légère batterie pour rythmer le tout, le groupe va rapidement prouver qu’il est en grande forme avec des riffs plus puissants et une avancée vers un métal plus rude. Tout se calme lorsque le chanteur entonne ses couplets en islandais, une langue finalement très chantante et qui se calque parfaitement sur les mélodies, puis c’est lors des silences vocaux que la musique se fait plus prégnante, plus puissante et envoûte littéralement l’auditeur. Un envoûtement que l’on retrouvera dans toutes les pièces de l’album, qui sont d’une grande générosité. En effet, la piste la plus courte, Isafold, arrive presque à cinq minutes et toutes les autres dépassent facilement les sept minutes, un phénomène relativement rare pour être signalé. Ainsi donc, avec de telles durées, le groupe se permet des envolées lyriques sublimes et des changements de rythme offrant vraiment une grande diversité, au sein même des morceaux.
On retrouvera cette diversité avec Naros par exemple, qui commence tout doucement, avec une guitare en écho, rappelant presque une intro de Rammstein, notamment lorsque le chanteur commence à chanter calmement. Un calme qui durera près de trois minutes, installant alors un climat apaisant avant de lâcher les guitares par la suite, transformant un titre rock éthéré en un morceau de métal ambiant parfait et d’une justesse effroyable. Et c’est justement ce qui fait le succès du groupe, c’est de trouver une osmose entre des titres aériens, lyriques et de les transformer à petit feu en des morceaux plus durs, plus rugueux, formant ainsi une identité propre aux islandais, entre chaleur et rudesse, poésie et froideur. On peut citer les sublimes ballades que sont Hula ou Dyrafjorur, avec ce qu’il faut de piano et de violons, donnant une touche délicate et naturelle à l’ensemble, offrant des moments hors du temps, beaux et terriblement marquants. Le seul petit reproche que l’on peut faire au groupe, c’est que parfois, certains moments peuvent paraître redondant et qu’à force d’écoute, le voyage peut paraître assez balisé, notamment à cause des morceaux précédents. Néanmoins, les moments restent toujours aussi beaux et forts, à l’image d’Ambatt, mais parfois, il manque une surprise. Surprise qui peut venir d’une instrumentalisation intelligente et inédite à l’image de l’orgue de Blafjall qui se lance dans une intro efficace et accrocheuse.
Au final, Berdreyminn, le dernier album de Solstafir, est une pure réussite et un album d’une efficacité redoutable. Entre douceur et rugosité, moments éthérés et passages plus accrocheurs, le groupe trouve un équilibre parfait et fournit un album qui peut prétendre à figurer parmi les plus beaux de l’année. Bref, si l’Islande est en train de devenir un territoire de plus en plus touristique et sportif, il faudra aussi compter sur ce pays pour les années à venir concernant la musique et le cinéma et Solstafir n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
- Silfur-Refur
- Isafold
- Hula
- Naros
- Hvit Sng
- Dyrafjorur
- Ambatt
- Blafjall
Note : 18/20
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Par AqME