mai 8, 2024

Le Golem et le Djinn – Helene Wecker

Auteur : Helene Wecker

Editeur : Bragelonne

Genre : Fantasy

Résumé :

1899, de la Pologne à New York, Chava, mystérieuse femme d’argile affranchie par la disparition de son créateur, un rabbin qui s’est détourné de sa foi, prend peu à peu conscience du monde.
Après des siècles de réclusion, Ahmad, djinn de feu aux pouvoirs étranges, est libéré de sa prison par accident, dans l’atelier d’un artisan oriental.
Dans les dédales du Manhattan de l’époque, la rencontre de hasard de ces deux êtres d’exception, seuls à se voir tels qu’ils sont vraiment, va inspirer une magnifique histoire d’amour et de liberté sur fond de choc des cultures, au cœur d’un âge de tous les possibles.

Avis :

Chaque culture possède ses propres croyances et traditions qui, bien souvent, traversent les époques sur fond de légendes et de folklore. Issu de l’Islam, le djinn présente une image de mauvais génie, capricieux et manipulateur. Son côté maléfique a largement été répandu par le septième art, notamment avec Wishmaster et Djinns. Le golem, lui, est un être dépourvu de libre arbitre, soumis à un maître. Hormis le parallèle évident avec le monstre de Frankenstein, il faut se pencher sur le film éponyme de Paul Wegener ou celui de Julien Duvivier pour y trouver un traitement relativement fidèle au mythe. Car, si ces deux créatures demeurent présentes dans la culture populaire, peu d’auteurs et de cinéastes tentent de les respecter avec la volonté de se montrer originaux.

Initialement paru chez Robert Laffont sous le titre La femme d’argile et l’homme de feu, Le golem et le djinn concilie contexte historique et développement fantastique. Dès lors, on serait enclin à songer au steampunk. Impression d’autant plus justifiée que Bragelonne adopte le même style de couverture avec dorures argentées sur les tranches. Bref, comme à son habitude, l’éditeur ne lésine pas sur la qualité esthétique, quitte à en payer le prix fort (28 €). Toujours est-il qu’il ne faut pas s’arrêter à un enrobage aguicheur pour se faire une opinion. Et malgré un début poussif, ainsi qu’un résumé peu parlant, le premier roman d’Hélène Wecker se montre étonnant à plus d’un titre.

Là où certains écrivains ont tôt fait de sombrer dans la complaisance pour masquer l’absence réelle d’intrigue, Hélène Wecker dépeint avec patience une période historique à cheval entre deux siècles. Vraisemblablement coincé entre traditions et modernité, on découvre New York dans toute sa diversité. Mégalopole cosmopolite par excellence, elle se révèle un théâtre baroque où le brassage des cultures offre un contraste entre le quotidien des plus démunis et des plus aisés. Mais se cantonner à ce seul clivage ne suffit pas à retranscrire un tel voyage dans le temps. À partir d’un travail long et méticuleux, l’auteure s’attarde sur la vie des immigrés, leurs désillusions, les épreuves qu’ils traversent.

Des différences qui sont constamment mises en avant afin de séparer les quartiers en territoire avec leur code de conduite, leurs mœurs et leur culture. On serait enclin à parler de ghetto si l’unique signe distinctif entre Juifs et Arabes n’était pas la couleur et l’exotisme de leur commerce ou de leur lieu de rencontre. Cette disparité se retrouve également dans la relation qu’entretiennent le golem et le djinn. Malgré une origine moyen-orientale commune, les divergences d’opinions tiennent autant à leur religion respective qu’à leur caractère diamétralement opposé. En cela, le récit prévaut surtout pour le cadre et le contexte qu’il propose. L’intrigue, elle, n’occupe qu’une place secondaire.

Elle aurait même tendance à s’effacer au bénéfice des protagonistes. Non pas qu’il faille rechercher une action trépidante ou des retournements de situation à chaque page, mais le rythme contemplatif est clairement de mise. Un choix qui peut rebuter quelques lecteurs s’ils privilégient l’intensité de péripéties et non les personnages. Ici, on s’appuie sur les destins croisés, les liens qui se tissent, s’entremêlent et se séparent. Étrangement, la romance ne supplante rien et joue davantage sur les attentes du lecteur, plutôt que sur une réelle évolution des relations. En somme, on est très éloigné des habituels traitements mielleux ou lénifiants. L’approche est nettement plus subtile et nuancée.

Concernant l’aspect fantastique, il tient surtout à la nature des deux principaux intervenants et non à des événements extérieurs. Certes, il y a bien la magie et les anciens écrits pour offrir une touche de merveille dans les rues malfamées de la Grosse Pomme. Pour autant, le traitement progresse avec une certaine réserve. La partie mythologique étant proche de l’idée qu’on s’en fait dans la réalité et non dans une altération propre à certains sous-genres. L’équilibre étant très délicat pour implanter des éléments paranormaux, les faire admettre par une minorité d’individus, tandis que la majorité les ignore ou les dédaigne.

Est-ce dû à la plume raffinée de son auteure ? Ses personnages marquants et ô combien crédibles ? Toujours est-il que l’absence d’une ligne directrice claire et établie n’empêche nullement de trouver en ce livre, un récit sensible, très intelligent dans l’évolution de ses protagonistes et dans la finesse de ses dialogues. De par son sujet et ses influences culturelles, Le golem et le djinn s’apparente à un conte des Mille et une nuits décalé. Si l’on peut regretter quelques atermoiements et une trame relativement simpliste, le roman d’Hélène Wecker se distingue par sa propension à mettre en exergue les différences de tout un chacun qui, au lieu de séparer et diviser, rapprochent, sans naïveté aucune.

Note : 15/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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