Titre Original : The Hallow
De : Corin Hardy
Avec Joseph Mawle, Bojana Novakovic, Michael McElhatton, Michael Smiley
Année: 2016
Pays: Angleterre, Irlande
Genre: Horreur
Résumé:
Envoyé en Irlande par son entreprise afin d’élaborer un nouveau projet de recherche, Adam Hitchens s’installe, avec sa femme et leur bébé, en plein cœur d’une forêt mystérieusement épargnée par le déboisement industriel. Mis en garde par les habitants du village voisin contre une terrifiante menace qui pèse sur leur fils, le couple fait d’abord preuve de scepticisme, avant de réaliser qu’ils seront seuls à lutter contre les gardiens de ce « sanctuaire »…
Avis:
Il est des films qui ne sortent de nulle part. Des films dont on n’entend quasiment pas parler, et pourtant, il recèle ce petit quelque chose qui leur permettrait d’atteindre un certain public. Bien souvent, ces films bénéficient d’une distribution catastrophique et ils ne peuvent être vus que par quelques chanceux dont les salles de cinéma proche de chez eux ont tenté le coup. Le Sanctuaire (The Hallow en VO) est sorti au mois de Mars 2016 et malgré une jolie réputation, il n’a pas eu le succès escompté, pire, il est quasiment passé inaperçu, même chez les fanas d’horreur. Premier film de Corin Hardy, filmé dans la forêt froide irlandaise, ce film a tous les atouts pour devenir un futur classique.
Et notamment grâce à la maîtrise impertinente du jeune réalisateur. Ayant un goût prononcé pour les films d’horreur des années 70/80, il décide avec Le Sanctuaire de faire un film « hommage » s’inspirant du folklore irlandais et puisant en sus des références à Evil Dead et consorts pour fournir à son film une aura toute particulière. Il faut dire que dès le début de son histoire, le réalisateur met un point d’honneur à installer une angoisse quasi permanente. Un homme déambule dans les bois avec un bébé sur le dos et découvre un cadavre de cerf à cause d’une matière noire étrange. Pendant ce temps, sa femme se fait plus ou moins agresser par un voisin récalcitrant qui ne veut pas que son mari se balade dans les bois. A partir de ce début assez étrange, Corin Hardy va mettre en place une montée crescendo d’éléments perturbateurs et de personnalités fortes au sein de l’Irlande profonde.
Bien loin des clichés de rednecks que l’on retrouve dans le cinéma ricain, Le Sanctuaire s’appuie sur des êtres apeurés et respectant profondément la nature pour une bonne raison. Sans en faire des caisses, le film montre que les contes et légendes ne sont pas à prendre à la légère et que bien souvent, les néophytes le comprennent dans la douleur. Une douleur qui commence insidieusement, avec des ombres, des mouvements dans la nature, puis brutalement dans ce qui pourrait s’apparenter à un home invasion inversé. Le film est très énergique et ne va pas laisser une minute de répit à ses protagonistes qui vont devoir lutter contre des créatures hideuses et maléfiques. Quand on les découvre, on ne peut s’empêcher de penser aux films de Guillermo Del Toro dans le design tant on y sent un lien de parenté. Le film va alors ensuite changer de ton, prenant le chemin du survival et montrant un homme qui se transforme petit à petit à la manière de La Mouche d’un certain David Cronenberg. A ce moment-là, le film change de cadre, sort de la maison et offre une course dans les bois, entouré de bestioles étranges et de cris gutturaux.
Cette deuxième partie sera plus classique dans sa partie angoisse et surtout plus démonstrative. On verra vraiment les différents monstres, réalisés à moitié en animatronics et à moitié en CGI car c’est souvent le cas maintenant. Plus frontal aussi, le film va tout de même poser un élément essentiel de l’intrigue, à savoir la perte d’un enfant et ce que l’on pourrait faire pour ne pas le perdre. En effet, le film s’appuie sur la légende du Changeling pour ajouter une nouvelle angoisse. En fait, un démon qui ressemble au bébé prend la place du vrai bébé. Un message sur l’amour sera alors envoyé, montrant que derrière la monstruosité, il peut y avoir un peu d’espoir. Le film y traite aussi d’écologie. De façon très légère, le métrage peut s’apparenter à un pamphlet contre la destruction des forêts et ces monstres seraient la résultante d’une destruction humaine. Ce message est en filigrane et ne prend pas de place, si ce n’est sur un dernier plan sur des troncs coupés.
Il est vrai cependant que le film possède quelques défauts. Faute d’un budget plus conséquent, certains effets spéciaux, notamment sur la fin, sont un peu désuets, mais donnent finalement un cachet au film. Un film qui se repose beaucoup sur ses références et directement aux films des années 70/80. Du coup, ce qui pourrait être un défaut surgit comme un cli d’œil au passé si cher au réalisateur. La petite chose qui manque vraiment au film c’est des personnages plus appuyés, plus intéressant. Si on connait le métier du père de famille, la femme reste trop en retrait, et apparait finalement sans épaisseur et on ne se prend pas forcément d’affection pour elle, comme pour la famille. Placer un bébé en danger ne suffit pas à augmenter la peur de façon significative et même s’il a une bonne bouille, on se moque un peu de son sort. Le seul moment vraiment inquiétant est lorsque le père porte le bébé et voit que ce n’est pas lui, sur un plan large dans lequel il le tient bras tendu et on craint qu’il ne le fasse tomber.
Au final, Le Sanctuaire est un très bon film d’horreur qui est malheureusement passé à la trappe l’année dernière à cause d’une distribution honteuse qui montre bien la volonté de la culture en France, qui n’est faite que pour faire du fric. Il s’agit-là d’un film à réhabiliter tant il est réussi sur la forme comme sur le fond, proposant un cinéma honnête, nerveux et bourré de références à une époque où la liberté d’expression et d’imagination était encore reine.
Note : 16/20
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Par AqME