Auteur : Jean-Christophe Grangé
Editeur : Albin Michel
Genre : Thriller
Résumé :
Le père est le premier flic de France.
Le fils aîné bosse à la Crime. Le cadet règne sur les marchés financiers.
La petite soeur tapine dans les palaces. Chez les Morvan, la haine fait office de ciment familial. Pourtant, quand l’Homme-Clou, le tueur mythique des années 70, ressurgit des limbes africaines, le clan doit se tenir les coudes.
Sur fond d’intrigues financières, de trafics miniers, de magie yombé et de barbouzeries sinistres, les Morvan vont affronter un assassin hors norme, qui défie les lois du temps et de l’espace. Ils vont surtout faire face à bien pire : leurs propres démons. Les Atrides réglaient leurs comptes dans un bain de sang. Les Morvan enfouissent leurs morts sous les ors de la République.
Avis :
Il aura fallu trois ans pour que Jean-Christophe Grangé revienne sur le devant de la scène littéraire. L’exécrable Kaïken s’avérait un polar de seconde zone qui tendait davantage vers l’autocomplaisance d’un succès commercial plutôt qu’à une réelle réussite dans le genre. Avec un titre toujours aussi sibyllin pour le non-initié, l’écrivain tente de renouer avec ce qui a marqué ses premières œuvres. À savoir, une enquête policière qui s’enfonce dans des méandres inattendus, voire exotiques à certains égards. Lontano se révèle-t-il un retour en grande forme ou son précédent livre a-t-il laissé des traces indélébiles ?
On peut craindre le pire au vu des premiers chapitres et d’une intrigue amorphe qui décolle très tardivement. Comme Kaïken, l’auteur se complaît dans une surexposition de ses personnages sans donner de fil directeur clairement établi. On dissémine de menus éléments pour se concentrer vers des histoires secondaires anecdotiques et pour le moins pénibles. Étant donné l’épaisseur du roman (près de 800 pages), ce n’est guère étonnant, mais compte tenu des excellents thrillers que Grangé nous a fournis par le passé, ça l’est davantage. Dès lors, on navigue en eaux troubles où ennui et agacement sont de connivences.
Encore une fois, on a l’impression que la réputation et le style de l’auteur (qui tend à se simplifier de livre en livre) font le travail au détriment de l’intrigue. Absence de suspense, séquences redondantes et inutiles, échanges platoniques ou peu convaincants… Est-ce vraiment un roman de Grangé ? La crainte est légitime, surtout quand on comprend qu’il préfère s’appesantir sur un hypothétique drame familial plutôt que sur l’enquête. Certes, il existe des liens entre la vie privée des Morvan et les investigations, même s’ils peuvent paraître ténus. Mais l’on se pose constamment des questions telles que « Quel intérêt ? » « Pourquoi casser le rythme avec un passage si long et inintéressant ? »
Inutile de recenser les codes qui régissent le thriller, mais un minimum de rythme, de suspense et d’ambiance sont nécessaires pour que l’alchimie fonctionne, a fortiori sur le long terme. Ici, la progression est laborieuse au possible, alambiquée et pas forcément des plus réalistes en dépit d’une documentation et de techniques assez pointues sur les différents sujets évoqués. Pêle-mêle, on mélange des magouilles financières sur le plan international, la situation géopolitique du Congo, un bizutage qui tourne mal sur une base militaire de Bretagne, une aspirante actrice qui se prostitue, un tueur en série au modus operandi déconcertant.
Maintenant, on ajuste les pièces du puzzle dans le désordre, on force les plus récalcitrantes et on espère que l’image du récit reste vraisemblable et cohérente. Malheureusement, on se retrouve avec une succession de faits qui jouent sur un modeste élément pour justifier la suite des événements. De fait, la construction est décousue, presque brouillonne, au regard d’informations surfaites et inutiles. Aux lecteurs de faire le tri, un peu comme si le livre était un premier jet non épuré de ses longueurs et autres errances à même de plomber toute bonne histoire. Car dans le fond, Lontano n’est pas si mauvais.
Il disposait même d’un excellent potentiel de départ avec l’aspect exotique et les ingrédients chers à l’univers de Grangé. Certaines pistes auraient gagné à prendre davantage d’importances pour faire un roman moins épais, mais plus percutant dans son architecture et ses intentions. Ce constat se devine au fil des pages ou au travers des séquences clefs. Toutefois, on doit fermer les yeux bien trop souvent pour distinguer ses qualités, soit plus de la moitié du livre. On a beau apprécier les thrillers et particulièrement ceux de Grangé, il faut parfois se rendre à l’évidence qu’un ouvrage soit moyen, voire dispensable.
Rien de bien notable au niveau des personnages. Ils demeurent assez fades et détestables, et ce, malgré une surabondance d’informations qui bloquent le rythme pour s’appesantir sur des pans de leur passé. Des intentions correctes, mais en pratique, cela tient davantage du manque d’inspiration pour colmater les lacunes de l’intrigue. On ressasse encore et toujours les mêmes poncifs : les flics bourrus, compétents et, de temps à autre corrompus. Face à une galerie de protagonistes campés à la va-vite (le frère drogué jusqu’aux yeux, la sœur prostituée qui veut devenir actrice après être sortie de son anorexie…).
Au final, Lontano est une amère déception, n’en déplaise aux inconditionnels de Grangé. S’il n’atteint pas la médiocrité de Kaïken, il tend davantage vers le drame familial lambda plutôt qu’un thriller rondement mené. Long et surfait, le 11e roman de Jean-Christophe Grangé est laborieux à plus d’un titre. Progression brinquebalante, caractérisation digne d’un mauvais téléfilm, intrigue brouillonne et décousue… Seuls le réalisme des méthodes d’investigations, ainsi qu’un semblant d’atmosphère (notamment, le Congo) et de trop rares chapitres sympathiques sauvent le livre du naufrage. Pour le reste, l’auteur manque cruellement d’inspiration et se contente de miser sur une recette éculée sans la renouveler, ne serait-ce qu’à minima. De plus, le final à l’emporte-pièce laisse de nombreuses questions en suspens pour une suite qu’on espère moins chaotique.
Note : 10/20
Par Dante