Titre Original : The Trial
De : Orson Welles
Avec Jeanne Moreau, Anthony Perkins, Orson Welles, Romy Schneider
Année : 1962
Pays : Italie, Allemagne, France
Genre : Drame
Résumé :
Joseph est réveillé à l’aube par des policiers présents dans son appartement. Ni une ni deux, il est embarqué et traîné devant un tribunal sans savoir ce qui lui arrive. Ce fonctionnaire pris dans les rouages d’une société tentaculaire et absurde va tout faire pour s’en sortir…
Avis :
S’il y a bien un metteur en scène qui est respecté par tous et fascine des générations de cinéphiles, c’est bien Orson Welles. Prodige de la caméra comme de l’écriture, réalisateur hors normes, comédien charismatique, il s’impose dès son premier film, « Citizen Kane« , qu’on ne présente plus tant l’œuvre est importante dans le monde du cinéma. Personnellement, c’est un réalisateur que je connais plus de réputation, ma connaissance de sa filmographie se limitant à « Citizen Kane » justement, alors il était grand temps que je me jette dedans. Mais c’est un peu par hasard que je suis tombé sur « Le procès« . Car après avoir revu sur grand écran « Psychose » d’un autre immense réalisateur, j’avais envie de voir d’autres films avec Anthony Perkins…
« Le procès » est un film assez difficile d’accès. N’ayant pas lu le livre de Franz Kafka, et au vu du résultat livré par Orson Welles, je ne pourrais qu’en faire une interprétation, ne sachant si elle est bonne ou non. Faut dire que l’histoire est vraiment très spéciale et l’hypnotisme que m’a provoqué le film fut assez incroyable. Ne sachant rien du film, je ne savais pas où je mettais les pieds et la surprise en fut d’autant plus grande et je ne peux même pas parler d’une claque, tant le film m’a fait plonger dans ses méandres, tant il me torture et occupe mes pensées depuis que je l’ai vu. Plus que « Citizen Kane » que j’ai adoré, « Le procès » m’a chamboulé, bouleversé, déboussolé et finalement laissé KO à la fin. C’est une descente incroyable et vertigineuse dans l’anatomie d’un cauchemar que j’ai trouvé sur mon écran et je crois bien qu’il risque de me rester comme l’œuvre la plus folle et forte que je verrais de son réalisateur.
Un matin, Joseph K est réveillé par la police qui vient lui apprendre qu’il est en état d’arrestation. Joseph ne sait ce qu’il se passe, il est innocent et n’a strictement aucune idée de quoi on l’accuse et plus il cherche à savoir et moins il en sait. Convoqué à son procès, Joseph s’apprête à vivre une expérience étrange et irréelle. Perdu dans les couloirs infinis d’un tribunal qui ne ressemble à aucun autre, accusé à tort ou à raison, plus la journée passe et plus Joseph se met à douter et fini par comprendre que l’issue sera forcément aussi étrange que ce procès lui-même.
« Le procès » est un film tout à fait fascinant, mais qui reste assez difficile d’accès. C’est tout à fait le genre de film qu’on adore ou qu’on déteste et si on ne rentre pas dedans dès le début, il risque de perdre beaucoup de monde en cours de visionnage, tant il est ambigu, « labyrinthique », tant il est en dehors de ce qu’on a l’habitude de voir. Et pourtant, il commence comme un film « normal », si on met à part la manière dont il est arrêté.
Les premières minutes m’ont bien fait entrer dans l’intrigue et de suite le film a aiguisé ma curiosité de par son ton presque absurde. L’homme en question est un état d’arrestation, mais reste libre… étrange. Je trouve que ça donne envie d’en savoir plus. Et plus le film avance et plus il sombre dans un enfermement sur lui-même. J’avoue m’être senti perdu plusieurs fois, je ne savais pas trop à quoi me raccrocher. Mais pourtant, alors que ça aurait pu être insupportable, Orson Welles donne toujours de quoi hypnotiser. Cette ambiance complètement en dehors du temps et de la réalité est incroyable à regarder, à suivre et c’est petit à petit que le film m’est apparu comme un cauchemar que pourrait faire le personnage principal. Avec cette interprétation, tout ce qui n’avait aucun sens à l’écran en prend un et le film a vraiment des allures de cauchemar. Des couloirs sans fin, des escaliers interminables, des portes qu’on ne peut ouvrir, des rencontres étranges, des personnages oppressants, une accusation invraisemblable dont on ne sait rien, une sensation d’enfermement, l’échelle des dimensions qui n’est plus respectée, plus le film avance et plus il fascine et cette explication (je ne sais pas si elle est bonne ou non, je me répète) m’a fait pleinement profiter du spectacle qui m’était donné et il était tout simplement incroyable.
L’effet cauchemar est d’autant plus présent à l’écran grâce à la mise en scène démente presque apocalyptique de son réalisateur. Jeux de lumière, photographie, les ombres, les reflets, le noir, Orson Welles installe un malaise à chaque plan. Il perd son personnage dans des décors étouffants ou démesurés et l’on ressent l’inquiétude, l’intrigue, les interrogations, la paranoïa ou encore l’espoir et la perte de repère de son personnage. Le film dégage quelque chose de très fantastique, de sombre et profond, de complètement irréel, tout en étant inscrit dans la réalité. Le réalisateur oscille tout le temps entre ces ressentis et le résultat est aussi intriguant que prenant et il m’a tenu en haleine jusqu’à la dernière minute. Et ce qui est terrible et haletant à la fois, c’est que le mystère reste entier et qu’à aucun moment j’aurais pu être capable de savoir comment ce film allait bien pouvoir se finir. Bref, c’est brillant de bout en bout, et comme le mystère reste entier, ou presque, le film me hante depuis que je l’ai vu et j’avoue que je n’ai qu’une envie, c’est de le revoir, aussi bien pour comprendre que pour revoir ces plans, ces scènes, ces séquences démentielles qu’Orson Welles nous a offerts.
« Le procès » est impeccablement tenu par Anthony Perkins qui se révèle tout aussi brillant que je l’espérais. Juste, je l’ai trouvé aussi drôle, parfois touchant, romantique et bouleversant dans les dernières scènes où il perd pied et se rend compte qu’il n’y aura aucun échappatoire à ce cauchemar. Romy Schneider est tout simplement magnifique à chaque plan, mystérieuse et intrigante. Elle est très solaire dans ce film et c’est une bouffée d’air pur quand elle apparait. On s’y accroche, et c’est à peu près avec Anthony Perkins, le seul personnage auquel on a envie de faire confiance. Le film offre un casting de légende et pour accompagner Perkins et Schneider, on trouve Orson Welles dans un rôle terrifiant. Le réalisateur qui joue un avocat alité m’a mis très mal à l’aise à chaque fois qu’il apparaissait dans l’histoire et j’ai adoré ça. On trouvera une très belle Jeanne Moreau en début de film, qui tient un petit rôle, ce qui est dommage, car l’actrice est excellente et j’aurais aimé la voir plus longtemps. Il y a aussi Akim Tamiroff (magnifiquement filmé, les scènes dans sa chambre sont magiques et angoissantes), Suzanne Flon, Michael Lonsdale et Fernand Ledoux.
« Le procès » est donc une énorme surprise. C’est un film que j’ai trouvé passionnant et je n’en suis sorti indemne. Exceptionnel, fascinant, angoissant, unique, virulent aussi, Welles en profite aussi pour critiquer le système judiciaire (« -Je suppose que c’est des livres de loi et il m’est défendu de connaitre la loi. Il faut que je sois condamné dans l’ignorance … »), puis cette musique prenante, belle, fascinante et quelque peu mélancolique. Bref, ce film est LE chef d’œuvre qui dépasse de très loin la gifle, déjà importante, que m’avait mise « Citizen Kane« . Une chose est sûre, « Le procès » n’a vraiment pas fini de me fasciner et de m’interroger.
Note : 20/20
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Par Cinéted