avril 18, 2024

L’Epreuve

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Titre Original: Tusen Ganger God Natt

De: Erik Poppe

Avec Juliette Binoche, Nikolaj Coster-Waldau, Lauryn Canny, Adrianna Cramer Curtis

Année: 2015

Pays: Norvège, Irlande, Suède

Genre : Drame

Résumé :

Rebecca est une photographe de guerre de renommée internationale. Alors qu’elle est en reportage en Afghanistan pour suivre un groupe de femmes qui préparent un attentat suicide, elle est gravement blessée par l’explosion d’une bombe. De retour chez elle en Irlande, pour se remettre de ce traumatisme, elle doit affronter une autre épreuve. Marcus, son mari et Stéphanie, sa fille ainée de 13 ans, ne supportent plus l’angoisse provoquée par les risques que son métier impose. Rebecca, qui est déchirée entre les souffrances qu’elle fait subir à ses proches et sa passion de photoreporter, doit faire face à un ultimatum : choisir entre son travail et sa famille. Mais peut-on vraiment échapper à sa vocation, aussi dangereuse soit-elle ? Renoncera t-elle à couvrir ces zones de combats, et à sa volonté de dénoncer la tragédie humaine de son époque ?

Avis :

La Norvège a vraiment le vent en poupe ces dernières années. Discrète, elle nous offre portant d’excellents films et surtout d’excellents réalisateurs bourrés de promesses. Ces dernières années, si on s’intéresse un peu à ce que ce pays nous a offert de plus beau, il est impossible de passer à côté d’Espin Sandberg et Joachim Rønning, le duo qui nous a offert l’incroyable « Kon Tiki » ou Bent Hamer le réalisateur de « Factotum« . Je pense aussi à André Øvredal qui en 2010 a réalisé « Troll Hunter » un found-footage quelque part entre « Projet Blair Witch » et « Cloverfield« . Morten Tyldum qui cette année nous a étonnés avec « The Imitation Game« . Il y a aussi Roar Uthaug dont la bande-annonce de son « Bolgen » est on ne peut plus alléchante et enfin pour conclure cette présentation des nouveaux talents norvégiens, je ne peux pas passer à côté d’Erik Poppe, qui nous présente son nouveau film « L’épreuve« .

Cela faisait six ans que l’on n’avait pas entendu parler du réalisateur Erik Poppe. L’homme avait sorti en 2009 « En eaux troubles« , un drame fort sur la réinsertion et le passé qui nous rattrape. Le film tenu par Pål Sverre Valheim Hagen est resté dans l’anonymat, ce qui est bien dommage, car Poppe avait réussi un beau drame, qui personnellement m’avait chamboulé. Depuis, rideaux, plus rien, jusqu’à ce début d’année, où la bande-annonce de « L’épreuve » (à l’époque appelé « 1000 fois bonne nuit« ) attise ma curiosité. Emmené par Juliette Binoche et Nikolaj Coster-Waldau (Jamie Lannister pour les intimes), le nouveau film d’Erik Poppe s’annonçait comme un drame humain et touchant, mettant en lumière un métier essentiel, mais dont le cinéma a peu traité finalement, le reporter de guerre.

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Rébecca est l’une des photographes de guerre les plus réputées dans sa profession. Passionnée et révoltée à la fois, elle s’implique dans son métier et arrive à photographier l’horreur dans toute son atrocité. Lors d’un reportage en Irak, elle arrive à suivre les dernières heures d’une femme kamikaze. Elle va la suivre jusqu’au plus près de l’attentat, mais n’arrivera pas à fuir l’explosion. Miraculeusement, elle s’en sort avec des blessures plus ou moins graves. Une fois rentrée chez elle, en Irlande, elle retrouve ses deux filles. Mais pour son mari, qui redoutait ce coup de téléphone depuis des années, c’est la goutte d’eau, ce sera lui ou ce métier. Comment alors choisir ? Comment palier entre une passion qui se révèle être nécessaire pour le reste du monde et la peur de perdre ses proches ? Comment reprendre une activité « normale » après toute cette misère ? Après cet attentat qui a failli lui être fatal ?

En seulement trois films, Erik Poppe a su se créer un très beau style ainsi qu’un esthétisme qui n’est pas sans rappeler les films de Terence Malick. Le réalisateur norvégien n’est pas là pour donner dans la facilité. Non, lui, ce qu’il a envie de traiter, c’est des sujets durs et réels et de mettre en lumière des jeunes dont on ne parle pas forcément, que ce soit dans la vraie vie comme au cinéma. Pour son premier film, le réalisateur s’était essayé au film choral, racontant le destin de plusieurs personnages en marge. Le suivant traitait de la seconde chance, un assassin d’enfant essayant de se réinsérer. Pour celui-là, il va traiter de la famille, de la guerre, des conflits, de la misère et de l’égoïsme, ce qui en fait pour l’instant son film le plus ambitieux. « L’épreuve » porte vraiment bien son nom, puisque c’est bien devant une grosse épreuve que le personnage de Juliette Binoche va se trouver et c’est avec beaucoup de justesse que le réalisateur va traiter l’intrigue et les rapports entre ses personnages.

Le scénario est impeccable, très touchant, le réalisateur ouvre son film avec ce qui sera peut-être l’un des scènes les plus tendues de ce début d’année. D’entrée de jeu, on devine que « L’épreuve » n’en sera pas qu’une pour cette famille. Nous aussi, on va être mis à rude épreuve parfois, aussi bien visuellement, surtout vers la fin, qui personnellement m’a révoltée, qu’émotionnellement parlant. Le film vise juste, dans les relations familiales, dans la peur de ce métier, dans les silences et les regards que les deux personnages principaux se lancent et qui vont en dire bien plus que n’importe lequel des discours. Ce que j’ai particulièrement aimé dans ce film, et qui m’a d’autant plus touché, c’est la douleur et la révolte qui habitent chacun des personnages (Binoche envers la misère du monde, son mari envers son métier, sa fille envers les risques que prend sa mère). Erik Poppe sait très bien comment traiter ceci, et il va le faire avec la plus douce et douloureuse des manières. Quelques-uns pourront reprocher au film d’être quelque peu tire larmes, mais pour ma part, j’ai trouvé le film plus bouleversant dans les émotions que par son histoire, qui, quant à elle, m’a tout simplement révoltée à la fin.

Puis comme si cela ne suffisait pas, le film d’Erik Poppe est aussi une excellente réussite du point de vue visuel. Alors qu’il aurait très bien pu nous toucher avec un film simple et efficace, le réalisateur a préféré créer un esthétisme poussé, qui magnifie beaucoup de plans. Son film, comme le précédent, a quelque chose de très Malickien, proche de la nature, il donne une âme à ses images et son récit et nous transporte dans son univers. Mélangeant scène dramatique, beaucoup de dialogues sur la remise en question, sur la colère, ou encore l’amour, le réalisateur arrive en quelques scènes à faire basculer son film dans l’action, avec une caméra nerveuse, qui prend sur le vif et installe une tension fascinante et malsaine en même temps.

Ce qui est très bizarre et que je ne comprendrais jamais, c’est que Juliette Binoche, que je trouve ô combien talentueuse, soit si mal accueillie chez nous, alors qu’à l’étranger, elle est considérée comme l’une des meilleures actrices de France et bien des réalisateurs se l’arrachent. Binoche, c’est une actrice multifonctions, capable de passer de la comédienne perdue de « Sils Maria« , à la scientifique partie bien trop tôt de « Godzilla« . Si on regarde son parcours, elle a une carrière fabuleuse, passant d’un grand réalisateur à un autre comme elle change de chaussure. Et malgré sa renommée, elle continue à s’engager avec des réalisateurs moins connus, donc après Gareth Edward l’année dernière, c’est au tour d’Erik Poppe de l’engager et on peut dire que le réalisateur a eu du flair, puisque l’actrice fait preuve d’une sensibilité incroyable, d’un naturel charmant et d’une colère intérieure bluffante. Elle est l’âme de cette « Épreuve« . Le film peut se vanter d’avoir réuni un joli casting convaincant, entre Nikolaj Coster-Waldau (très charmant et touchant) dans le rôle du mari de Juliette, Lauryn Canny, qui joue la fille de Juliette et qui est une petite révélation, ou encore toutes les figurantes musulmanes qui accompagnent la reporter de guerres au début, le film est une belle réussite aussi de ce côté-là.

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J’étais donc très impatient de découvrir le nouveau film d’Erik Poppe, surtout que j’ai découvert il y a peu « En eaux troubles« . Du coup, il était encore fraîchement ancré dans ma mémoire et je ressors bouleversé par la justesse et l’horreur de cette histoire. Erik Poppe est un nom à surveiller, je pense que d’ici quelques années, on devrait en entendre parler. « L’épreuve » est donc une très belle réussite, qui risque de passer complètement inaperçue, puisque pour l’instant le film se paye le luxe de n’avoir que trois salles sur tout le territoire.

Note: 18/20

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Par Cinéted

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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