
De : Thierry Klifa
Avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Marina Foïs, Raphaël Personnaz
Année : 2025
Pays : France, Belgique
Genre : Drame, Comédie
Résumé :
La femme la plus riche du monde : sa beauté, son intelligence, son pouvoir. Un écrivain photographe : son ambition, son insolence, sa folie. Le coup de foudre qui les emporte. Une héritière méfiante qui se bat pour être aimée. Un majordome aux aguets qui en sait plus qu’il ne dit. Des secrets de famille. Des donations astronomiques. Une guerre où tous les coups sont permis.
Avis :
Ancien journaliste de chez Studio, cela fait une vingtaine d’années maintenant que Thierry Klifa s’est imposé dans le paysage du cinéma français. Pour son septième long-métrage, il s’inspire de l’affaire Bettencourt. Dès les premiers bruits de l’affaire, le réalisateur s’est dit attiré par ce scandale : il avait quelque chose d’à part. Évidemment, le projet ne s’est pas fait comme ça — il a fallu maturer l’idée et surtout s’éloigner de l’affaire en question, dans le temps. Mais surtout, le réalisateur n’avait pas envie de faire un film qui serait un simple fait divers filmé. Non, il voulait autre chose. Il voulait s’infiltrer en profondeur dans cette famille et peindre ses personnages au plus proche.

Un peu plus d’un an après « Les Rois de la piste« , injustement démonté, Thierry Klifa est de retour avec ce qui s’impose comme son film le plus ambitieux. « La femme la plus riche du monde » est un film qui adapte librement l’affaire Liliane Bettencourt, pour creuser en profondeur l’envie, la solitude et la déconnexion de certaines élites.
« le film qui se pose comme le meilleur de son réalisateur »
Comédie dramatique, « La femme la plus riche du monde« , en plus de s’imposer comme un sacré coup de cœur, est aussi le film qui se pose comme le meilleur de son réalisateur. Aussi passionnant qu’hilarant, tenu par un casting de très haute volée, Thierry Klifa réussit tout ce qu’il entreprend, au point que les deux heures passées en compagnie de ces personnages, de leurs luttes, de leurs mensonges et autres trahisons et manipulations, paraissent presque trop courtes.
Marianne Farrere n’est pas une femme. Non, c’est un empire à elle toute seule. À la tête d’une entreprise de cosmétiques, elle est littéralement la femme la plus riche du monde. L’entreprise est tenue en famille. Au début des années 90, sa fille Frédérique, qui prévoit ses journées et gère son emploi du temps, lui organise un shooting avec un photographe grande gueule, Pierre-Alain Fantin. L’homme est provocateur, vulgaire et sans filtre, et cette façon d’être plaît énormément à Marianne, qui se rapproche de lui. Pendant des années, leur duo va agacer au sein de la famille, car Pierre-Alain est de ceux qu’on appelle des pique-assiettes…
Irrévérencieux. C’est le premier mot qui me vient à la sortie du nouveau film de Thierry Klifa. En s’attaquant à l’affaire Bettencourt, le réalisateur français livre son film le plus surprenant. « La femme la plus riche du monde » est un film libre. Un film qui n’a pas envie d’être poli. Alors même que l’intrigue nous réserve ce qu’on est venu chercher — c’est-à-dire une critique flamboyante de la bourgeoisie, avec ce qu’il faut de déconnexion, de folie des grandeurs, d’argent, de trahisons, de sentiments, d’histoires de famille et de manipulations — Thierry Klifa nous entraîne ailleurs. Et ça, il le fait grâce à la peinture acerbe qu’il fait de ses personnages.
« Isabelle Huppert est magnétique »
Ces personnages, ce sont la force du film. Ce sont des figures qui ne plairont pas à tout le monde. Klifa voulait les montrer comme ils sont : agaçants, arrogants, parfois vulgaires et dérangeants, mais aussi touchants. Ces portraits sont tout en nuances. On les adore autant qu’on peut les haïr. Ils sont, tour à tour, drôles, fous, émouvants, cyniques, caricaturaux… Bref, c’est incroyable. Et le mieux dans cette histoire, c’est que ces personnages sont tenus par des acteurs bluffants. Pour certains, on ne les a jamais vus comme ça.
Certes, la phrase est facile et convenue, mais elle n’en est pas moins vraie : Isabelle Huppert est magnétique. Marina Foïs est touchante dans la peau de cette fille transparente aux yeux de sa mère. Mais la vraie surprise du film, c’est un Laurent Lafitte fou. Un Laurent Lafitte incroyable dans un rôle complexe, celui de Pierre-Alain Fantin : faux dandy, vulgaire au possible, manipulateur sans s’en cacher. Le personnage est fascinant à suivre. Jusqu’où peut-il aller ? Quand en aura-t-il assez ? Apparemment, jamais ! Le César pour Lafitte n’est pas loin. Tout comme pour Raphaël Personnaz, excellentissime en majordome trop impliqué, trop touché.
« La femme la plus riche du monde » excelle aussi dans l’écriture de ses répliques, et même de certaines scènes. Punchlines et répliques plus sensibles s’affrontent avec dynamisme et cynisme. Le spectacle dure deux heures, et ce n’est pas suffisant : on aurait voulu rester encore un peu au cœur de ces guerres de famille, de ces luttes de pouvoir et de ces escroqueries ubuesques. Et puis, derrière tout ça, le rapport à l’argent que le film explore est passionnant. Comment peut-on arriver à un tel degré de déconnexion par rapport au réel ? C’est fascinant ! Et ça pose presque une question : dans cette histoire, qui est vraiment le plus « intelligent » ?

Bref, à bien des égards — ses personnages, son écriture, ses idées de mise en scène — cette « Femme la plus riche du monde » est un film incroyable d’un bout à l’autre. Mieux encore, au milieu des films de Thierry Klifa, il s’impose comme son meilleur. Décidément, cette année 2025 pour le cinéma français s’annonce comme une très belle année, et ce Klifa peut prétendre à être l’une des meilleures sorties en salles. À voir absolument.
Note : 18/20
Par Cinéted
