D’Après une Idée de : Scott Neustadter et Michael H. Weber
Avec Riley Keough, Sam Claflin, Camila Morrone, Suki Waterhouse
Pays : Etats-Unis
Nombre d’Episodes : 10
Genre : Drame, Musique
Résumé :
Les aventures d’un groupe de rock féminin dans les années 70, de ses balbutiements sur la scène musicale de Los Angeles jusqu’au succès incroyable qui en fera l’un des groupes les plus légendaires dans le monde…
Avis :
Sorti en 2019, le roman Daisy Jones and the Six de Taylor Jenkins Reid va rapidement être un carton, jusqu’à devenir un best-seller. Racontant l’histoire fictive d’un groupe de rock dans les années 70 à travers les interviews des différents membres, le roman va s’écouler à plusieurs millions d’exemplaires. Il n’en fallait pas plus pour Prime Video, qui va alors racheter les droits afin d’en faire une série en dix épisodes. Véritable succès aux Etats-Unis, co-produit par Reese Witherspoon, la particularité de ce show est qu’il joue constamment avec la réalité. En effet, c’est tellement bien fichu que l’on peut penser que le groupe a réellement existé, jouant alors avec l’histoire, d’autres bandes ou encore la naissance de différents courants musicaux. Et c’est sans doute ça qui fait tout le sel de cette série, en plus d’avoir un casting osmotique, où chacun est bien à sa place.
Au niveau du scénario, la série est montée comme le livre. C’est-à-dire que nous sommes dans les années 90, et une personne réalise un documentaire sur le groupe Daisy Jones and the Six qui a connu un succès fulgurant dans les années 70, et une chute qui l’est tout autant. Dès lors, la série va raconter la naissance du groupe des Dunne Brothers, qui deviendra par la suite The Six, puis la rencontre avec Daisy Jones, une chanteuse au caractère bien trempé, via l’intervention de Teddy Price, producteur au nez fin. On assistera alors à l’écriture des chansons, à la première tournée, au succès, puis à la fin brutale de la formation. Un schéma narratif assez classique, mais qui va permettre de brasser de nombreux thèmes, et de présenter deux personnages forts qui phagocytent un peu tout le monde autour d’eux.
Bien évidemment, le premier thème qui prend le plus de place tourne autour de la création et du processus créatif. Cela commence dans un garage, avec une bande de potes qui veut faire du rock, ou autour d’une fille non désirée qui vit pour la musique, au grand dam de ses parents. Petit à petit, les portraits se dessinent, les choix et les rencontres se font et permettent alors de grandir. Mais en grandissant, les tentations sont grandes, et les erreurs le sont tout autant. Au fil des épisodes, l’écriture s’affine autour des deux leaders du groupe, Daisy Jones et Billy Dunne, et on va avoir droit à des sessions d’écriture et d’enregistrement tendues, mais qui permettent à ces deux écorchés de créer des mélodies imparables. La série est très intéressant sur ce point, car elle résonne comme naturelle et juste.
Mais que serait une série autour d’un homme et d’une femme sans une histoire d’amour. Car Daisy Jones and the Six est aussi une histoire tumultueuse entre une femme qui va devoir apprendre de ses erreurs et de son égoïsme pour accepter certains compromis, et un homme à l’égo démesuré qui a du mal à laisser sa place de leader au sein d’un groupe qu’il a intégré plus ou moins par contrainte. Là aussi, le show nous montre deux personnages forts, explosifs, qui semblent faits l’un pour l’autre, mais dont les égos sont bien trop imposants pour que l’histoire ne se fasse. Il en découle alors d’autres thématiques, comme la jalousie, la place de la femme au sein du couple de Billy et Camila, ou encore tous les problèmes liés à la consommation de drogue et d’alcool. C’est très complet et le scénario n’oublie pas pour autant les tracas des personnages secondaires.
Car oui, il s’agit avant tout d’un groupe, et même si le couple vedette occupe beaucoup d’espace, il y a de la place pour les autres membres, qui ont aussi des soucis. Cela va permettre de glisser en filigrane d’autres thèmes, comme l’histoire d’amour entre le guitariste et la claviériste, qui va se terminer brutalement avec une grossesse non désirée et la place de l’avortement dans les années 70. On aura aussi la jalousie du bassiste, qui a besoin de rayonner et n’arrive pas à se contenter de sa place dans le groupe. Quant au batteur, il est le personnage le plus effacé, mais qui est un peu la voix de la raison, se contentant de cette vie de gloire et de paillettes. Bref, la série est très riche, et elle aurait pu se perdre dans ce tumulte, et pourtant, tout est lisible, fluide, sans accroche.
Ce qui est très fort aussi avec cette série, c’est que malgré l’histoire d’amour et tous les thèmes sociétaux, elle n’en oublie pas l’essence même du pitch initial, la musique. Comme dit plus haut, il y a un vrai flou avec la réalité, puisqu’on verra des groupes comme Yes, The Yarbirds, la bande originale propose du Boston, du Patti Smith ou encore du Toto, et l’ensemble est mélangé avec des titres originaux du groupe fictif. Un groupe qui est composé par les actrices et acteurs, où chacun joue vraiment de son instrument. D’ailleurs, histoire de renforcer cette limite avec la réalité, le vinyle du groupe est vraiment sorti, et cela a été un tel carton aux States que les producteurs pensent à faire une tournée de concerts avec les acteurs de la série. Quand la fiction dépasse la réalité.
Et tout cela ne serait rien sans les comédiens qui sont vraiment excellents. Sam Claflin est vraiment très bon dans la peau de ce rockeur à fleur de peau, qui n’accepte pas que l’on interfère dans sa musique et ses projets. Riley Keough (qui est tout de même la petite-fille d’Elvis Presley) joue terriblement bien cette jeune femme égoïste, souvent insupportable, mais qui veut maîtriser son destin après son enfance malheureuse. Autour d’eux, les autres actrices et acteurs sont très bons, à l’instar de Suki Waterhouse qui joue la claviériste au fort tempérament, ou encore Camila Morrone, qui campe la femme du frontman, et qui va devoir faire face à des situations horribles (tromperie, drogue, alcool, élever sa fille seule). Même Timothy Olyphant est intéressant dans son rôle de tour manager un peu déluré. Bref, tout le monde joue bien et cela contribue à créer de l’empathie.
Une empathie pas toujours égale envers les personnages que l’on suit, et en fonction de ses sensibilités. Daisy Jones est une grosse égoïste qui se rend compte tardivement de son caractère irascible. De ce fait, on s’accrochera à elle que plus tard, au fil des épisodes. Alors qu’au contraire, on aura beaucoup d’affect pour le groupe de garçons qui, au début, crée une belle osmose et une envie de percer, quitte à stalker un peu le producteur phare de cette époque. Mais on aura surtout beaucoup d’amour pour Camila, la femme de Billy, mère courage, qui force le destin en faisant collaborer son mari avec Daisy, jouant avec le feu, et faisant sans arrêt des concessions pour le succès du groupe. La fin n’en sera que plus touchante, avec un dernier quart d’heure presque bouleversant et inattendu, d’une rare beauté.
Au final, Daisy Jones and the Six est une mini-série qui vaut vraiment le coup, surtout si l’on est amoureux du rock des années 70. Joli regard sur la musique de cette époque (et l’émergence du Disco et du Punk), le show va aussi s’étoffer avec des thèmes forts et importants, comme la place de la femme dans la société, le processus créatif ou encore l’amour au sein d’un groupe. N’en faisant jamais trop, floutant toujours plus les lignes de la fiction avec la réalité, on peut aisément dire que Daisy Jones and the Six est la série coup de cœur de cette année.
Note : 17/20
Par AqME