avril 20, 2024

Nanny

De : Nikyatu Jusu

Avec Anna Diop, Michelle Monaghan, Sinqua Walls, Morgan Spector

Année : 2022

Pays : Etats-Unis

Genre : Horreur

Résumé :

Aisha, une nounou sans papiers, s’occupe d’un enfant privilégié dans l’Upper East Side de New York. Alors qu’elle se prépare à l’arrivée du fils qu’elle a laissé derrière elle en Afrique de l’ouest, une présence surnaturelle envahit son quotidien, menaçant le rêve américain qu’elle a laborieusement construit.

Avis :

Depuis l’avènement de Jordan Peele et de son Get Out, on trouve de plus en plus de films d’horreur qui prennent pour point d’appui le racisme, et notamment la condition des gens d’origine africaine dans d’autres pays. En ce sens, on ne peut que saluer His House, qui place son contexte dans une Angleterre qui ne vaut pas mieux que les Etats-Unis pour accueillir des réfugiés. Si parfois on peut frôler la caricature et craindre le film de trop, force est de constater que de nombreux réalisateurs ont des choses à dire dans ce domaine, comme en atteste le très bon Antebellum. Aujourd’hui, c’est une réalisatrice qui s’enfonce dans la brèche et qui va profiter de Prime Video pour que son film soit visible par tous, Nanny.

Le point de départ nous place au plus près d’Aisha, une sénégalaise en situation irrégulière à New York, et qui va trouver un boulot de nounou pour un couple très occupé. A son arrivée, tout se passe pour le mieux. La mère de famille est sympathique, la petite Rose est très gentille, et à l’arrivée du mari, on sent que lui aussi est un bon gars. Aisha a un but dans la vie, faire venir son fils Lamine à New York. Pour cela, elle doit envoyer de l’argent à sa cousine, à Dakar. Mais les payes tardent à arriver, alors que les horaires sont de plus en plus exigeants. Aisha se sent alors prise au piège, et une force invisible va lui rendre la vie encore plus compliquée.

« On y voit alors toute l’hypocrisie de ces couples blancs privilégiés. »

Comme on peut s’en douter, le film va allier deux aspects, un fantastique, avec ce qu’il faut de folklore sénégalais, et un plus dramatique, avec sa condition de femme noire. C’est ce dernier qui va prendre beaucoup de place au départ, et qui va faire grandir, de façon insidieuse, le second aspect. Aisha va se faire exploiter. On va voir qu’elle va avoir du mal à avoir une vie à côté, qu’elle galère pour joindre son fiston, tout cela à cause d’un boulot qui lui prend beaucoup de temps, la mère de famille étant tout le temps au boulot pour avoir une promotion. Cette situation met Aisha mal à l’aise, mais elle se rend surtout compte qu’elle est exploitée, presque considérée comme une esclave. Elle va essayer d’en parler avec le mari, plus gentil, mais il va y avoir comme un duel entre elle et la mère.

Un duel qui se cristallise autour de Rose, la petite fille préférant largement sa nounou à sa mère, absente, névrosée et antipathique. Ce qui est assez intéressant dans ce climat social, c’est la différence de points de vue qu’aborde la réalisatrice. En effet, si Aisha se sent dénigrée, pour la mère de famille, il y a un combat perpétuel à mener dans son travail pour avoir de la reconnaissance et une promotion. Une reconnaissance qu’elle n’a même pas pour sa nounou, mettant alors un nivellement social entre elles. On y voit alors toute l’hypocrisie de ces couples blancs privilégiés. Et cela se remarque encore plus lors d’une discussion entre nourrices, dans un parc, se plaignant alors des familles blanches qui les embauchent, et qui n’ont aucune éducation pour leurs enfants. Ce contexte social est très anxiogène, et il s’allie à une perte de repères pour l’héroïne.

« Il y a aussi un parti pris graphique très fort avec des effets visuels intéressants pour montrer les cauchemars et les angoisses. »

Car oui, Aisha n’a plus le temps de se déplacer, de voir ses amies, ou même d’avoir une relation amoureuse. Cela se détend un peu lorsqu’elle rencontre un homme drôle, prévenant et intelligent. Elle va alors faire connaissance de la mère de cet homme et apprendre deux légendes africaines, autour d’une sirène et d’une araignée. C’est là que le fantastique va poindre le bout de son nez, offrant deux symboliques qui tournent autour de l’eau et de l’émancipation. Car si la sirène représente la perte d’un être cher et une sorte de vide émotionnel, l’araignée sera là pour user de fourberie afin d’arriver à ses fins. On aura les deux psychologies d’Aisha, qui va alors se révolter contre ses « patrons », mais qui va aussi se faire hanter pour une raison bien précise (pas de spoil). Et ce mélange est assez fort.

Il faut d’ailleurs coupler cela avec une mise en scène inspirée. Nikyatu Jusu va parfois un peu tomber dans la démonstration, mais la réalisatrice prouve qu’elle ne fait pas n’importe quoi. Ses aplats de noir et de violet pour peindre son histoire d’amour marchent à merveille. On pourrait presque retrouver cela dans Moonlight. Il y a aussi un parti pris graphique très fort avec des effets visuels intéressants pour montrer les cauchemars et les angoisses d’Aisha. On pense à cette chambre qui se remplit d’eau, ou encore à la rencontre avec la sirène, mettant en avant une sublime créature. Bref, il y a une vraie recherche visuelle, qui fonctionne assez bien avec l’aspect lancinant de l’histoire. Car Nanny est un film contemplatif, qui prend son temps pour mieux poser son contexte. Mais sa durée est bonne, un peu plus de d’une heure et demi, pour en pas ennuyer.

Au final, Nanny est un film d’horreur qui pourrait presque se voir comme un sous Get Out. En même temps, il est difficile d’arriver au niveau de Jordan Peele, mais la jeune réalisatrice démontre un certain talent et une belle envie. Si son film est imparfait et qu’il use parfois un peu trop des métaphores pour parler du deuil et de la condition des femmes noires aux States, il n’en demeure pas moins que le film est intelligent dans ce qu’il raconte, intéressant dans ses faits et visuellement malin, sortant du carcan uniforme de chez Blumhouse. Bref, un film qui a ses défauts, mais qui a aussi des qualités indéniables, dont il serait dommage de passer à côté.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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