avril 20, 2024

Egō – L’Oeuf du Mal

Titre Original : Pahanhautoja

De : Hanna Bergholm

Avec Siiri Solalinna, Sophia Heikkilä, Jani Volanen, Reino Nordin

Année : 2022

Pays : Suède, Finlande

Genre : Horreur

Résumé :

Tinja a 12 ans. Sa mère la pousse à faire de la gymnastique, exerçant sur elle un perfectionnisme malsain. Une nuit, la petite fille va faire la découverte d’un œuf bien étrange, qu’elle va cacher, puis couver. Jusqu’à l’éclosion d’une inquiétante créature…

Avis :

Venu de Finlande, Hanna Bergholm est une cinéaste dont « Egō » est le premier long-métrage. Diplômée en 2009 de l’université d’art et du design avec une maîtrise en cinéma, Hanna Bergholm va très vite commencer à réaliser des courts-métrages et ces derniers vont connaître de belles carrières à l’international. En parallèle de ça, elle est aussi engagée pour réaliser plusieurs épisodes de la série « Reetta ja Ronja« , série qui est encore inédite chez nous. Son dernier court en date fut présenté en 2018 et c’est celui avec lequel Hanna Bergholm arrivera à le plus convaincre, et ainsi, il lui permettra qu’une maison de production lui laisse les fonds pour faire ce premier film.

Reparti avec le prix suprême du festival horrifique de Gérardmer, « Egō » est un film qui débarque directement en DVD et Blu-ray et c’est bien dommage, car ce premier film pour la finlandaise est une bien belle surprise. Conte horrifique saupoudré de drame fantastique, « Egō » est un film qui envoûte autant qu’il arrive à surprendre, avec son intrigue qui s’ancre dans le quotidien, tout en faisant une sacrée belle proposition de cinéma. On en ressort alors intrigué, troublé, et en même temps enchanté, et finalement, encore une fois, le seul vrai regret qui pointe le bout de son nez, c’est que le film d’Hanna Bergholm fut privé de salles obscures, car on ne peut qu’imaginer l’impact encore plus puissant que « Egō » aurait pu avoir.

Tinja a douze ans et elle vit au sein d’une famille qui est absolument parfaite en tout point. D’ailleurs, leur vie est si belle que la mère de Tinja en a fait un blog qui est suivi. À travers ce blog, sa mère y parle de sa fille et de ses compétitions, car Tinja est une jeune gymnaste assez douée, que sa mère pousse toujours plus loin et soutien en permanence. Un jour, dans cette vie sans ombre, Tinja trouve en forêt un œuf qu’elle ramène chez elle. La jeune fille va alors couver cet œuf et à sa plus grande surprise, ce dernier va se mettre à grossir jusqu’à ce qu’en sorte une étrange créature…

On aurait presque tendance à l’oublier entre le cinéma et les plateformes, mais tous les mois arrivent dans les rayons des centres culturels des dizaines de direct to DVD. Comme toujours, il faut faire le tri, tant on y trouve autant de bons que de mauvais. Puis parmi toutes les sorties, il y en a qui attire plus que d’autres et le premier film de Hanna Bergholm fait clairement partie de ceux-là. Bien sûr, il y a ce grand-prix de Gérardmer, mais il y a aussi cette intrigue étrange et peut-être bien barrée que le film avait l’air de détenir et après la séance, clairement, on peut poser « Egō » comme l’une des belles surprises de ce début d’année.

« Egō » mélange beaucoup d’éléments en son sein. C’est un film qui se pose comme une fable ou un conte horrifique, en même temps qu’une satire sociale avec cette idée de vie parfaite, jusqu’à ce qu’on ferme les portes et qu’autre chose se dessine. Puis il y a une sorte de parcours initiatique pour sa jeune héroïne qui à travers ce qu’elle couve, transverse toutes ses frustrations, son manque d’amour et au-delà de ça, sa découverte du bien et du mal.

Original, Hanna Bergholm nous entraîne donc dans une intrigue qui ne va cesser de surprendre par chacun de ses choix. Et cette idée, on la retrouve dès l’ouverture d’ »Egō » avec cette présentation trop parfaite de cette famille, avec tout ce kitschouille dans la déco de cette maison qui elle-même s’avère trop parfaite. Très vite, la réalisatrice va casser cette image, avec un élément tordu qui pique notre curiosité. Dès lors, « Egō » va osciller entre ces sentiments partagés, et Hanna Bergholm va trouver le parfait chemin pour raconter ce qui va peu à peu devenir un véritable cauchemar.

On appréciera que le film prenne tout le temps dont il a besoin pour présenter aussi bien ses personnages, que la relation étrange et ambiguë qui va naître entre la jeune fille et cette créature, aussi répugnante que là encore très étonnante dans sa forme finale. Au sein de cette histoire, il faut quand même noter que le scénario aura quelques incohérences, et l’une des plus grandes étant l’étrange aveuglement des autres membres de la famille, alors même que la créature est loin d’être silencieuse, personne hormis le personnage de Tinja ne l’entend. Ça aurait pu s’expliquer et l’on aurait pu y voir un film où il faut lire entre ses lignes, mais le final va dans un autre sens, ce qui nous laisse de ce côté-là un peu pantois. Mais bon, ce petit élément au milieu de tout ce que propose « Egō » n’est finalement qu’un petit détail, car le reste est très bon et très accrocheur.

Et en parlant d’accroche, l’autre bon élément du film, c’est la réalisation d’Hanna Bergholm. « Egō » est un film qui oscille très bien entre plusieurs genres avec lesquels il s’amuse. Ainsi, au fur et à mesure que la cinéaste construit son film, « Egō » se fait dérangeant, déroutant, poétique, macabre, presque effrayant, intriguant, et surtout, on se laisse entraîner jusqu’à la dernière minute. Dernière minute qui conclut parfaitement cette histoire proposant comme je le disais quelque chose d’osé. On notera aussi l’idée terrible, et un peu farfelue, d’Hanna Bergholm en ce qui concerne sa créature. La réalisatrice nous offre une créature en animatronique, et le résultat est aussi répugnant qu’il est intéressant, car il y a quelque chose qui se dégage de cette créature qu’on a plus l’habitude de voir à l’écran. Il y a de la matière, il y a une texture, il y a quelque chose d’organique qui se dégage et ça donne un cachet supplémentaire au film d’Hanna Bergholm.

« Egō » est aussi un film qui est impeccablement tenu par deux actrices. Si l’on peut lui reprocher un manque de personnages, notamment au sein de la famille, Hanna Bergholm livre deux personnages qui se complètent très bien et qui vont casser cette image de la famille parfaite. Dans un premier temps, il faut mentionner Siiri Solalinna, qui incarne Tinja, cette jeune fille qui se retrouve à couver un œuf et devenir une sorte de mère par substitution. La jeune fille dégage une sacrée présence et assure dans un rôle qui est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Puis derrière elle, il y a Sophia Heikkilä, qui incarne la mère de la gamine et autant dire que le personnage est totalement barré, sacrément malsain et c’est avec ce dernier que la satire sociale se fait le plus important et le plus passionnant.

« Egō« , premier film de Hanna Bergholm, est donc un excellent métrage. Entre le conte fantastique, le drame social et familial et le film d’horreur, la cinéaste ne choisit pas et conjugue tout cela, et en plus de réussir ce qu’elle entreprend (malgré ses défauts), elle nous offre quelque chose d’original, d’intriguant et de piquant qui ne nous lâche pas, du début à sa fin. Tenu par deux actrices impeccables, tenu par des effets spéciaux aussi beaux que malaisants, tenu par une ambiance étrange et diablement intéressante, tenu par une mise en scène qui sait ce qu’elle veut… Bref, il est vraiment dommage que ce film soit sorti directement en DVD, car tout appelle ici la salle de cinéma. Parmi les sorties en direct to DVD d’Avril, « Egō » est assurément la meilleure.

Note : 15/20

Par Cinéted

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