Auteure : Beaudour Allala
Editeur : Les Editions des Tourments
Genre : Drame
Résumé :
Les médias évoquent bien plus souvent la souffrance des agriculteurs ou des éleveurs situés en zone rurale que la souffrance vécue par leurs enfants témoins parfois de l’impensable.
Annaëlle, 16 ans, fille d’éleveur porcin, raconte le quotidien de sa famille via le prisme d’une télévision allumée, pratiquement jour et nuit, par son père dépressif.
Une télévision qui se pose comme une interface entre le réel et l’imaginaire à certaines étapes du livre.
Toutes les images projetées par le téléviseur n’en finissent pas de s’opposer aux espoirs de la famille Gralon. Comme l’espoir du père de pouvoir gagner, un jour, aux jeux télévisés comparé à cette alternative vaine des jeux offerts par la seule mini fête foraine annuelle du village.
La télévision peut ainsi promettre la visite d’une caméra bonheur comme elle peut vous faire la surprise de vous envoyer la caméra du malheur. Ainsi, cet œil électronique voyeuriste et calomnieux, dépêché par des journalistes enquêtant sur la pollution de la rivière du Douron et incriminant l’éleveur déjà au bord de la faillite…
Le reportage sera diffusé à la télé et la réputation d’Azel Gralon sera faite.
La guerre est déclarée et n’épargnera personne !
La vraie guerre, Mashal, le migrant Afghan _ l’ami ou l’arabe controversé au sein de cette famille _ lui, il la connaît bien. Et, cette guerre qu’il a subi en Afghanistan lui semblera finalement bien plus saisissable que celle livrée par Annaëlle…
Combien de familles vivent dans une maison qui, vu d’en haut, pourrait ressembler à la petite maison dans la prairie avec le sentiment qu’il s’y coule des jours heureux ?
Et, lorsque le téléviseur s’éteint définitivement au sein de la famille Gralon, sourde une énigme que personne ne parviendra à déceler…
Avis :
Attention ! Gardez vos nerfs bien accrochés pour ce récit palpitant et sombre ; un récit qui n’est pas à conseiller aux âmes sensibles. Prêts ? C’est parti…
Intense
La maison sur l’herbe amère est un texte court d’une rare intensité. En plus de mettre en scène des personnages saisissants et intrigants, l’histoire plante son décor en plein dans la crise des agriculteurs français, au sein d’une famille qui souffre malheureusement des nouvelles lois dues à l’ouverture des esprits sur l’environnement. Un texte riche, prenant, haletant, à la chute fracassante ! Et encore ! Le mot reste bien faible face à l’ampleur des derniers mots de l’ouvrage.
Que ceux qui ont lu le texte et senti venir la fin se désignent ! Personne ? Mieux encore, que ceux qui se sont rapidement remis de la chute le notent en commentaires ! Personne non plus ? C’est plutôt rassurant en un sens.
De nombreux indices se glissent dans les pages. Pourtant, nos yeux ne les repèrent que lors d’une seconde lecture, quand le verdict est déjà tombé.
La maison sur l’herbe amère fait partie de ces pépites rares qui nous enchaînent déjà dès les premières pages, qui nous séduisent scène après scène, qui nous pétrifient devant l’horreur du décor, et qui nous terrifient lorsque tous les éléments s’imbriquent. Bravo à l’auteur Beaudour Allala pour ce coup de maître inattendu !
Comme quoi, il est possible de marquer les esprits, peu importe la longueur du texte. C’est ce que l’on attend finalement de tous les romans aussi réalistes que celui-ci. Une histoire qui nous prend aux tripes. Une intrigue que l’on ne parvient pas à lâcher avant de l’avoir terminée.
De sacrés personnages
La vie de famille décrite dans le roman ressemble à toutes les autres et en même temps à aucune autre. Les trois jeunes filles doivent combattre toutes les méchancetés des autres étudiants, en plus de leurs complexes personnels et liens difficiles entre sœurs ; la mère de famille rêve d’une vie plus trépidante, loin de la puanteur des élevages de cochons, et d’un mari dépressif ; quant au père, il se démène pour que ses enfants et sa femme vivent dans le confort, sans pour autant réussir à vaincre ses démons intérieurs ou ceux que lui mènent la justice.
Rapidement, le lecteur s’attache à la narratrice, la cadette de la famille. Son caractère cynique, trop tôt pour son âge, ses expressions parfois crues et pleines de vie, ou sa vision noire d’un monde qui la dégoûte, nous parlent et nous font réagir. Elle nous partage ses souffrances, ses questionnements et ses réflexions. La suivre reste agréable tout du long. A travers ses yeux, l’histoire prend un tournant dramatique et intrigant, que ses autres sœurs n’auraient pu apporter.
Tous les autres personnages paraissent véritables, palpables. L’auteur nous offre des caractères authentiques, des individus que l’on a l’impression d’avoir déjà croisés au cours de notre existence. On les plaint, mais on les admire aussi. Ils nous attristent par endroits, tout en nous transmettant cette force qui les fait vivre. Puis, on les déteste aussi parfois. Toutes les émotions s’entremêlent.
De plus, le rythme bien cadencé des scènes apporte à l’ouvrage une fluidité au poil ; La maison sur l’herbe amère se lit vite et sans effort. Le lecteur se laisse volontiers happer.
Percutant
Récit contemporain et visions désœuvrées dans un paysage campagnard malmené ; une famille banale avec des problèmes courants, pour une histoire touchante, et un résultat atypique. Une atmosphère d’enquête policière, une ambiance sinistre pour un message marquant et percutant. Des messages politiques sans pour autant s’y attarder ; des drames familiaux sans pour autant s’en contenter.
La maison sur l’herbe amère nous étonne par la diversité de son univers et par toutes les phases que le récit nous force à traverser. On ne ressort pas indemnes de cette lecture fascinante, qui prend un tout autre sens une fois la chute dévoilée. Un roman pour les curieux et pour ceux qui n’ont pas froid aux yeux !
Cela reste une histoire néanmoins violente, perturbante, plutôt dirigée vers un public averti ou moins sensible, qui présente des tableaux intenses, dans un contexte contemporain qui tient tout de la triste réalité de notre société. On retient un message lugubre qui ne laisse pas présager d’un futur lumineux, et un auteur talentueux qui nous prouve que l’humanité n’a pas sa pareille pour rêver et créer.
Note : 19/20
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Par Lildrille