avril 18, 2024

Yalda, La Nuit du Pardon

Titre Original : Yalda

De : Massoud Bakhshi

Avec Sadaf Asgari, Behnaz Jafari, Babak Karimi, Fereshteh Sadre Orafaee

Année : 2020

Pays : Iran, France, Allemagne, Suisse, Luxembourg

Genre : Drame

Résumé :

Iran, de nos jours. Maryam, 22 ans, tue accidentellement son mari Nasser, 65 ans. Elle est condamnée à mort. La seule personne qui puisse la sauver est Mona, la fille de Nasser. Il suffirait que Mona accepte de pardonner Maryam en direct devant des millions de spectateurs, lors d’une émission de téléréalité. En Iran cette émission existe, elle a inspiré cette fiction.

Avis :

Cinéaste iranien, Massoud Bakhshi vient du documentaire. Il commence même à se faire un nom, notamment avec « Téhéran n’a plus de grenades » qui est présenté dans une trentaine de festivals à travers le monde. En 2012, après quelques courts-métrages, Massoud Bakhshi passe au long-métrage de fiction avec « Une famille respectable« . Si le film n’est jamais sorti en Iran, il va cependant déchaîner les foules et les haines, au point que plusieurs plaintes vont être déposées à l’encontre du cinéaste et certains même iront jusqu’à demander sa pendaison. Il lui aura donc fallu un peu de temps pour pouvoir passer au-dessus de toutes les polémiques qu’a pu déclencher son premier film, mais voici que huit ans plus tard, Massoud Bakhshi est de retour sur les écrans de cinéma, et s’il y a bien une chose qui est sûre, c’est que le cinéaste iranien n’a pas perdu son goût de la provocation.

Pour son deuxième film, Massoud Bakhshi a choisi un sujet aussi incroyable que et fou et surtout révoltant, la vie ou la mort d’un être humain comme sujet de grande émission de télé, le show de vingt et une heures. S’inspirant de véritables émissions iraniennes, « Yalda, la nuit du pardon » est un film terriblement complexe. C’est un film qui nous remue, devant lequel on reste presque terrifié face à la violence de l’idée elle-même, face à cette horreur de faire un show télé dont la vie ou la mort est le sujet du spectacle. Pour son deuxième film, Massoud Bakhshi pose un regard critique, et dénonce (certes parfois un peu maladroitement) l’horreur de l’être humain et les errances d’une société déconnectée. Bref, cette séance de cinéma fut difficile.

Maryam, vingt-deux ans, est condamnée à mort, car elle a tué son mari par accident, il y a deux ans de cela. La seule possibilité pour la jeune femme de s’en sortir, c’est de participer à l’émission « Le plaisir du pardon », une émission qui a donc pour but de mettre face-à-face les criminels condamnés et l’une des victimes qui a perdu l’être aimé. Résumé de l’histoire à base de reportages, interviews et bien sûr débats sont de mise et à la fin, la victime devra ou non pardonner. Ce soir-là, c’est Mona, la fille du défunt mari de Maryam qui est là et si Maryam veut vivre, elle devra se faire pardonner…

Si le précédent film de Massoud Bakhshi lui avait apporté haine et demande de pendaison, il est certain qu’avec « Yalda, la nuit du pardon« , le metteur en scène iranien ne va pas se faire des amis, car il s’attaque à gros cette fois-ci, visant une émission populaire et surtout en choisissant ce sujet, il a bien l’intention de pointer du doigt toute l’horreur de cette machine.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, aussi immoral que cela puisse paraître, il existe donc des émissions où les participants auront comme « cadeau » final la possibilité de vivre ou non. Il existe des émissions qui arrivent à rendre une certaine justice.

« Yalda, la nuit du pardon » est un film qui est vraiment très intéressant, aussi bien dans ce qu’il dénonce que dans sa conception, puisque Massoud Bakhshi l’a conçu comme un huis clos qui oscille entre l’émission elle-même et les coulisses de cette dernière. De plus, le réalisateur a eu la terrible idée de proposer un film qui serait presque livré en temps réel (ici le temps de l’émission).

Ce qui frappe en premier, et ce qui m’a donné l’envie de voir le nouveau Massoud Bakhshi, c’est évidemment ce sujet totalement improbable. Incroyable mais vrai, « Yalda, la nuit du pardon » est un film qui s’enfonce dans l’horreur de l’être humain, ou plutôt dans l’indécence de l’être humain.

S’il est vrai que le scénario qu’a écrit Massoud Bakhshi n’est pas toujours très juste, notamment dans certains de ses rebondissements qui sonnent comme maladroits avec un sentiment qu’ils existent car le réalisateur avait la crainte que son sujet, les débats et l’espoir de vie, ne tiennent peut-être pas tout un film, il demeure cependant que derrière ces maladresses, qui ne vont être finalement que de petites taches, le reste de son film est assez incroyable. Massoud Bakhshi traite sans langue de bois la violence de cette émission de divertissement, qui s’amuse à faire du suspens avec la vie ou la mort de sa « candidate ». Oscillant parfaitement entre les moments d’émission et ses coulisses, le cinéaste en ressort une peinture terrible et effrayante. Une peinture qui ose tout ou presque, pour faire de l’audimat et de l’argent, allant jusqu’à proposer le prix du sang. Celle qui peut pardonner, si elle le fait, peut rafler une certaine somme qui est récoltée par les sms que le public envoie. Imaginez un peu, selon vous, si elle doit pardonner envoyez 1, si elle ne doit pas pardonner envoyez le 2. Bref, une horreur, incroyable, perverse, et révoltante. Il est dommage cependant que le réalisateur ait du mal à expliquer dans son intrigue tous les tenants et les aboutissants de l’affaire qui est jugée devant les spectateurs et nous-même. On a l’impression que Massoud Bakhshi préfère dans un sens dénoncer, aller plein pot dans le spectacle macabre de cette émission. Un peu plus de profondeur sur l’affaire elle-même aurait été la bienvenue, car on a bien du mal à comprendre vraiment cette affaire.

« Yalda, la nuit du pardon« , c’est un film qui est très inspiré et qui déborde d’idées de la part de son réalisateur. Massoud Bakhshi a conçu son film comme un huis clos, sortant que très rarement du studio de l’émission télé. Il a aussi conçu son film presque en temps réel, son film durant une heure et demi, ce qui peut être à peu près le temps de l’émission. De plus, le réalisateur varie les mises en scène, livrant un film qui, quand il est dans l’émission, tient une mise en scène de télé, puis quand il passe dans les coulisses, s’applique à faire du cinéma. Ces deux mises en scène se conjuguent très bien et surtout l’ensemble donne quelque chose d’intéressant et au-delà de ça, ça donne aussi quelque chose de prenant, car, qu’on le veuille ou non, rejetant le principe de cette émission, Massoud Bakhshi arrive à nous embarquer et nous tenir avec intrigue et un certain sens du suspens.

Un sens du suspens qui est amené par ses acteurs extraordinaires qui tiennent parfaitement leurs personnages. Si Behnaz Jafari (celle qui peut pardonner) crève l’écran. Si Babak Karimi (le producteur dans les coulisses) et Forough Ghajebeglou (le présentateur) sont révoltants à souhait, tenant des rôles difficiles, surtout pour le second, ici, c’est bien son interprète principale qui est sidérante d’émotion. Sadaf Asgari dégage tellement dans la peau de cette jeune femme livrée en pâture aux spectateurs. Et même s’il manque à son personnage des explications autour de son affaire, l’actrice est si prenante, si touchante, si juste, qu’elle transperce le film et nous tient en apesanteur.

Révoltant, terrifiant, indécent, le nouveau film de Massoud Bakhshi est une terrible peinture de l’horreur et du voyeurisme de l’être humain. Aussi riche que terrible, aussi prenant qu’horrible dans ce qu’il raconte, Massoud Bakhshi dénonce et pointe du doigt ce show révoltant, et même si son film n’est pas toujours très juste, se faisant confus et manquant de subtilité, il demeure néanmoins un bon film nécessaire et courageux. Jouissant d’à peine cent salles, il serait dommage de passer à côté.

Note : 14/20

Par Cinéted

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