De : Tim Burton
Avec Johnny Depp, Christina Ricci, Christopher Walken, Michael Gambon
Année: 2000
Pays: Etats-Unis, Allemagne
Genre: Fantastique, Horreur, Thriller
Résumé :
En 1799, dans une bourgade de La Nouvelle-Angleterre, plusieurs cadavres sont successivement retrouvés décapités. Les têtes ont disparu. Terrifiés, les habitants sont persuadés que ces meurtres sont commis par un étrange et furieux cavalier, dont la rumeur prétend qu’il est lui-même sans tête. Les autorités new-yorkaises envoient alors leur plus fin limier pour éclaircir ce mystère. Ichabod Crane ne croit ni aux légendes, ni aux vengeances post-mortem. Mais, à peine arrive, il succombe au charme étrange et vénéneux de la belle Katrina Van Tassel.
Avis :
Qu’est-ce qui différencie un réalisateur talentueux d’un cinéaste lambda ? Tout simplement la patte graphique. En effet, on peut très certainement dire que l’on reconnait immédiatement un film de Spielberg, Cameron ou encore Burton parce qu’il y a un univers précis, une mise en scène marquée et une volonté de montrer une ambiance unique. Quand on regarde un film Marvel (et même si on apprécie les films Marvel), on serait bien incapable de dire qui réalise quoi tant tout se ressemble, même en embauchant des types comme Ryan Coogler, qui se perdent un peu dans les demandes des studios. Mais là n’est pas le sujet, puisque l’on va parler de Tim Burton et plus précisément de son Sleepy Hollow, sorti en l’an 2000.
A cette époque, Tim Burton avait déjà fait parler de lui. Notamment avec son univers très marqué, mais aussi à son ambiance gothique forte que l’on va retrouver dans des œuvres comme Edward aux Mains d’Argent, Batman le Défi ou encore Beetlejuice. Pour autant, quand il attaque Sleepy Hollow, il avait délaissé le gothique pour partir dans un délire science-fiction comique plutôt jouissif avec Mars Attacks ! et on aurait pu croire que le cinéaste allait se lancer dans un autre projet aussi coloré et déluré. Pour cela, il faudra attendre 2005 avec Charlie et la Chocolaterie, mais en l’état, il décide d’adapter un roman, et de revenir dans un gothique très prononcé, en hommage à La Hammer. Ainsi naîtra donc Sleepy Hollow, avec sa muse Johnny Depp, pour un résultat qui n’a plus à faire ses preuves aujourd’hui, puisque le film a obtenu un statut d’œuvre culte et que pour bon nombre de fans de Tim Burton, il est son meilleur ouvrage. Mais à quoi tient ce succès ?
Le scénario du métrage est assez nébuleux au départ et mélange deux genres distincts, le thriller historique et le fantastique. Ici, un cavalier sans tête commet des meurtres dans une petite bourgade, et un inspecteur qui fait un peu trop de zèle à New york est envoyé sur place pour mener l’enquête. Plutôt terre à terre et faisant confiance à la science, il a du mal à croire à cette légende du cavalier sans tête et va tout faire pour démontrer que c’est une supercherie. Malheureusement pour lui, sa science va se confronter aux légendes païennes et à des évènements inexplicables. Dès lors, Ichabod Crane va devoir se faire violence pour résoudre cette enquête tordue dans une ambiance mortifère où chacun semble cacher son jeu. Et c’est bien là toute la subtilité du film, arrivant à mélanger les genres pour mieux happer le spectateur qui aura toujours quelque chose à se mettre sous la dent. La partie enquête révèle des éléments permettant d’éliminer les potentiels criminels, tandis que la partie fantastique va ancrer le récit dans une ambiance gothique très forte, proche d’un conte macabre que n’auraient pas renié les frères Grimm. Bien entendu, Tim Burton est suffisamment malin pour distiller des indices au compte-goutte, nous laissant alors constamment sur le doute de qui décapite les pauvres habitants de la bourgade et pour quelle raison.
Si l’écriture est particulièrement réussie, la mise en scène est très importante dans ce film. Tim Burton va partir très loin dans le délire gothique, allant jusqu’à faire de belles références à La Hammer et à ses films cultes, jouant avec la brume et des décors parfois burlesques, comme cet arbre au pendu biscornu et inquiétant. Des références qui vont jusqu’à employer des acteurs cultes de La Hammer, comme ce bon vieux Christopher Lee qui en impose, comme à sa grande époque lorsqu’il enchainait les rôles du comte Dracula. Cette atmosphère morbide est renforcée par un côté gore totalement assumé et rarement atteint par le cinéaste. Un côté sanglant tout aussi burlesque que l’ambiance brumeuse mais qui augmente un sentiment d’horreur et qui permet de renforcer le rôle de ce cavalier sans tête et de sa légende violente. Là encore, le rôle n’est pas donné à n’importe qui, puisque Christopher Walken va faire de petits miracles avec un personnage pas si évident à tenir, entre folie meurtrière et monstruosité ubuesque. Le gore est aussi présent pour appuyer l’aspect lugubre du film, ce qui dénote parfois avec le comique de situation que veut installer Tim Burton. Un comique qui trouve une résonnance particulière dans des séquences incongrues mais qui approfondissent le background d’un héros pas si héroïque que ça.
En effet, avec Sleepy Hollow, le cinéaste présente un jeune enquêteur qui est bon en ville, dans son petit cocon, mais qui va être obligé de se faire violence dans un univers rural bien loin de sa zone de confort. De mimiques dégoûtées en regard effrayé, Johnny Depp est absolument parfait dans ce rôle, unissant une certaine naïveté à une sûreté qui va être mise à mal lorsqu’il va se rendre compte que les légendes sont parfois vraies. En tous les cas, le rôle n’était pas évident, se devant d’être à la fois drôle et sérieux, tout en jouant de ses charmes pour tomber dans les bras d’une ravissante Christina Ricci. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, jouant constamment un double-jeu, créant ainsi la confusion sur le possible meurtrier. Bien entendu, la fin sera plus ou moins inattendue, jouant avec nos nerfs et essayant d’être surprenante en dévoilant le tueur et son plan.
Au final, Sleepy Hollow est un excellent film de la part de Tim Burton. Sorte de conte moderne et macabre, le réalisateur va pousser très loin son imagerie gothique pour rendre un cinglant hommage à La Hammer et aux films d’épouvante des années 50. S’amusant avec son intrigue qui lorgne vers le thriller, le cinéaste use de tous les poncifs pour mieux surprendre et appuyer son côté fantastique qui prend une place très importante dans le récit. Il en résulte alors un film qui mélange parfaitement les genres, tenu par des acteurs talentueux et une ambiance très forte qui manque aujourd’hui aux films de genre. Bref, près de vingt ans plus tard, le film tient toujours la route.
Note : 17/20
Par AqME