De : Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
Avec Barbara Colen, Sonia Braga, Udo Kier, Thomas Aquino
Année : 2019
Pays : Brésil, France
Genre : Drame, Western, Thriller
Résumé :
Dans un futur proche… Le village de Bacurau dans le sertão brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte.
Avis :
Kleber Mendonça Filho/Juliano Dornelles, c’est un duo de réalisateurs brésiliens qui travaillent ensemble depuis pas mal d’années maintenant. Pourtant « Bacurau » est leur première réalisation ensemble, et si Kleber Mendonça Filho avait déjà quatre films à son actif dont « Aquarius » avec la grande Sonia Braga, sorti en 2016, Juliano Dornelles n’était pas encore passé derrière la caméra. En revanche, il avait travaillé sur tous les films de Kleber Mendonça Filho en tant que directeur artistique. Il faut donc croire que les deux hommes s’accordent parfaitement, puisqu’avec « Bacurau« , ils livrent une coréalisation.
« Bacurau » est l’un des films qui a fait sensation au dernier festival de Cannes et depuis sa projection, et plus largement encore depuis son Prix du Jury, le film a tendance à jouir d’un aura de dingue, comme si l’on ne pouvait qu’être convaincu de ses bienfaits et je dois dire qu’à la découverte de ce film, le Festival de Cannes ne s’y est pas trompé, tant le film est une claque. Sombre, dur, violent, pessimiste sur les dérives de société, « Bacurau » démontre encore une fois que le cinéma brésilien est très loin de l’anecdote et que mieux encore, il a des choses à dire !
Bacurau, c’est un petit village perdu dans le Sertão brésilien. Carmelita, la doyenne du village, vient de mourir. Après l’enterrement, la vie reprend son cours, mais très vite, les villageois remarquent que leur village ne figure plus sur aucune carte du pays. Si on ajoute à cela, qu’un matin, le camion-citerne qui ravitaille le village comme il peut en eau potable a été criblé de balles, les habitants commencent à se demander ce qu’il se passe…
Terrible et terrifiant, voilà entre autres deux mots qui me viennent en tête quand je repense à « Bacurau« . Terrible, parce que ce que nous racontent les deux réalisateurs et surtout la façon dont ils nous racontent cette histoire, est assez folle. « Bacurau« , c’est un film qui prend son temps pour construire un contexte, et pour nous inquiéter finalement. Une pression s’installe au fur et à mesure de cette histoire et plus l’intrigue avance, plus elle évolue et plus le film se fait oppressant, ce qui est très loin de déplaire.
Du point de vue de la mise en scène, Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles ont voulu un film dantesque qui, visuellement, en envoie. Usant de plans larges, pour finalement enfermer ce petit village, perdu au milieu de ces grands espaces, le dépaysement est totalement réussi. Si certains pourront peut-être y trouver des longueurs, (ce qui ne fut pas mon cas), on ne peut nier que tout est fait pour nous embarquer, et surtout nous isoler au plus près de ces villageois. On notera aussi que les deux réalisateurs ont tenu à livrer un film le plus réaliste possible, et ça, même quand il tombe dans la violence. Images fortes et surprenantes à plus d’un instant.
Pour en revenir à ce que je disais plus haut, le deuxième mot qui me vient, c’est terrifiant, car ce que nous raconte le duo brésilien l’est complétement. Film politique, ce que nous raconte « Bacurau » est l’une des pires dérives qu’une société peut engendrer. Jamais gratuit, tout le temps dans la réflexion, riche d’un scénario calibré et qui s’aventure sur plusieurs sentiers, « Bacurau » se fait saisissant au fur et à mesure que son intrigue dévoile son horreur (des hommes chassant des hommes pour leur bon plaisir). Pour détendre l’atmosphère, les deux cinéastes ont l’intelligence d’offrir des moments plus légers, plus comiques, ou plus tendres aussi, mais c’est reculer pour mieux sauter, puisque ce scénario n’oublie jamais ce qu’il veut raconter et dénoncer et tôt ou tard, il y revient.
Emporté donc par un casting incroyable peuplé de connus (Sonia Braga, Udo Kier) et de têtes qu’on découvre (Barbara Colen, Thomas Aquinos, Silvero Pereira, pour ne citer qu’eux), ce premier film réalisé par le duo Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles est une jolie claque. Violent, pessimiste, terrifiant et sombre, « Bacurau » mérite amplement son prix du Jury et il n’est pas près de quitter nos esprits.
Note : 17/20
Par Cinéted