Titre Original : Zvizdan
De : Dalibor Matanic
Avec Tihana Lazovic, Goran Markovic, Nives Ivankovic, Dado Cosic
Année : 2016
Pays : Croatie, Serbie, Slovénie
Genre : Drame
Résumé :
Soleil de Plomb met en lumière trois histoires d’amour, à travers trois décennies consécutives, dans deux villages voisins des Balkans marqués par une longue histoire de haine inter-ethnique. Soleil de Plomb est un film sur la fragilité – et l’intensité – de l’amour interdit.
Avis :
Si Dalibor Matanic nous est presque quasi-inconnu chez nous, il n’en est pourtant pas à son coup d’essai avec « Soleil de plomb« , long-métrage qui a reçu le Grand Prix dans la sélection « Un certain regard » au dernier festival de Cannes, puisqu’il a déjà réalisé seize films dans son pays, la Croatie.
Peu de promotion, projeté dans peu de salles, avec « Soleil de plomb« , Dalibor Matanic revient sur la guerre de Yougoslavie, sur les conséquences de cette guerre avant et après celle-ci. Totalement inattendu, c’est avec un grand plaisir qu’on découvre tout à fait par hasard un grand et beau film pacifiste qui aborde la guerre sous trois autres angles. Lumineux mais violent et torturé, Dalibor Matanic nous scotche et nous passionne pendant deux heures et l’on en ressort touché et ému.
« Soleil de plomb » suit un conflit de personnages n’appartenant pas aux mêmes groupes ethniques, mais habitant la même région. Chacun d’entre eux est différent et derrière les haines et les incompréhensions, ils n’aspirent tous qu’à être eux.
1991, 2001, 2011, voilà comment va être divisé le nouveau film de Dalibor Matanic. Alors que sur le papier, le film nous « vend » une histoire d’amour sur plusieurs générations, le film va être tout autre et bien plus original que ce simple fil rouge que l’on s’était imaginé. « Soleil de plomb » évoque bien sûr l’amour à travers un conflit, mais il va suivre plusieurs destins et personnages qui ne se connaissent pas entre eux et qui n’ont que pour seul lien commun, le lieu où se déroule le film. Des personnages différents, mais qui seront tenus par les mêmes acteurs, un peu comme si le réalisateur voulait nous faire comprendre que l’on aspire tous (ou presque) aux mêmes choses et que les acteurs de ce conflit qui a engendré tant de malheur, de tristesse, de haines et de mystères, étaient en fin de compte tous un peu pareil.
« Soleil de plomb » est donc un film qui est divisé en trois parties. La première se situe peu avant que le conflit n’explose en 1991 et voie une belle histoire d’amour et d’espoir entre deux jeunes gens, lui est croate, elle est serbe. Dalibor Matanic ouvre donc son film sur de magnifiques plans des deux amoureux bercés dans le soleil de l’été et les paysages superbes de la région. Sorte de « Roméo et Juliette« , le réalisateur joue magnifiquement avec la romance, pour l’emporter vers le drame qu’on voit tristement et injustement arriver. C’est avec beaucoup de nuances que le réalisateur va faire basculer son film, la tension montant, un peu comme le conflit et les oppositions dans ce village. C’est passionnant, même si l’on devient nostalgique des premiers sourires au début du film, car c’est en quelques scènes que le réalisateur va faire prendre à son film un tout autre trajet et ainsi chopper son spectateur pour ne plus jamais le lâcher.
Les deux autres parties seront tour à tour difficiles, tendues, ou encore lumineuses mais tristes. Et c’est à travers ces trois parties, ces personnages et surtout le temps qui a passé entre ces générations que Dalibor Matanic parlera le mieux des mésententes, des barrières que l’homme se dresse. Ces barrières si fragiles et on ne peut plus floues, qui font douter entre l’ami et l’ennemi, l’amour et la haine ou encore la vie et la mort.
Vous l’aurez compris, c’est à force de détails, de richesse et d’assurance que le réalisateur livre trois récits qui n’en font qu’un et qui seront bouleversants. Perle d’écriture, « Soleil de plomb » est aussi un petit dépaysement bien venu. Magnifiquement filmé et éclairé, Dalibor Matanic arrive à faire de ces paysages, ces décors, ces maisons en ruine ou encore ce lac, un personnage à eux seuls. Des paysages et des décors que la guerre a changés et qu’il a fallu réparer.
Enfin, le bouleversement que j’évoquais plus haut, vient aussi des deux comédiens qui illuminent ce film. Deux comédiens qui tiennent plusieurs rôles à la fois et qui seront vous toucher, vous faire frissonner ou vous révolter. Deux acteurs qui risquent fort bien de hanter ceux qui les auront vus. Comment ne pas repenser aux sourires volés de la belle Tihana Lazovic ? Comment ne pas avoir envie d’évoquer les regards bouleversants d’injustice et de haine de Goran Markovic ? C’est assez compliqué tant les personnages résonnent. On notera aussi que les deux comédiens principaux seront tout le temps entourés d’excellents acteurs qui eux aussi tiendront plusieurs rôles, afin de renforcer sûrement l’idée qu’on est tous différents et en même temps semblables.
« Soleil de plomb« , malgré son titre lumineux, est pourtant un film douloureux, mutilé, dévasté même, à l’image des personnages. Mais malgré toute cette tristesse, « Soleil de plomb » est un film qui est très loin d’être déprimant et c’est bien là le coup de génie de Dalibor Matanic qui arrive à nous raconter trois intrigues d’une tristesse absolue et pourtant, si à la sortie on est ému, on a aussi et surtout envie de vivre et de profiter.
Note : 18/20
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Par Cinéted