décembre 12, 2024

Grand Corps Malade – Il Nous Restera Ça – Le Retour des Morts-Vivants

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Avis :

De son vrai nom Fabien Marsaud, Grand Corps Malade devient connu en 2005 en popularisant un nouveau genre, le slam. Non, il ne s’agit pas du jeu animé par Cyril Féraud avec des mots à caser, mais plutôt d’un art oratoire à l’oraison du rap et de la chanson française, alliant la magie des mots à un certain flow. Parolier assez talentueux mais qui ne plait pas à tout le monde (faut-il se souvenir d’Eric Zemmour taxant les textes du slameur digne d’un élève d’école primaire), Grand Corps Malade est devenu le symbole d’un nouveau genre et à quel part, une représentation idéale de la réussite malgré un handicap survenu après un accident. Son précédent album, Funambule, n’avait pas forcément emballé la rédaction, non pas à cause de l’écriture des textes, mais plutôt à cause d’une certaine lourdeur qui ne correspondait pas du tout au titre de l’album, qui fait penser à quelque d’aérien. Souvent plombant, l’avant-dernier album était quelque peu gâché par une morosité qui ne correspond pas forcément au chanteur. Ce nouvel album, qui est son cinquième, est différent des autres, dans le sens où le chanteur n’apparait que très peu, laissant ses textes à d’autres artistes, plus ou moins connus, donnant ainsi une certaine gageure à ce skeud. Mais qu’en est-il vraiment ?

L’avantage de cet album, c’est qu’il a un fil conducteur qui est tenu jusqu’à la fin. Le titre n’est pas anodin, Il Nous Restera Ça, puisque chaque morceau s’évertuera à raconter à l’auditeur ce qu’il nous restera lorsque l’on sera vieux, ou quand les temps changeront. Ainsi, cela permet de brasser différents thèmes et d’associer chaque morceau à un artiste, les textes faisant beaucoup de références à l’interprète. Et le skeud commence fort puisqu’après un court morceau signé Grand Corps Malade, c’est Renaud qui attaque la salve des interprètes, et c’est une petite révolution, puisque cela faisait un grand moment que l’on n’avait entendu le chanteur. Et la raison est évidente, la voix de l’interprète de Mistral Gagnant a pris cher, à un tel point qu’il est méconnaissable. Si le titre est touchant, on sera plus proche de la voix de Philippe Nahon que du Renaud de la belle époque et on a plus mal pour lui qu’autre chose. Mais ce ne sera pas le seul à souffrir d’une certaine vieillesse dans la voix et Charles Aznavour ne sera pas en reste. Alors certes, on ne tape pas sur le sacré de la chanson française et l’interprétation reste touchante, mais entre un piano presque épiscopal et un texte complexe assez lourd sur l’écriture, on ne peut pas dire que cela risque d’attirer les jeunes et d’ouvrir le slam aux néophytes. D’ailleurs, l’accompagnement est un véritable problème dans cet album. Bien que le slam soit un art à capella, certains titres manquent de vigueur et d’engouement au niveau de l’instrumentalisation. Parce que c’est bien beau d’essayer de toucher le public, mais la prise de risque est minime avec des moments de platitude assumée et d’autres moments plus scandés, mais très cliché dans le domaine du rap ou du hip-hop.

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Mais ne soyons pas médisant envers cet album qui gagne en puissance après plusieurs écoutes. En effet, si à priori l’album est encore une fois déprimant, il n’en est rien et il faut vraiment plusieurs reprises pour bien saisir toutes les subtilités des textes. A titre d’exemple, le morceau Les Années Lumières de Fred Pellerin est un titre complexe sur la naissance qui devient une métaphore avec le lever du soleil. Il s’agit d’un très beau titre qui semble parfaitement aller au conteur québécois. On peut aussi parler du titre Cinéma Pour Aveugles, interprété par le rappeur Lino, qui reste relativement pertinent, parlant de la nécessité d’écrire pour exister, pour résister et pour survivre à sa propre mort. Mais encore une fois, à la première écoute, il nous semblera entendre un énième rap hardcore sur des valeurs écornées, ce qui ne sera clairement pas le cas. Enfin, difficile de passer côté de Pocahontas de Grand Corps Malade, qui reste l’un des meilleurs titres de l’album, arpentant le chemin sinueux de la vie et des générations qui se suivent, formant la plus belle des réussites, fonder une famille. Enfin, son dernier titre, éponyme de l’album, montre que le slameur possède aussi un joli flow et peut facilement se glisser dans la filière du rap.

Au final, Il Nous Restera Ca, le dernier album de Grand Corps Malade, est plutôt une bonne surprise, malgré quelques invités fatigués ou d’autres un peu trop bobos, à l’image de Jeanne Cherhal ou Ben Mazué. Dans son ensemble, l’album est plutôt positif, incorporant des textes très intéressants, bien écrits et des interprètes convaincants, avec des écrits qui correspondent bien à leur univers. Il est juste dommage que l’album soit parfois trop négligeant du côté de l’instrumentalisation, donnant trop d’importance aux textes et oubliant un peu la technique pour donner plus de peps, plus de vie, car la vie, c’est tout ce qu’il nous reste pour être heureux.

  1. L’Heure des Poètes
  2. Ta Batterie – Renaud
  3. La Résiliation – Ben Mazué
  4. Quand Nous Aurons Cent Ans – Jeanne Cherhal
  5. Intro
  6. Ecrire – Charles Aznavour
  7. Cinéma Pour Aveugles – Lino
  8. Interlude
  9. Les Années Lumières – Fred Pellerin
  10. Pocahontas
  11. Le Temps des Tachyons – Hubert-Félix Thiéfaine
  12. Nos Mots – Luciole
  13. Le Banc
  14. Bleuette – Richard Bohringer
  15. L’Ours Blanc – Erik Orsenna
  16. Il Nous Restera Ca

Note : 13/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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