Auteur : Donato Carrisi
Editeur : Calmann-Levy
Genre : Thriller
Résumé :
Rome, sa dolce vita, son Capitole, ses foules de pèlerins, ses hordes de touristes. Sa pluie battante, ses sombres ruelles, ses labyrinthes souterrains et ses meurtriers insaisissables.
Marcus est un homme sans passé. Sa spécialité : analyser les scènes de crime pour déceler le mal partout où il se terre. Il y a un an, il a été grièvement blessé et a perdu la mémoire. Aujourd’hui, il est le seul à pouvoir élucider la disparition d’une jeune étudiante kidnappée.
Sandra est enquêtrice photo pour la police scientifique. Elle aussi recueille les indices sur les lieux où la vie a dérapé. Il y a un an, son mari est tombé du haut d’un immeuble désaffecté. Elle n’a jamais cru à un accident.
Leurs routes se croisent dans une église, devant un tableau du Caravage. Elles les mèneront à choisir entre la vengeance et le pardon, dans une ville qui bruisse encore de mille ans de crimes chuchotés au cœur du Vatican. À la frontière de la lumière et des ténèbres.
Avis :
Deux ans après Le chuchoteur, premier roman qui a (presque) tout raflé sur son passage, Donato Carrisi revient avec Le tribunal des âmes, nouveau thriller pour le moins attendu et qui se place d’ores et déjà comme un incontournable pour les amateurs d’ambiance glauque. Il est vrai que les auteurs italiens dans ce domaine ne sont pas légion à voir leur œuvre traduite en différentes langues, même en France. La botte européenne est davantage connue pour ces récits historiques, particulièrement la Renaissance, que pour ces tueurs en série. Certes, l’on a bien droit à des thrillers ésotériques rédigés par des « étrangers » qui ont utilisé ce cadre (notamment Dan Brown), mais des investigations plus sombres et angoissantes, il n’y en a pas tant que ça.
Comme toute bonne intrigue qui se respecte, Le tribunal des âmes offre une entame engageante et singulière. L’auteur choisit ses mots avec soin pour instaurer une atmosphère glauque et froide, mais aussi pour que le lecteur perde ses repères ou soit surpris par l’approche des séquences (ex. : « Le cadavre se réveilla »). Cette technique fonctionne et confère au roman un début enrobé de mystères. Après quelques recherches çà et là, l’on se rend compte que l’histoire s’enracine dans la réalité. L’enquête contemporaine « classique » se double d’investigations menées par un prêtre appartenant à la Pénitencerie apostolique.
Cet ordre de l’église s’apparente à une société secrète aux buts occultes, mais existe bel et bien. La fiction comble les fantasmes autour de ces pénitenciers de fort belle manière, notamment grâce à la tenue d’archives du mal ou de leur combat à travers les siècles. On n’est pas loin d’un traitement aux tendances ésotériques, mais l’on reste tout de même dans une réflexion pragmatique et sans prétention sur l’affrontement entre le bien et le mal. Carrisi floue les frontières entre les deux concepts afin de porter son intrigue vers une multitude de rebondissements plus ou moins surprenants.
Hormis les pensées de Sandra qui tendent à alourdir le rythme, le panel de protagonistes possède plusieurs visages ; aussi bien dans les apparences que dans les intentions sous-jacentes. Il en résulte une caractérisation empreinte de doutes et de contradictions qui entretiennent le suspense d’une manière différente qu’à l’accoutumée. Revers de la médaille, le lecteur pourra à certains moments se sentir perdu. Le nombre de personnages n’est pas insurmontable, mais les destins croisés dans le présent et le passé font qu’il faut constamment se resituer (le livre compte douze parties et autant d’aller-retour entre les deux époques) au niveau de l’action.
Une progression assez incertaine pour ce qui concerne sa linéarité, mais qui n’entache pas pour autant un rythme équilibré. La complexité de l’intrigue (multiplication des points de vue spatiaux et temporels, tenants et aboutissants variés et aléatoires…) s’épaissit régulièrement de nouvelles données, un peu comme si l’auteur exploitait chaque détail jusque dans leur fondement. Un choix risqué qui, s’il n’est pas maîtrisé, aurait tôt fait de perdre le récit dans des longueurs absurdes et, plus grave de lasser le lecteur. Ici, Carrisi joue sur le fil du rasoir avec savoir-faire. Même s’il n’échappe pas à quelques errances et oblige à demeurer attentif du début à la fin, l’ensemble reste plaisant à suivre.
Au final, Le tribunal des âmes est un thriller assez étonnant de par l’aura qu’il dégage. Entre les investigations et les passages tendus, ce roman nous offre à la fois l’ambiance d’un cadre bien exploité (discret sans être cruellement absent), le suspense d’une intrigue bien ficelé (avec un lot conséquent de retournements de situation), sans oublier une réflexion sur la nature humaine qui gagne en profondeur et n’occulte pas l’histoire par un traitement pompeux. Sa densité, un atout et une faiblesse à double tranchant, peut rebuter via une progression qui ne se fait pas sans heurt. Toutefois, il en ressort un livre immersif à l’atmosphère non moins élégante. Étrange et différent de son prédécesseur (ce qui ne sera pas du goût de tout le monde), mais qui mérite de se faire un avis.
Note : 14/20
Par Dante