Auteurs : H.P Lovecraft et Reinhard Kleist
Editeur : Akileos
Genre : Horreur
Résumé :
Les Rats dans les murs : 1923 dans le prieuré d’Exham, un jeune homme retourne sur les terres de sa famille et il fait tout pour reconstruire le domaine. Ne connaissant pas l’histoire de sa famille, il la découvrira par les rumeurs qui court sur les étranges mœurs de ces aïeux. La culpabilité, la tragédie et l’innommable vont remonter à la surface, réveillés par la sarabande des rats dans les murs.
Celui qui hantait les ténèbres : Robert Blacke, écrivain et peintre peu connu aperçut un jour par sa fenêtre un clocher où les oiseaux ne se posaient pas. Intrigué par cette découverte, il décide de mener son enquête.
Horreur à Red Hook : Indicible et innommable, l’horreur est partout. Une menace universelle, aux dimensions démesurées du cosmos : au grand temple d’Ilarnek, dans lequel les hideux servants de Bokrug, destructeurs de la ville de Sarnath, adorent encore aujourd’hui leur idole impie…
Air Froid : Le docteur Munoz mène un redoutable combat contre la Faucheuse, et pour mener à bien ses expériences, il doit évoluer dans un environnement réfrigéré. Mais un jour de grandes chaleurs, le compresseur tombe en panne et tout bascule…
Avis :
L’avantage avec un mythe de la littérature, c’est qu’il n’est nul besoin de présentations. L’on sait tous quelle influence a eu Lovecraft sur de grands auteurs, mais aussi le cinéma, la musique et la peinture. Son œuvre a toujours suscité controverse, admiration, effroi et débat. Pour ma part : il est non seulement l’une des personnalités les plus marquantes du XXe siècle dans le domaine culturel, mais le géniteur d’un univers pareil à nul autre maintes fois copié, jamais égalé. Les films adaptés de ses nouvelles foisonnent (plus souvent pour le pire que pour le meilleur) et se déclinent dans n’importe quel média. La bande dessinée ne déroge pas à la règle avec des ouvrages de plus ou moins bonnes factures, mais qui, en tous les cas, n’est pas l’instrument le plus adéquat pour un voyage qui se fait avant tout par les mots et l’imagination.
Chaque lecteur de Lovecraft possède une conception différente de ce que recèlent les lignes. Si son style est décrié (notamment de très nombreux adjectifs), la description des scènes est suffisamment vague pour laisser vagabonder notre ressenti, mais suffisamment précise pour susciter l’effroi. C’est là, tout son génie. Pour une BD, on nous impose une vision qui peut se montrer en décalage avec notre idée de départ ou pire, dénaturer complètement le matériau originel. C’est un peu ce qui se passe avec l’ouvrage qui nous intéresse aujourd’hui. A commencer par la couverture qui n’est absolument pas révélatrice du contenu : des couleurs, la présence de Cthulhu et un trait de dessins assez fin.
À l’ouverture du livre, on est à la fois dérouté et surpris. Sur la quatrième de couverture, on lit : « …expressionnistes et brutes, dominées par des ombres et des lignes anguleuses… » Le style graphique est des plus épurés. Le choix du noir et blanc s’avère judicieux pour retranscrire une ambiance morne et inquiétante, mais pour le reste, difficile d’adhérer à ce parti pris pour des personnages à l’aspect simiesque, aux visages grossiers ou à ces constantes déformations de l’environnement. Si le noir (très présent dans les vignettes) matérialise la peur de l’inconnu, des choses qui se cachent dans l’ombre, l’effet n’est absolument pas flagrant au fil de la lecture. Là où son compatriote allemand (Tobias O. Meißner) proclame un travail recherché, on constate surtout un goût certain pour la simplification à l’extrême et la caricature.
Autre point qui ne permet pas de retrouver l’indescriptible ambiance desdites nouvelles : la brièveté allouée à chaque histoire. Au nombre de quatre et, à raison de 80 pages et de cadres énormes, l’on doit exposer un récit sur 20 pages. De fait, l’on ne reconnaît que l’essentiel de chaque intrigue avec une fidélité des plus discutables. Les lignes de dialogues ou le texte sont d’une rare concision et l’on tourne les pages presque dans l’indifférence. Rien n’est percutant ou ne marque les mémoires. Air froid est même rebaptisé Air frais, sorte de mixage absurde entre la célèbre compagnie aérienne avec un sombre slogan pour climatiseurs. Imaginez les principales tenants de chaque histoire couchait à la va-vite dans la maquette de base et vous aurez une idée de l’affront.
Comme si cela n’était pas suffisant, l’auteur se permet d’inclure Lovecraft dans deux de ses nouvelles. Le passage anecdotique dans Air frais et sa présence dans Horreur à Red Hook. Au lieu d’un hommage sympathique, on se retrouve avec des clichés effroyables. Lovecraft est un bonhomme mal embouché, aigri et maniéré qui évoque le gourou fanatique d’une secte plutôt que l’illustre écrivain. C’est grossier, idiot et mal fichu. On n’y croit pas une seule seconde, tout comme ce qui concerne les personnages secondaires qui ne disposent d’aucun caractère, simplement des images qui ne suscitent aucune émotion. En somme, une galerie de portraits interprétait négligemment par un individu dont on met en doute l’intérêt qu’il porte à l’œuvre de Lovecraft.
Au final, ce recueil est une cruelle déception. Même si le graphisme se montre très grossier et schématique, cela reste une affaire de goût et certains pourraient y trouver leur compte. Non, le principal reproche que l’on pourrait faire à cette bande dessinée est sa propension à jeter les histoires sur le papier avec dédain. Trop courtes, pas assez développées, percluses de clichés et d’individus plats et sans consistance, elles se révèlent un aperçu peu flatteur des nouvelles dont elles s’inspirent. Non seulement on ne retrouve pas le génie de Lovecraft, mais aucune sensation ne nous étreint à sa lecture. Une incursion anecdotique dans un univers qui mérite beaucoup mieux.
Notes : l’ouvrage comprend l’adaptation des histoires suivantes : Celui qui hantait les ténèbres, Horreur à Red Hook, Les rats dans les murs et Air froid (rebaptisé pour l’occasion en « Air frais »).
Note : 07/20
Par Dante