avril 18, 2024

La Volonté du Mort

Titre Original : The Cat and the Canary

De : Paul Leni

Avec Tully Marshall, Laura La Plante, Creighton Hale, Forrest Stanley

Année : 1927

Pays : Etats-Unis

Genre : Horreur

Résumé :

Vingt ans après la mort de Cyrus West, ses descendants sont réunis dans un inquiétant manoir pour se partager l’héritage. Alors que la soirée se déroule selon des ordres précis, le notaire est retrouvé mort…

Avis :

La fin des années 1920 marque la transition entre le cinéma expressionniste et parlant. La période donne lieu à bon nombre de productions notables, comme L’Argent ou L’Aurore. La créativité des cinéastes se trouve alors à la croisée des influences ; là où les genres commencent à s’affirmer sans pour autant se départir d’une certaine liberté artistique. C’est précisément dans ce traitement indépendant qu’officie Paul Leni avec La Volonté du mort. Un huis clos qui lorgne à la fois vers une atmosphère gothique, une intrigue policière et une tonalité pseudo-comique. Autant d’influences qui, de prime abord, laissent perplexes, tant le mélange paraît chaotique, voire confus à certains égards.

La première approche avec l’histoire tient à la découverte d’une vision onirique, presque cauchemardesque de cette allégorie de la cupidité. Prétexte à illustrer le titre original du film (The Cat and the Canary), la séquence d’ouverture tend à s’orienter vers le fantastique et l’épouvante. On songe à ce personnage minuscule confronté à des chats « géants » ou à cette évocation de vieilles légendes et autres récits de hantise. Tout concourt à instaurer un climat lugubre, ne serait-ce qu’à travers l’architecture écrasante de la propriété ou sa structure labyrinthique. D’ailleurs, la caméra devient l’œil du spectateur. Les mouvements de l’objectif et l’éclairage ciblé invitent à une découverte toute subjective du cadre.

Avant de constater un amalgame des genres, La Volonté du mort se révèle avant tout comme un huis clos. L’intégralité de l’action se déroule au sein du manoir. On ne distingue que de rares plans extérieurs, renforçant le sentiment d’isolement et de promiscuité des lieux. Pour le public, comme pour les protagonistes, l’idée est de suggérer la manifestation de phénomènes paranormaux tout en laissant une part de doute subsister, du moins dans les intentions. Au regard du pitch initial et des conditions d’héritage liées au testament, le mobile et les moyens en œuvre pour faire sombrer la principale bénéficiaire dans la folie demeurent attendus, sinon prévisibles.

Dès lors, ce n’est pas la connotation surnaturelle qui fait partie du mystère, mais l’identité du coupable. On se lance alors dans un whodunit de circonstances, cher au récit policier. On tient une brochette de suspects qui, dans les faits, présentent tous une motivation pécuniaire à voir interner leur lointaine cousine. La disparition du majordome et les tentatives d’agression viennent renforcer le sentiment de vulnérabilité qui émane de ces pièces noyées dans la pénombre, ces corridors poussiéreux. L’étendue du manoir, l’entrelacs de couloirs et la présence de passages secrets dissimulés çà et là sont autant d’éléments propices à parfaire la stratégie de l’antagoniste.

On notera que le traitement principal se plaît à évoluer vers quelques digressions saugrenues et autres légèretés propres à la comédie. Soit dit en passant, une idée étonnante au regard de ce qui est avancé. Cela tient aux comportements excessifs de certains intervenants, leurs mimiques exagérées ou à des échanges fondés sur l’incrédulité et la dérision de la convoitise. Le procédé altère quelque peu le bon a priori général. Dans le meilleur des cas, il prête à sourire sans réelle efficacité. Ce contraste atténue le travail de fond initié en amont. À noter que ce choix sera repris, par la suite, pour d’autres productions similaires, comme Night Monster, avec un résultat plus appuyé.

Au final, La Volonté du mort demeure une œuvre intéressante dans le sens où elle tente de faire cohabiter des genres aux antipodes. On apprécie ce départ vers l’épouvante et le fantastique pour s’immiscer vers le huis clos policier. La progression fait montre de variété et de dynamisme avec une exploration immersive. Il est à regretter cette approche comique qui ne fonctionne pas vraiment, diminuant l’aspect lugubre du cadre gothique et du danger latent. Il s’agit pour autant d’un choix artistique qui donnera lieu à différentes déclinaisons dans le thème de la « maison hantée », eu égard au farfelu One Body Too Many. Avec d’indéniables qualités esthétiques, un film inspiré, parfois étrange, qui n’hésite pas à prendre des risques, même s’ils ne s’avèrent pas toujours convaincants.

Note : 14/20

Par Dante

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