mars 28, 2024

Weëna

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Auteurs : Eric Corbeyran et Alice Picard

Editeur : Delcourt

Genre : Fantasy

Résumé :

Au royaume de Nym-Bruyn, les premiers souverains eurent quatre enfants : Skoor, l’aîné, fonda une dynastie dominatrice, « la Branche Maîtresse ». Noor, le mal aimé, quitta le royaume. Sa descendance métissée devint la « Branche Invisible » ou « Branche Perdue » dont est issue Weëna.

Avis :

Il fut un temps, dans les années 2000, où le monde de la bande-dessinée était régi par deux scénaristes travaillant pour deux maisons d’édition concurrentes. Chez Soleil, Arleston régnait en maître, offrant toujours un monde fantasy à explorer et il devint le créateur du monde de Troy et de tous les spin-off gravitant autour de cet univers. Chez Delcourt, Corbeyran se servait de sa plume pour mettre tout le monde d’accord, mais dans des registres plus variés, allant de la fantasy à l’enquête policière ésotérique. Deux personnalités qui, bon gré mal gré, marqueront l’univers de la bande-dessinée. Weëna sort en 2002 chez Delcourt sous la houlette d’Eric Corbeyran et d’Alice Picard qui signe les dessins. On pourrait croire que cette série, prônant la High Fantasy avec des dessins tout colorés et des personnages se rapprochant de l’elfe, demeure comme une autre, assez banale et sans surprise, mais c’est sans compter sur une mythologie bien installée et un récit finalement rondement mené.

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Cependant, l’album n’est pa exempt de défauts, dès le départ, et d’autres qui vont apparaître au fur et à mesure des tomes. En premier lieu, il est vrai que l’histoire, dans sa globalité, peut sembler être commune. Une héroïne, un jeune berger qui va devenir un héros malgré lui, un méchant revanchard et un voyage épique initiatique, on déjà vu et lu cela dans diverses histoires de fantasy. Et Weëna n’échappe pas forcément à la règle dans son ensemble, fournissant une jolie aventure, qui se lit sans déplaisir, mais qui peine à surprendre et surtout, qui a du mal à maintenir un suspens sur les huit tomes qui constituent la saga. D’autre part, il faut accrocher à cet univers relativement « mignon » et qui fait très féminin. Outre le fait que ce soit une héroïne, l’univers demeure très coloré et par moments, on a tendance à se rapprocher d’une histoire d’amour mièvre et pas assez ambiguë. Mais le défaut le plus surprenant va venir à partir du septième tome. En effet, le dessin va virer au style manga en cours de route et nuit complètement à l’intrigue. L’aspect shojo se fait ressentir, les émotions sont amplifiées sur les visages et on a même droit au petit trait simulant la colère dans les bulles de dialogue. C’est très pénible et appuie un côté enfantin qui ne sied absolument pas à la série.

Mais juger Weëna que sur ces aspects serait bien injuste car la série, sans révolutionner le genre, possède tout de même de jolis atouts dans sa manche. A commencer justement par les dessins d’Alice Picard qui sont splendides. Entre les décors et les différents personnages, Weëna est une invitation au voyage et on se laisse pleinement aller dans les contrées enneigées d’Halaskini ou encore dans le désert du Whophaarch. On regrette presque que la dessinatrice ne se soit pas plus laisser aller dans des dessins plus grands afin de montrer toute sa maestria. Un défi d’autant plus réussi que la dessinatrice exécute tous ses croquis au stylo bille. Mais au-delà de l’aspect esthétique, Weëna est aussi une belle épopée et une fuite pour le maintien de l’ordre. Portrait d’une femme forte qui n’abandonne jamais sa quête par altruisme, la série prône une belle valeur et tous les personnages vont dans ce sens. Alors il est vrai que l’on tombe parfois sur certains clichés, mais l’ensemble fonctionne assez bien et il est difficile de ne pas sentir du plaisir à la lecture.

Enfin, Weëna c’est aussi une mythologie bien installée et qui est utilisée à bon escient. Sans en faire des caisses au niveau du background historique de la saga (qui donnera lieu à une autre série, La Légende de Noor), la mythologie est donnée à travers des cartes de tarot qui sont lues par l’un des méchants. Ainsi, cette façon de procéder permet de donner des renseignements sur les tenants et les aboutissants u grand méchant de l’histoire, mais cela sans rompre le rythme assez soutenu. C’est relativement intelligent, d’autant plus que cette histoire permet d’entrevoir un message non seulement écologique, mais aussi et surtout religieux, prônant une certaine laïcité et la volonté d’un atavisme profond, vénérer la nature et la respecter pour qu’elle nous respecte en retour. Cela est évoqué sans être trop appuyé, ce qui  n’est pas plus mal, encore une fois pour ne pas rompre le rythme, mais aussi et surtout pour ne pas casser le divertissement en un pamphlet maladroit. Dernier point important aussi pour cette saga, c’est que le grand méchant fait partie des bad guys les plus intéressants de la bande-dessinée car il est ambigu, déchiré dans une dichotomie qui le pousse à commettre des horreurs sans vraiment le vouloir. Et comme on le sait tous, un méchant réussi fait forcément une série réussie.

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Au final, et malgré des défauts évidents, Weëna reste une saga fantasy fortement recommandable. Même s’il manque une certaine tension dramatique, la série remplit son cahier des charges et se révèle être un divertissement honnête avec un univers travaillé et bien installé. On pourrait lui reprocher d’ouvrir sur un second cycle qui ne verra jamais le jour, la faute à des ventes qui ne furent pas au beau fixe et surtout à un éditeur qui a fait le choix d’une préquelle en deux tomes plutôt que d’une séquelle.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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