avril 19, 2024

L’Attaque des Clones – La Merveilleuse Histoire des Remakes

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Aujourd’hui, tout le monde se plaint à tours de bras que le cinéma américain n’a plus d’idées et que les remakes pullulent sur les écrans, détruisant les œuvres originales au profit d’un besoin incessant de faire de l’argent. Cependant, il faut être réaliste, si Hollywood continue de produire autant de remakes, c’est qu’ils rapportent. Principale manne financière du plus gros producteur de films au monde, le remake est à la fois une source sûre de revenu et une facilité dans les sorties du septième art. Plutôt que de chercher des cinéastes aux idées originales, on préfère prendre des yes man avec des projets tout cuit. Du coup, qui est à plaindre dans l’omniprésence des remakes au cinéma ? Les producteurs en recherche constante de profit ou le public de masse qui s’agglutine à la chaine devant les multiplex pour se gaver de pop-corn et revoir des histoires que l’on a déjà racontées ? Il ne fait aucun doute que si le public n’allait plus voir les remakes, ils seraient déjà moins nombreux. Sauf que…

Sauf que si l’on prend la littérature, il n’est pas inédit de voir des personnes relire la même histoire ou parfois des histoires similaires, apportant une certaine nouveauté. Combien de versions différentes pour Dracula ou Frankenstein. Car finalement, le remake, c’est juste redire la même histoire, en la réactulisant ou en apportant un nouveau regard, comme en littérature. Ou dans les jeux vidéo avec les versions améliorées. Bref le remake est partout, mais on le voit beaucoup plus au cinéma. Et avec la sortie d’un nouvel Ben-Hur, qui n’est que la quatrième relecture de l’histoire, le remake prend une nouvelle dimension. Mais dans le fond, qu’est-ce que c’est que le remake ? Et depuis combien de temps cette histoire de remake existe-t-elle ? Allons faire un petit tour dans le monde magique de la redite, de la répétition et de parfois de la bonne surprise.

  1. Qu’est-ce qu’un Remake?

Le terme remake provient de l’anglais re-make, littéralement refaire. Ainsi, dans le fond, le mot ne donne aucun doute sur les intentions des auteurs et producteurs, puisque faire un remake, c’est refaire un film. Bien entendu, il serait stupide de retranscrire un film plan par plan, ce qui s’apparenterait à du plagiat, comme a pu le faire Gus Van Sant avec Psycho, le remake de Psychose d’Alfred Hitchcock. C’est ainsi que le remake s’affranchit nettement du reboot, qui consiste à reprendre les grandes lignes d’une histoire pour en fournir une toute nouvelle (les nombreux Spiderman par exemple) et de la préquelle ou séquelle, qui sont des suites ou des origines de certains personnages. Cependant, le remake n’est pas une notion aussi simple et il peut rentrer dans différentes cases. Entre les pays d’origine des remakes, les nouvelles versions ou encore les versions plus modernes, le remake peut parfois se fiancer au reboot.

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Mais ce qui demeure incroyable, c’est le nombre incalculable de films qui ont subi un remake. Quand on regarde les chiffres astronomiques, on se rend compte que le remake ne date pas d’hier et que le phénomène n’est pas nouveau. C’est juste qu’avec les sorties de plus en plus nombreuses et les distributions qui sont tout de même plus importantes, on a la sensation que le remake est un adage d’aujourd’hui.

  1. Histoire des Remakes

A quand remonte le premier remake de l’histoire du cinéma. De beaucoup, dès l’invention du cinéma, il est histoire de remake. Lors de la sortie du train, dans le célèbre court des frères Lumière, trois versions similaires sont sorties, puisque les cinéastes ont voulu multiplier les angles de vue. Mais là encore, peut-on vraiment parler de remake lorsqu’il s’agit d’une expérience, qui plus est dans ce qui ressemble plus à un documentaire qu’à un vrai film scénarisé.

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Néanmoins, il n’a pas fallu longtemps pour voir apparaître le vrai premier remake de l’histoire du cinéma aux Etats-Unis. Et oui, dès le départ, le pays de l’oncle Sam s’est converti au remake dont le désir profond était de faire du profit. En 1903, Edwin S. Porter propose The Great Train Robbery, un western très classique parlant d’une attaque de train par des hors-la-loi qui sont ensuite poursuivis par un shérif. Le film fut une vraie révolution à l’époque, brisant les codes statiques du cinéma muet et offrant une réalisation dynamique. Il n’en fallait pas plus pour que le film subisse un remake… l’année d’après !

Effectivement, c’est en 1904 que Siegmund Lubin décide de reprendre l’histoire mot pour mot et quasiment plan par plan car le film précédent fut un énorme succès. Le bougre est allé jusqu’à garder le même titre de film, sauf que comme tout remake moderne, il a augmenté la violence et offert un design plus léché. En 1905, une loi sort pour protéger physiquement les films d’une copie, sauf que Lubin va contourner cette loi en parlant de liberté intellectuelle et il va ainsi se sauver des griffes de la justice.

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Comme on peut le voir, le remake a donc plus de cent ans et n’est pas une chose nouvelle, puisque par la suite, une foule de films vont avoir droit à leur nouvelle version. Dès 1938, les américains vont passer le cinéma français à la moulinette avec des films comme Casbah, qui est un remake de Pépé le Moko ou encore Port of Seven Seas qui est une reprise de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol.

Les années 50 seront aussi fournies en remake, les américains commençant à reprendre leurs propres films comme Une Etoile est Née ou encore Haute Société. Mais l’Allemagne et le France ne seront pas en reste, puisque c’est en 1952 que Fanfan la Tulipe va subir un remake ou encore en 1954 que le film Emile et les Détectives va avoir droit à sa version couleur après un noir et blanc datant de 1931.

Mais les remakes explosent littéralement dans les années 90 et 2000, montrant un déclin évident, non pas d’idées, parce que ça, il y en a toujours, mais de prises de risques dans les sorties de film, voulant à tout prix faire du bénéfice. Mais finalement, cela est une mauvaise raison et on finit par voir le mal partout. Parce que parfois, la raison de faire un remake est tout à fait honorable.

  1. Raisons des Remakes

On a souvent tendance à voir le mal partout, surtout quand il s’agit de toucher à certaines œuvres cultes. Et il est vrai que les raisons de faire un remake, du point de vue des producteurs, puent, mais ce n’est pas tout le temps le cas. En effet, on peut noter trois « bonnes » raisons de faire un remake.

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En premier lieu, le remake va permettre à un film de revenir sur le devant de la scène et donc d’avoir un public élargi. Si certaines cinéphiles conservateurs crient immédiatement au scandale, il ne faut pas s’inquiéter. L’œuvre originale restera ce qu’elle est, un incunable, mais en plus, le remake peut donner envie à la jeune génération de découvrir l’œuvre originale avant ou après le visionnage du remake. Ainsi, à quelque part, c’est comme redonner vie à un film soit oublié, soit vieillissant. Alors il est vrai que très souvent, le remake n’est qu’une pâle copie de son aîné, mais il peut réhabiliter une œuvre, où tout du moins la ramener à une mémoire collective.

Ensuite, le remake peut permettre d’actualiser un scénario qui a pris un coup de vieux. En mettant en avant les nouvelles technologies, les mœurs contemporaines et en apportant un petit coup de dépoussiérage, il est possible que le remake amène une nouvelle vision du premier film. Ce qui fut le cas par exemple, avec La Colline a des Yeux d’Alexandre Aja, qui apporte un vrai vent de fraîcheur au film de Wes Craven. Il peut aussi permettre à certains films de dépasser les frontières et d’être plus accessibles. A titre d’exemple, le cinéma asiatique n’utilise pas les mêmes codes que le cinéma américain et un remake peut permettre de rentrer en douceur dans un nouveau style de cinéma. Bon, il est vrai que le Old Boy de Spike Lee est un très mauvais exemple.

Enfin, un film qui est sorti dans les années 30 n’aura pas la même portée idéologique après quelques années. Il faut dire que la politique, l’économie ou encore les mœurs évoluent rapidement et qu’il est difficile pour un film d’être intemporel. D’ailleurs, les films dont le message fonctionne encore aujourd’hui sont des chefs d’œuvre. Du coup, le remake peut être un bon moyen de fournir une vision différente, plus ancrée dans la réalité et dans l’actualité. Alors certes, bien souvent cela ne vole pas bien haut, mais pour rester dans l’air du temps et fournir une nouvelle vision, le remake peut être une bonne alternative.

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Mais dans le fond, les raisons de faire un remake sont bien plus obscures et ne sont un secret pour personne. En tout premier lieu, le remake est une non prise de risque pour les producteurs. S’appuyant sur des films connus ou cultes, faire un remake avec un nom connu permet d’attirer le chaland, le cinéphile averti qui espère revoir un bon film au cinéma comme le jeune qui est baigné dans une culture geek. Il en ressort généralement une version médiocre, qui caresse le jeune dans le sens du poil et qui fait un gros doigt d’honneur aux amateurs de l’original.

Et puis il ne faut pas se leurrer, le remake est juste un bon moyen pour les producteurs de se faire du blé facilement et sans fournir de gros efforts. Les scénaristes bossent généralement sur une base connue, la réalisation va pouvoir reprendre certaines séquences cultes et au final, le remake est une usine à pognon à moindre coût. Mais cela a de drôles de conséquences sur le cinoche.

  1. Conséquences des Remakes

Les remakes sont-ils désastreux pour le cinéma ? Oui et non.

En effet, si l’on regarde les derniers succès du box-office, il s’agit de Star Wars le Réveil de la Force et Jurassic World, deux films issus d’une licence qui sont soit des reboots/remakes, soit des suites. Du coup, on ne peut pas dire que les remakes tuent le cinéma dans leur aspect financier. D’ailleurs, le septième art n’a jamais aussi bien marché qu’en ce moment, accumulant de jolies ventes de billets. Il semblerait donc que les producteurs aient raison de mettre en avant des resucées de films déjà vus puisque cela fonctionne et attire les foules.

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Malheureusement, ce succès a un revers de la médaille et ce sont les cinéphiles avertis qui en prennent pour leur grade. Car la conséquence la plus importante de ce foisonnement de remakes, c’est la mort progressive d’un cinéma risqué, plus ou moins indépendant, avec des idées originales. Du coup, on se retrouve avec des films formatés, bien souvent aseptisés, et qui perdent totalement de leur sens cinéphilique. Il y a une baisse indéniable de la qualité cinématographique. Alors certes, il y a toujours des électrons libres dans le cinéma américain, mais hormis les grands noms comme Tarantino, Cameron ou Spielberg, les plus petits réalisateurs n’ont pas la même distribution.

Et c’est toute une culture qui se prive de certaines personnes et l’inverse est aussi vrai. Les petits cinémas de quartier tout comme les petits cinémas indépendants se retrouvent avec quasiment aucune sortie nationale, sauf pour les remakes, les suites, les reboots et donc, les blockbusters. Pour les films plus intimes, pour les thrillers plus personnels, pour les films d’horreur, ces cinémas en sont privés, privilégiant bien évidemment l’apport du public à l’apport de diversité culturelle. C’est un véritable problème qui rejoint une culture de masse, une lobotomisation du peuple qui ne peut profiter d’un même spectacle suivant sa localisation géographique. Et cela est en partie dû aux remakes de blockbusters, qui fonctionnent et qui tuent les autres films.

Du coup, en plus de tuer la création artistique, les remakes tuent à petit feu la diversité cinématographique dans les petits cinémas qui ont bien besoin de faire leur beurre. Mais le plus affligeant, c’est que les exploitants, les producteurs et les grands pontes du septième art s’en foutent complètement, préférant l’argent à l’art, la facilité à la prise de risque.

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Certes, il existe de bons remakes, et comme toute chose dans la vie, le monde des remakes n’est pas tout noir ou tout blanc, mais force est de constater que depuis les prémices du cinéma, on en bouffe sans même le savoir (saviez que Speed est le remake d’un film japonais, Sugar Express 109 de 1975 ?) et que le phénomène n’a fait que s’accentuer depuis. Si aujourd’hui la façon de faire laisse à désirer, c’est que l’argent a pris une place phénoménale dans le milieu du cinéma et qu’il faut brasser un maximum sans prendre de risques. Il en résulte une brimade des idées originales et la volonté de toujours plaire à un public condescendant et visiblement demandeur de films remis au goût du jour ou tout du moins portant le nom d’une licence connue. Allons-nous vers la mort du cinéma ? Non puisque les entrées sont là. Allons-nous vers la mort de l’originalité ? Certainement, mais c’est ce que tout gouvernement ou religion veut. Et cette uniformisation est relativement dangereuse pour la liberté de penser.

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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