novembre 4, 2025

La Grenadière – Qu’est-ce que le Ganimé ?

Titre Original : Zakuro Yashiki

De : Koji Fukada

Année : 2007

Pays : Japon

Genre : Animation

Résumé :

Le peintre japonais Ken Fukazawa traduit ici en images le roman d’Honoré de Balzac La Grenadière. Koji Fukada donne vie à plus de 70 superbes tableaux du peintre.

Avis :

Sous forme d’animes ou de mangas, la littérature classique a bénéficié de nombreuses adaptations. On songe, entre autres, à Alice au pays des merveilles, Le Comte de Monte-Cristo, Les Trois mousquetaires ou Sherlock Holmes. Ces incursions marquent la rencontre des cultures occidentales et asiatiques. Dans les années 2000, la Toei Animation fête ses 50 ans. À cette occasion, le studio de production lance le ganimé. À la confluence du film d’animation et de l’art pictural, ce concept inédit a pour ambition de repenser l’expression artistique au travers d’un média qui privilégie une narration allégorique, où le rapport au public est différent. Preuve en est avec La Grenadière vue par Kōji Fukada.

Le principe du ganimé repose sur l’exposition de peintures qui s’accompagnent d’une bande-son et d’une histoire racontée par un ou plusieurs narrateurs. Si les images demeurent fixes, la réalisation joue sur le cadrage pour mettre en avant certains détails des toiles, voire un élément clef du récit lui-même. Aux premiers abords, il est vrai que l’ensemble suggère une passivité évidente. Cependant, elle est à l’aune de cette évocation prompte à la nostalgie des souvenirs d’enfance, du moins dans un premier temps. À la manière de bonimenteurs pour les films muets, les narrateurs illustrent parfaitement les images avec des intonations justes, une rythmique qui respecte le tempo du montage.

« Le travail n’est pas uniquement visuel »

Les premiers tableaux sont l’occasion de dépeindre un environnement idyllique, sinon idéalisé. Certaines occurrences ont beau suggérer une perte tragique en devenir, cette réminiscence tend à magnifier l’insouciance des enfants et le charme de la propriété. Dans le choix des couleurs, comme dans la représentation de la lumière, on notera une prédilection pour l’impressionnisme. Les panoramas sont somptueux, tandis que les portraits les plus intimistes s’avèrent tout aussi soignés et remarquables. Entre la nature et le cadre domestique, le jour et la nuit, on assiste à une grande variation des situations, développant l’atmosphère de la nouvelle d’Honoré de Balzac.

Le travail n’est pas uniquement visuel. Il s’évertue à synchroniser les images avec l’ambiance sonore. Comme évoqué précédemment, cela concerne la narration et l’illustration des propos avancés. Les mélodies et l’évolution des tonalités présentent des élans légers et d’autres, plus dramatiques. Ainsi, la présentation d’un tableau avec une composition au piano revêt tout d’abord le caractère accueillant de la demeure, même si elle apparaît déserte. Plus tard, ces occurrences prennent un tour plus sombre lorsque survient la maladie au sein du foyer familial. Il suffit de quelques lignes narratives et de notes dissemblables pour basculer dans deux climats aux antipodes. Une démarche aussi intéressante que subtile.

« On notera d’excellentes idées de mise en scène »

Au fil de sa progression, l’histoire s’arroge des considérations plus pessimistes. Si la dimension sociétale de La Comédie humaine guette les orphelins en devenir, l’auteur s’attarde sur la perte de l’innocence et le passage à l’âge adulte, sans transition ni amorce. L’isolement de la famille, l’agonie de la mère et la précarité de la situation pour les enfants rendent leur avenir d’autant plus incertain. On notera d’excellentes idées de mise en scène pour traduire la décrépitude latente. Preuve en est avec la chambre de la mère qui se dépouille des fleurs, puis des couleurs, au gré de ses dernières volontés. Un tableau déliquescent qui correspond parfaitement à la dégradation physique et la détresse psychologique des personnages.

Au final, La Grenadière constitue plus une expérience artistique qu’une découverte cinématographique. L’œuvre de Kōji Fukada et de Ken Fukazawa offre un splendide écrin à la nouvelle de Balzac. L’originalité du ganimé conjugue à merveille l’animation, la peinture, la musique et la littérature. La confluence de la France du XIXe siècle avec le style nippon fournit une incursion prompte à la contemplation, où l’on se laisse porter par un récit aux multiples nuances. La peur de l’abandon, le caractère éphémère de l’existence (et du bonheur), l’enfance perdue… Autant de sujets abordés avec mesure et sensibilité pour dépeindre cette fresque picturale aux atours séduisants, empreinte de nostalgie.

Note : 16/20

Par Dante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.