Auteure : Linnea Hartsuyker
Editeur : Les Presses de la Cité
Genre : Historique
Résumé :
Norvège, IXe siècle après J.C. Depuis que son père est mort sur le champ de bataille, Ragnvald n’a qu’une hâte : atteindre la maturité pour pouvoir enfin gouverner les terres qui lui reviennent, placées sous l’égide de son beau-père, le cruel Olaf. Aussi, quand, de retour d’un assaut, le capitaine du navire qui le ramène chez lui tente de l’assassiner, Ragnvald devine que c’est Olaf qui a commandité le guet-apens. Obtenir justice n’est pas chose aisée en pays viking, où des centaines de petits rois se disputent un lambeau de territoire, mais Ragnvald est prêt à mourir pour sauver son honneur. Quant à sa petite sœur, l’impétueuse Svanhild, qu’Olaf voudrait offrir en mariage à une brute épaisse, elle serait capable de prendre les armes pour venir en aide à Ragnvald et s’arracher à l’emprise de leur beau-père. Jusqu’au jour où elle croise le chemin du beau Solvi, l’ennemi juré de son frère… Tandis que Ragnvald choisit de rejoindre les troupes du jeune Harald, guerrier prodige incarné dans le monde des rêves par un loup à la crinière d’or, Svanhild sera confrontée au pire des dilemmes : la famille ou la liberté.
Avis :
Ragnvald et le loup d’or est un roman d’aventures et d’épopées vikings comme on les aime. En vogue grâce à la série éponyme, ces nordiques souvent mal dénotés, se dévoilent de plus en plus également en littérature. L’auteure s’est inspirée d’une véritable saga d’antan pour nous faire revivre les premiers pas du prétendant au trône de Norvège, Harald. Trahisons, fausses allégeances, pillages, massacres, mariage, tout y est. Les traditions vikings sont mises à l’honneur dans ce roman tout en nous apprenant une multitude de termes norrois comme ting, représentant une assemblée de justice, wyrd pour le destin, daugr, décrivant une créature maléfique, ou knarr qui est un type de bateau marchand.
L’écriture est soignée et riche. Les descriptions des différents lieux d’action font rêver, nous font voyager et nous font aussi réagir. On a la sensation de lire un véritable documentaire en plus d’un roman épique. Les situations sont bien explicitées, comme les rôles de chacun dans la famille, dans l’armée et dans les navires. Les références historiques sont nombreuses et permettent une immersion crédible et vivace. Roman historique et d’aventures à la fois, ce livre est d’autant féerique qu’il nous plonge dans le quotidien de personnes ayant vraiment existé.
Par ailleurs, les croyances nordiques, aujourd’hui bien connues, apportent leur lot de magie dans un univers plutôt austère et froid : Ran, la déesse des eaux, repêche les noyés ; Loki, le dieu fourbe, ne cesse de tourmenter les esprits et le Walhalla, la halle d’Odin, donne de l’espoir aux combattants qui rêvent d’y siéger parmi les plus valeureux des guerriers. Un peu superstitieux sur les bords, fervents croyants et pas toujours pratiquants, les peuples vikings nous ressemblent plus qu’il n’y paraît et ont laissé de nombreuses traces de leurs passages.
Les héros ne sont clairement pas des barbares assoiffés de sang et dénués d’esprit. Ils nous offrent des intrigues intéressantes, même si, comme souvent, la plupart tournent autour du pouvoir, de la conquête de territoires et de sombres affaires familiales. Le passage du ting est certainement un des passages les plus prenants tant la mise en scène est grandiose et le suspense à son comble. Les lois nordiques sont si complexes et pleines d’intelligence qu’on se laisse vite prendre au jeu.
Ragnvald, le personnage principal, est borné, têtu et très terre à terre. Sa vengeance compte plus que tout et il est prêt à n’importe quoi pour récupérer ses terres quel qu’en soit le prix. Cette fixation est parfois agaçante tant et si bien qu’elle lui fait faire des erreurs. On finit par s’attacher à cette tête brûlée qui ne cesse d’approcher les hautes sphères pour finir par conseiller les plus grands. Malmené par son beau-père et torturé par d’autres de ses camarades auxquels il avait confiance, ses blessures du passé se rouvrent constamment et font de Ragnvald un personnage aussi instable qu’intéressant.
Sa sœur n’est pas en reste. Svanhild est un personnage qui prend de plus en plus de place au fil du récit. Le lecteur aimera rapidement sa hargne et ses rêves d’aventures, tout comme sa naïveté et sa force de caractère. On la suit moins longtemps que Ragnvald mais les chapitres la concernant sont aussi forts et captivants, parfois même davantage car plus subtils, amoureux et aventuriers que ceux de Ragnvald où les combats et manœuvres stratégiques s’enchaînent un peu trop par moment sans nous laisser de répit. Plus on avance dans l’histoire, plus les passages avec Svanhild deviennent également des manèges d’alliance et de manipulation. Certains accords nous touchent moins que d’autres tandis qu’il y en a qui nous parlent davantage. Ses interactions avec Solvi, un personnage d’importance et aussi curieux que fascinant, sont ensorcelantes et nous font découvrir d’autres facettes des nordiques.
Le rythme du roman est ainsi inégal. Certaines batailles se suivent trop vite, seulement entrecoupées de discours militaires ou de préparations à la guerre. Les jeux politiques finissent par lasser quelque peu à partir de la seconde moitié du livre tant ils sont omniprésents, même s’ils reflètent la vérité. On a du mal à s’y attacher et le choix de prendre parti pour tel ou tel aspirant au trône paraît complètement flou. De plus, ces moments nous font oublier une partie du suspense du début du livre et des objectifs des personnages principaux.
La fin change de ton et fait suite à la première partie du roman, cassant complètement les intrigues de pouvoir. On suit un Ragnvald d’abord désemparé qui, petit à petit, prend confiance et agit pour le bien de tous, selon lui. Ses confrontations finales avec sa sœur sont très prenantes étant donné le chemin parcouru par les deux protagonistes. Les rêves de l’un ne signifient plus grand-chose pour l’autre et vice et versa. Ils ont évolué, chacun de leur côté, au fil des pages et ce, d’une belle façon.
Ragnvald et le loup d’or est le premier roman d’une saga épique où pillages, massacres, vengeances et combats s’enchaînent, tout en laissant une place non négligeable aux intrigues familiales et amoureuses, en plus de celles plus politiques et territoriales. Tout y est ! La violence est également présente et appuie le fait que l’époque était dure et cruelle. On s’y croit vraiment et on apprend. L’auteure nous a offert un livre riche et endiablé, tout de même un peu trop tourné sur les batailles. Mais, finalement, comment lui en vouloir ?
Note : 15/20
Par Lildrille