septembre 30, 2023

Le Cri du Cannivore 2018 – Jour 8

Tin tin tin tiiiiin tiiiiin tintintin tiiiin tin tintintin tiiiiin tin tintintin tiiiiin !

Oui, vous aviez bien reconnu (faut dire que je le fais vachement bien aussi), c’est bien la célèbre musique de John Williams qui accompagne le début de chaque opus de Star Wars.

Car aujourd’hui, pour moi, c’était la découverte de Solo, deuxième volume de la série des « Star Wars Stories » qui nous conte les jeunes années de Han et sa rencontre avec Chewbacca, Lando Calrissian, et le Faucon Millenium.

Le film sortant mercredi prochain au cinéma, on se réserve pour une critique complète dans le week-end, et on vous en dit pas plus. Sachez juste que j’ai réussi à me lever, et que j’étais dans la queue si tôt que mon entrée au Théâtre Lumière a été royale, aucun souci pour trouver la meilleure place. Voilà, ça c’est ma life, mais je tenais à le préciser.

À peine sorti de la salle, que je retourne dans la queue pour Under the Silver Lake de David Robert Mitchell. Il fait de nouveau chaud, je suis fatigué (j’ai failli tourner de l’œil pendant la séance en pleine scène d’action), je n’ai pas mangé depuis 10h30 ce matin, mais va falloir tenir, on est parti pour 2H20 d’enquête opaque et onirique en plein Hollywood par le réalisateur d’It follows.

Après son film de malédiction sexuelle et The Myth of the American Sleepover, on se doutait que le nouveau film de David Robert Mitchell allait demander une sacrée dose d’attention et ne pas brosser le public dans le sens du poil. La chose est confirmée avec l’histoire de Sam (Andrew Garfield, impeccable), jeune branleur de Los Angeles qui un soir rencontre son étrange voisine et se rapproche d’elle. Alors qu’il revient la voir le lendemain pour « finir ce qu’ils avaient commencé », il découvre son appartement entièrement vidé. S’en suit une enquête dans un Hollywood tellement étrange qu’il en devient effrayant, qui va mêler codes secrets, conspiration, sexe, violence et pop-culture.

Il y a quelque chose de subtilement dérangeant dans Under the Silver Lake, une accumulation de mystères (pour certains jamais résolus), de situations en décalage, souvent presque oniriques et aux frontières de l’absurde, une ambiance générale très lynchienne dans ce que l’on se doute être une multiplication de symbolismes. Mais contrairement à David Lynch, qui parfois n’use que le symbolisme pour raconter son histoire de manière poétique, David Robert Mitchell y injecte lui une bonne dose d’humour, et donne à son personnage des airs de ravi de la crèche têtu.

Pendant un bon moment, on se demande si tous ces détails ne sont pas là pour indiquer que Sam rêve, ou bien devient tout simplement fou, tant les mystères s’enchaînent dans une ambiance qui rappelle aussi les Creepypasta, ces légendes urbaines d’internet qui nous font frémir d’horreur. On s’attendrait parfois presque à voir débarquer Slenderman au détour d’un plan.

Mais à mesure que le film avance, on se doute bien que celui-ci va fonctionner sur deux niveaux de lecture, et proposer une enquête au spectateur autant que Sam enquête à l’intérieur de l’histoire. Under the Silver Lake s’articule autour de messages cachés, de codes à décrypter, d’éléments à double sens, évidemment que la réalisation est au diapason, et son analyse détaillée permettrait probablement de déceler un discours sur le cinéma bien plus profond. Sinon pourquoi recréer la célèbre scène du film inachevé de Marilyn Monroe « Something’s got to give », pourquoi mettre en avant les films de Janet Gaynor, première femme à avoir été récompensée d’un Oscar, pourquoi faire s’éclipser ces mystérieux personnages de la tombe géante d’Hitchcock, pourquoi rappeler en filigrane qu’Andrew Garfield a joué dans Spiderman, en le faisant se réveiller un matin la main pleine de chewing-gum, collée justement à un comics « The Amazing Spiderman » ? On se demande même si la présence de Topher « Venom » Grace (méconnaissable dans un tout petit rôle apparemment sans importance et pourtant crédité dans les premiers noms du générique), et d’un sosie de Tom Holland dans un film dans le film ne sont pas aussi des indices…

Bref, Under the Silver Lake est un film complètement opaque, qui pose plus de questions qu’il ne donne de réponses, mais semble aller loin, loin au-delà de notre compréhension premier degré de vision initiale, presque dans une odyssée métaphysique, et se révèle fascinant tant dans sa structure scénaristique que dans sa réalisation. On ajoutera même que la musique de Rich Vreeland (déjà responsable de la BO d’It Follows sous le nom de Disasterpeace), constamment en décalage de ton avec l’image, tantôt électronique, tantôt symphonique à outrance, est pour beaucoup dans le sentiment d’étrangeté qui se dégage du film.

 

Deux films à la suite, deux films attendus, deux films de plus de deux heures, deux films passionnants, voilà une première partie de journée bien remplie.

Alors qu’il faisait une chaleur infernale dans la queue d’Under the Silver Lake, voilà qu’il se met à pleuvoir à la sortie. Décidemment, il y a vraiment plus de saison ma bonne dame. Du coup je me réfugie à la Terrasse des journalistes pour vous écrire un peu en sirotant un coca (ouais, c’est bientôt la fin, ils n’ont plus de bière). L’occasion pour moi de me faire la réflexion sur notre statut de journaliste. Cannes n’est au final pas vraiment un festival de cinéphiles, tant il est très difficile, quasi-impossible, de rentrer si vous n’avez qu’un badge « cinéphiles » ou pas de badge du tout (encore que beaucoup arrive à choper des invitations en faisant le pied de grue toute la journée à l’entrée du Palais des festivals).

À Cannes, les films sont faits pour être vus par ceux qui vont les faire vivre, ceux qui vont pouvoir les distribuer, les diffuser, en parler, c’est vraiment une vitrine du cinéma mondial, et donc forcément les journalistes sont ultra-privilégiés. C’est vrai, il m’est arrivé de me plaindre de ne pouvoir accéder à une séance, mais quand on y pense, en dehors des séances de gala du soir avec invitation obligatoire (et de certaines séances de la Quinzaine où sont distribuées tellement d’invitations par la prod que c’est peine perdue), nous sommes prioritaires à toutes les séances, et si ce n’est les gros morceaux au Théâtre Lumière qui demande quand même d’arriver avec une certaine avance, inutile d’arriver plus de 30 minutes avant le début de la séance. Sachant que les salles ouvrent justement en général 30 minutes avant, autant vous dire qu’on ne fait pas beaucoup de queue debout. Et encore, en tant que presse internet, je suis en dernière position dans la hiérarchie des badges.

Tout ça pour dire que, n’ayant rien d’autre à faire, je suis arrivé plus d’une heure avant pour ma dernière séance de la journée, Guy d’Alex Lutz, présenté en clôture de la Semaine de la Critique. Une salle bondée pour ce film qui, de l’aveu même des programmateurs, était complètement passé sous le radar (et dont je n’avais donc jamais entendu parler). D’Alex Lutz je n’avais pas vu Le Talent de mes amis, et les préjugés habituels de « l’humoriste qui veut faire du cinéma » étaient restés imprégnés en moi, malgré sa présence très remarquée dans Un Petit Boulot, qui me l’avait fait découvrir sous un nouveau jour.

Hé bien, avec ce documenteur sur un chanteur sur le retour par un jeune qui vient de découvrir qu’il est son fils illégitime, Alex Lutz frappe fort, très fort, autant en tant qu’acteur que réalisateur. Bien sûr, on pourrait arguer que sa présence au générique ressemble à un one-man show à sa gloire, celui-ci interprétant lui-même (à la perfection, bien aidé par un maquillage très impressionnant) ce vieux beau de presque 70 balais qui est le centre de toutes les attentions, avec force mimique crédibles et réparties hilarantes. Mais cela est fait avec tant de subtilité, tant d’humanité, tant de délicatesse, et surtout tant de légèreté, qu’on ne peut qu’être emporté dans ce voyage vers un passé qui s’accroche.

L’année dernière, on avait vu avec The Meyerowitz Stories un très beau film sur le temps qui passe, la vieillesse dans l’art et la peur d’être un artiste raté. Même si les deux films sont très différents, les similitudes de Guy dans ses thématiques en font un peu son pendant français. Guy Jamet, vieux chanteur romantique à la Sardou ou Julien Clerc (qui fait une petite apparition dans le film), à peine beauf, et à la gueule aussi grande que sa générosité, sent bien que le meilleur est derrière lui, regrette les années fastes et voit tout doucement approcher l’échéance.

Il voit dans Gauthier, le héros du film, le fils qui lui manque (le sien étant parti travailler sous d’autres cieux), et sans le savoir, sans que le secret ne soit révélé, se tisse entre eux une vraie relation filiale, à mesure qu’ils se découvrent, s’apprécient, s’engueulent aussi. On est profondément touché par leur relation, et par le personnage de Guy, qui oscille entre manque de tact et recul sur sa carrière, qui se balade entre émissions rébarbatives et moments de calme à la campagne.

La caméra embarquée rend encore plus touchants et proches de nous ces moments de la vie de Guy. Ses répétitions, ses concerts, ses souvenirs, ses moments de doute, nous semblent incroyablement réels, et on n’a qu’une envie, plonger lui faire un gros câlin (ou plutôt on attend le moment d’une révélation et de l’embrassade du père et du fils). C’est d’autant plus frappant qu’Alex Lutz, qui aura 40 ans cette année, nous parle d’une époque révolue comme s’il l’avait lui-même connu, nous fait part des doutes et des souvenirs de l’artiste vieillissant, comme s’il en était déjà un. L’espace d’1h45, Guy Jamet existe vraiment sur l’écran, nous touche et nous agace, et il faut parfois faire un effort pour ressortir de cette « fausse réalité » et se rappeler que tout ça n’est qu’une œuvre de fiction. Et ce ne sont pas les chansons parfaitement raccords, écrites pour l’occasion, ritournelles qui restent longtemps en tête, qui prouveront le contraire.

Bref, je ne connaissais que trop peu le travail d’Alex Lutz, après Guy, croyez-moi que je vais suivre sa carrière avec attention.

 

Ah, et si vous voulez l’instant people, j’ai croisé Aure Atika sortant de la salle, et elle vieillit plutôt bien. Allez à demain !

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Par Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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